Kofi Annan quitte son poste de Secrétaire général des Nations Unies après avoir passé 10 ans à sa tête. Ce départ intervient dans un contexte particulièrement sombre et meurtrier, que ce soit en Irak, au Proche-Orient, en Somalie... Le dernier discours (reproduit ci-dessous) qu'il a prononcé devant le Conseil de sécruté, ce 26 décembre 2006, est un appel à la réforme de l'organe onusien et plus largement un appel à la paix, qui aura toujours été son principal objectif...
Je
vous remercie, Monsieur le Président, des paroles extrêmement aimables que vous
avez prononcées à mon égard. Merci également d’avoir présenté au Conseil le
projet de résolution qu’il vient d’adopter –résolution par laquelle je suis
profondément honoré, inutile de le préciser.
Sauf
si des crises imprévues éclatent dans les neuf jours qui viennent –mais ce
n’est pas ici qu’on songerait à en exclure la possibilité–, c’est la dernière
fois que je vous rencontre en tant que Secrétaire général. Je tiens à remercier
le Conseil non seulement d’avoir saisi cette occasion pour adopter une
résolution qui me va droit au cœur, mais aussi de l’avoir fait coïncider avec
une autre décision que vous êtes sur le point de prendre, celle de proroger le
mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Sierra Leone (BINUSIL).
Le
cas de la Sierra Leone est sans conteste un exemple de la réussite à laquelle
peut aboutir notre collaboration. Mais ceux, parmi nous, qui se rappellent
l’angoisse de certains jours de mai 2000 savent très bien que ce n’était pas
gagné d’avance. Eh bien, aujourd’hui ce pays illustre parfaitement ce à quoi
peuvent parvenir l’ONU et ses États Membres quand ils collaborent étroitement.
La
situation en Sierra Leone est stable, mais encore fragile. Le pays a besoin
qu’on continue à l’aider à mettre en place les institutions de l’État et à
assurer leur efficacité, surtout celles qui sont chargées de la sécurité, des
droits de l’homme, de la justice et de la préparation des élections de l’an
prochain, qui seront une étape déterminante de la consolidation de la paix.
Je
vous remercie donc d’avoir accepté de prolonger l’action de l’ONU en Sierra
Leone. Mais je vous remercie aussi de tout ce que vous faites pour la cause de
la paix et de la sécurité dans le monde entier.
Pendant
10 ans, dans mes fonctions de Secrétaire général, je me suis souvent permis
quelques critiques à l’égard de cet organe, particulièrement en ce qui concerne
sa composition. Je continue d’espérer que celle-ci sera modifiée, car je suis
convaincu que s’il devient plus démocratique et représentatif, le Conseil aura
une légitimité encore accrue et son autorité sera plus généralement respectée.
Il
m’est aussi arrivé parfois de critiquer les décisions du Conseil – ou plutôt,
plus souvent, son inaction. Et j’ai essayé, suivant l’excellente recommandation
trouvée dans le rapport Brahimi, de dire au Conseil ce qu’il avait besoin de
savoir plutôt que ce qu’il avait envie d’entendre.
Je
sais cependant que « la responsabilité principale du maintien de la paix
et de la sécurité internationales » que vous a confiée la Charte n’est pas
une charge facile à supporter. D’ailleurs, il est beaucoup plus facile de
critiquer le Conseil quand on n’en fait pas partie que de prendre des décisions
quand on y siège.
Et
pourtant, les membres du Conseil m’ont généralement écouté de bonne grâce – à
un point étonnant, même. Je dois aussi constater que l’efficacité des travaux
du Conseil a été considérablement renforcée au cours de mes 10 années de
mandat. Le Conseil nous a confié des mandats plus cohérents, plus
« musclés » lorsqu’il le fallait, et, plus souvent qu’avant, assortis
de ressources à peu près adéquates. Ses membres s’attachent davantage au suivi
de leurs décisions, exigeant, de moi et de mes collègues des missions qu’ils
ont créées, que nous lui présentions des rapports circonstanciés, et se rendant
même parfois sur place pour voir directement ce qui s’y passe.
D’autre
part, le Conseil a adopté de très importantes résolutions sur certaines
questions –je pense en particulier à sa résolution1325 sur le rôle des femmes–
et, d’une manière générale, il est plus conscient de la nécessité d’empêcher
les conflits, plutôt que d’attendre qu’ils aient éclaté pour réagir.
Quelques
expériences amères nous ont appris à tous que nous ne pouvons pas nous
permettre de croire les gouvernements sur parole lorsqu’ils nous assurent que
tout va pour le mieux dans leur pays, ou qu’ils ont la situation bien en main.
Nous avons aussi appris qu’il faut que le Conseil soit pleinement renseigné sur
tout ce qui touche aux droits de l’homme, car les violations caractérisées de
ces droits ne se produisent pas seulement pendant les conflits mais en sont
souvent un signe avant-coureur.
Il
n’y a vraiment pas lieu de nous croire au bout de nos peines. Comme je l’ai dit
la semaine dernière, il m’est pénible de penser qu’au moment où je quitte mon
poste, la situation au Moyen-Orient est toujours aussi précaire et explosive.
J’espère
de toutes mes forces que nous sommes enfin près de réussir à arracher le peuple
du Darfour au sort épouvantable qui est le sien actuellement. Les rapports que
j’ai reçus de mon Envoyé à Khartoum, M. Ould Abdallah, m’encouragent à penser
que demain peut-être nous allons recevoir le feu vert du Président Bashir pour
un cessez-le-feu total, des efforts renouvelés en vue de la participation de
toutes les parties à la recherche d’une solution politique, et le déploiement
de la force hybride Union africaine-Nations Unies qui a été proposée pour
protéger la population. Mais il faudra voir ce que dit le document que
rapportera M. Ould-Abdallah.
Mais
nous avons été si souvent déçus que nous ne pouvons compter sur rien. Ce que je
sais, c’est que le Conseil, secondé habilement par mon successeur, continuera
de s’occuper de ces crises, et de beaucoup d’autres encore.
Cela
dit, il n’y a pas non plus de quoi désespérer. Il arrive souvent qu’une
situation se dégrade de manière saisissante, mais les progrès, eux, se font
généralement petit à petit. De nombreux conflits ont trouvé une issue
pacifique. Beaucoup ont au moins été maîtrisés, et on entrevoit la sortie du
tunnel. Et je suis convaincu, bien que ce soit bien plus difficile à prouver,
que beaucoup d’autres ont été empêchés.
Quoi
qu’il arrive, le devoir sacré et la mission exaltante de cette Organisation
demeurent les mêmes, il faut « préserver les générations futures du fléau
de la guerre ». Ce fut un honneur pour moi de participer avec vous à la
poursuite de cet objectif, dans les moments de réussite comme dans l’échec. Je
me dételle maintenant de cette tâche, avec soulagement mais non sans regret. Et
je souhaite de tout mon cœur que vos réussites ne cessent de se multiplier.
Source : ONU
Ayant à l'esprit le rôle central que le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a joué à la tête de l'Organisation en s'acquittant de la mission que la Charte des Nations Unies lui a confiée,
Ayant également à l'esprit les efforts soutenus qu'il a faits pour apporter des solutions justes et durables à divers différends et conflits dans le monde entier,
Se félicitant des réformes qu'il a opérées et des nombreuses propositions qu'il a faites dans le sens de la restructuration du système des Nations Unies et du renforcement de son rôle et de son fonctionnement,
1. Prend note de la contribution que le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a apportée à la paix, à la sécurité et au développement internationaux, des efforts exceptionnels qu'il a déployés pour résoudre les problèmes internationaux dans les domaines économique, social et culturel, et de l'action qu'il a menée pour répondre aux besoins humanitaires et promouvoir et encourager le respect des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales de tous ;
2. Exprime sa profonde gratitude au Secrétaire général, M. Kofi Annan, pour son dévouement aux buts et principes énoncés dans la Charte et au développement de relations amicales entre les nations".