(au nom de la Commission du droit de l’environnement de l’UICN)
A. Ch. Kiss est mort. L’immense Kiss dont la stature a dominé l’évolution du droit international dans ses dimensions essentielles de la protection des droits de l’homme et de la protection de l’environnement vient de disparaître à l’âge de 81 ans. Né à Budapest en Hongrie le 2 juin 1925, il perdit honteusement la nationalité de son pays avant de la recouvrer par la suite à juste titre. Il devait d’ailleurs le représenter avec honneur et autorité devant la Cour internationale de justice dans l’affaire Gabcikovo-Nagymaros. Il émigra en France en 1947 et devint l’élève de Mme S. Bastid. Marié à Hélène dont il eut deux enfants, il conserva également des convictions protestantes à Strasbourg, sa ville d’élection. Il est quasiment impossible pour de nombreuses générations de juristes de ne pas avoir rencontré à un moment donné de leur parcours de recherche la pensée ouverte et profondément humaniste du disparu.
A. Ch. Kiss est mort. L’immense Kiss dont la stature a dominé l’évolution du droit international dans ses dimensions essentielles de la protection des droits de l’homme et de la protection de l’environnement vient de disparaître à l’âge de 81 ans. Né à Budapest en Hongrie le 2 juin 1925, il perdit honteusement la nationalité de son pays avant de la recouvrer par la suite à juste titre. Il devait d’ailleurs le représenter avec honneur et autorité devant la Cour internationale de justice dans l’affaire Gabcikovo-Nagymaros. Il émigra en France en 1947 et devint l’élève de Mme S. Bastid. Marié à Hélène dont il eut deux enfants, il conserva également des convictions protestantes à Strasbourg, sa ville d’élection. Il est quasiment impossible pour de nombreuses générations de juristes de ne pas avoir rencontré à un moment donné de leur parcours de recherche la pensée ouverte et profondément humaniste du disparu.
Chercheur, A. Kiss le fut certainement jusqu’au bout, à travers la carrière remarquable en tous points au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) où il entra en 1951 avant de devenir en 1993 directeur de recherches, obtint l’éméritat et fut couronnée par la plus haute distinction scientifique, médaille d’or. Comment ne pas citer à cet égard l’imposant « Répertoire de la pratique française en matière de droit international » en sept volumes auquel il consacra dix ans de sa vie ? Chercheur, il le fut aussi au sens noble du terme, en embrassant après sa thèse de doctorat sur L'abus de droit en droit international, de multiples champs d’intérêt qui ne résument pas pourtant la curiosité intellectuelle qu’il a constamment manifestée dans le droit institutionnel, à travers l’étude des organisations européennes, en droit international des droits de l’homme, domaine dans lequel il assuma pendant plus de dix ans, de 1980 à 1991, les importantes fonctions de Secrétaire général de l’Institut international des droits de l’homme de Strasbourg et surtout en droit international de l’environnement où il fut à la fois un pionnier et un croisé pacifique.
Il serait difficile de restituer en peu de mots l’œuvre immense d’A. Kiss dans ce domaine, son apport à la formalisation scientifique d’un système normatif au service de l’Humanité, dont lui-même a pu dire, au-delà de sa fonction soulignée par ailleurs de « laboratoire d’expérimentation » juridique, qu’il illustrait, en tant que « droit international de l’avenir », un nouvel avenir pour le droit international. Il n’est pas de secteur technique ou matériel qu’il n’ait inlassablement exploré, jusqu’à ces derniers travaux, encore peu connus dans la doctrine francophone sur le renouvellement de l’ordre international dans le domaine de la protection de l’environnement dans la perspective d’un « constitutionnalisme mondial ». En 1998 des mélanges en son honneur saluaient, sous le titre édifiant de « les hommes et l’environnement », une œuvre en tous point exceptionnelle, faite de pédagogie, de finesse technique et d’audaces scientifiques que résume bien son manuel désormais classique Droit international de l’environnement aux éditions Pedone, en collaboration avec J. P. Beurier pour les dernières éditions.
Présent sur tous les terrains et attaché aux compagnonnages divers et multiples, pour ancrer ce champ nouveau de recherches dans le droit international, particulièrement aux Etats-Unis où il fit une brillante carrière de professeur mais également au Canada, au Brésil, au Japon, en Thaïlande et naturellement dans de prestigieuses universités européennes, telles l’Université Erasmus de Rotterdam. En France, il dirigea le Centre de droit de l’environnement à Strasbourg où il enseigna également, mais il participa en outre aux enseignements de droit international de l’environnement dans les premières formations doctorales en droit de l’environnement, à Limoges ou à Lyon.
Membre du Conseil d’administration de la Société française pour le droit de l’environnement, il fut également l’une des autorités scientifiques les plus réputées de l’IUCN dans le domaine du droit. Soutien indéfectible du Centre de droit de l’environnement de l’UICN à Bonn, il fut Gouverneur pour l’Europe de la Commission du droit de l’environnement et Président du comité sur le développement conceptuel de la discipline. Membre du Conseil international pour le droit de l’environnement, il obtint le prestigieux prix Elisabeth Haub pour sa contribution à la théorie et à la pratique du droit de l’environnement dans le monde. Au-delà des fonctions et distinctions multiples qu’il accepta, il se dévoua jusqu’à la fin corps et âme comme président du Conseil européen de droit de l’environnement.
La tristesse que nous éprouvons les uns et les autres par delà le monde du fait d’une disparition si rapide de l’un des esprits juridiques les plus prolifiques qui soient, doit être compensée par la sérénité qui a toujours été la sienne, même à l’heure ultime assurément.
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