En janvier 2005, une enquête de l’ONU dénonçait déjà des crimes contre l’humanité au Darfour mais estimait que Khartoum n’avait «pas poursuivi une politique de génocide». La présence d’experts de l’ONU depuis fin 2006 a changé la donne, tout comme la mort des douze travailleurs humanitaires tués en six mois et l’accroissement significatif des activités criminelles dans la région.
C’est avec fermeté que la mission spéciale «conclut que le gouvernement du Soudan n’est manifestement pas parvenu à protéger la population du Darfour de crimes à grande échelle, au regard du droit international, et a lui-même orchestré ces crimes et y a participé» : «La situation se caractérise par des violations grossières et systématiques des droits de l’Homme et de graves atteintes au droit humanitaire international», et ce, aussi bien de la part des forces gouvernementales, qui «ont souvent agi de concert avec les milices jandjawids, y compris pour commettre des violations des droits de l’Homme», que de la part des rebelles.
Tout en déplorant que « les nombreux efforts de la communauté internationale n'aient pas réussi à mettre fin au conflit », la mission demande donc au gouvernement soudanais d'améliorer la protection des populations en cessant de prendre pour cibles les civils au Darfour, en mettant un terme à tout soutien aux milices jandjawids et en procédant à leur désarmement, leur démobilisation et à leur réintégration. Quant aux rebelles, «ils doivent respecter strictement les exigences de la législation internationale sur les droits de l’Homme et le droit humanitaire et prendre les mesures nécessaires pour se distinguer clairement de la population civile».
Le rapport exige en outre du gouvernement soudanais non seulement de faire avancer les négociations de paix mais également une «pleine coopération» pour le déploiement sans délai de la force de paix et de protection conjointe de l’ONU et de l’Union africaine et un meilleur accès des travailleurs humanitaires. Le rapport suggère enfin de juger les auteurs de violations des droits de l'Homme, d'établir des programmes pour remédier aux causes profondes du conflit, de mettre en oeuvre les recommandations des mécanismes de protection des droits de l’Homme et d'offrir une compensation aux victimes.
La décision d’envoi de la mission spéciale, dirigée par la lauréate du prix Nobel de la paix en 1997 Jody Williams, avait été prise en décembre dernier au terme d’un débat animé par le Conseil des droits de l’Homme. Cette mission devait mener une enquête indépendante sur les violations des droits humains commises dans cette province de l’Ouest du Soudan.
Dans l’incapacité de se rendre au Darfour ou même au Soudan, malgré des demandes répétées tendant à obtenir des visas, la mission a malgré tout enquêté depuis l’extérieur du pays, du 5 février au 5 mars 2006, au siège de l'Union africaine à Addis Abeba ainsi que sur le terrain au Tchad, afin de présenter coûte que coûte un rapport lors de l’ouverture aujourd’hui à Genève de la quatrième session du Conseil des droits de l’Homme.
Alors que les violations des droits de l'Homme s'étendent actuellement au Tchad et que l'espace accordé aux interventions humanitaires tend à se réduire dramatiquement, les violences au Darfour, que Washington considère comme un génocide – terme que rejette catégoriquement Khartoum – ont chassé 4 millions de personnes de chez elles et fait près de 200 000 morts depuis que les rebelles ont pris les armes en février 2003.
Lors de son point de presse aujourd'hui, la porte-parole du Secrétaire général, Michèle Montas, a annoncé que le Secrétaire général de l’ONU s'était entretenu le week-end dernier avec le président soudanais Béchir qui l'a confié à visiter le pays, invitation que Ban Ki-moon aurait acceptée dans son principe.