Le centre de détention de Guantanamo compte actuellement environ 385 détenus : 60 à 80 d'entre eux doivent être traduits devant un tribunal militaire d'exception et 85 renvoyés dans leur pays. La décision de la Cour suprême américaine concerne plus spécifiquement les 200 autres, promis pour l'instant à une détention illimitée sans inculpation.
Le 20 février 2007, la Cour d'appel fédérale de Washington avait affirmé qu'ils ne pouvaient pas déposer de recours d'habeas corpus, droit de se présenter devant un juge pourtant garanti par la Constitution américaine mais qui leur a été retiré par une loi promulguée à l'automne dernier. Les «combattants ennemis» étant étrangers et ne se trouvant pas sur le sol américain, ils ne peuvent pas invoquer les dispositions constitutionnelles, avait expliqué ladite Cour d'appel.
En 2004, par 5 voix contre 4, la Cour suprême avait cependant déclaré que les terroristes présumés devaient pouvoir contester leur détention. Le gouvernement avait alors mis en place une procédure de «révision du statut de combattant ennemi». Les détenus, dénonçant cette procédure administrative où ils comparaissent sans avocat, avaient déposé de nouveaux recours qui ont abouti à la décision précitée de février.
«À première vue, nous sommes très contents de cette décision», a déclaré à la presse une porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino. En revanche, Vincent Warren, le responsable du Centre pour les droits constitutionnels qui coordonne la défense de centaines de détenus a déploré le fait que «la Cour suprême (ait) encore une fois repoussé la résolution du sort de ces détenus». De même, le sénateur démocrate Chris Dodd, qui a déposé une proposition de loi rétablissant l'habeas corpus, a estimé pour sa part que la décision de la Cour suprême était «extrêmement regrettable, parce qu'elle aurait pu aider à rétablir la crédibilité internationale de l'Amérique en matière de respect du droit». «Le Congrès ne peut pas rester là à attendre que les tribunaux règlent le problème (...). Nous ne pouvons et ne devons pas délocaliser nos responsabilités légales, morales et constitutionnelles», a ajouté son collègue Patrick Leahy, président de la Commission des affaires juridiques du Sénat.
On ne peut effectivement que regretter que la Cour suprême n’ait pas su trouver en son sein au moins quatre juges prêts à examiner si le Congrès avait le droit de supprimer ce droit d’habeas corpus reconnu comme la pierre angulaire de la liberté américaine depuis la fondation de ce pays.