Le mandat d'arrêt visant Ahmad Muhammad Harun énumère 42 chefs d'inculpation dont 20 de crimes contre l'humanité, à savoir meurtres, persécutions, transferts forcés de population et privations grave de liberté physique et torture. Il cite aussi 22 chefs de crimes de guerre, y compris destructions de biens, viols, pillages et atteintes à la dignité de la personne humaine. Quant à Ali Kushayb, en sa qualité d'un des plus hauts dirigeants des miliciens/Janjawid et membre des Forces de défense populaires, il était considéré comme un «intermédiaire» entre les dirigeants des miliciens/Janjawid et les autorités soudanaises, affirme la CPI. Le mandat d'arrêt visant Ali Kushayb énumère 50 chefs, dont 28 chefs de crimes de guerre et 22 chefs de crimes contre l'humanité, notamment pour meurtre, déportation ou transfert forcé de population, emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, tortures, persécutions et actes inhumains causant de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique.
Les mandats d’arrêt délivrés par la CPI font suite à la requête présentée le 27 février 2007 par le Procureur de la CPI qui concluait à l’existence de motifs raisonnables de croire que les personnes citées ont commis des crimes relevant de la compétence de la Cour et demandait en conséquence à la Chambre préliminaire de décider de la délivrance de citations à comparaître ou de mandats d’arrêt.
«Après avoir examiné la requête et les éléments de preuve présentés par le Procureur, la première Chambre préliminaire de la CPI a conclu qu'il y avait des motifs raisonnables de croire qu'en raison de ses fonctions, Ahmad Harun avait connaissance des crimes commis contre la population civile et des méthodes utilisées par les miliciens/Janjawid, et que non seulement ses discours publics montrent qu'il savait que les miliciens/Janjawid attaquaient des civils et pillaient des bourgs et villages mais que ces discours constituaient également des encouragements personnels à la commission de tels actes illégaux», indique un communiqué publié à La Haye qui souligne les liens de complicité entre l’ancien ministre de l’Intérieur et les milices Janjaouid dans leurs attaques contre les localités de Kodoom, Bindisi, Mukjar, Arawala et des alentours en 2003 et 2004.
La Chambre a également conclu qu'il y avait des motifs raisonnables de croire «qu'Ali Kushayb, un dirigeant de miliciens/Janjawid de Wadi Salih, avait recruté des combattants, et avait armé, financé et approvisionné des miliciens/Janjawid placés sous son commandement, contribuant ainsi intentionnellement à la commission des crimes» et qu'il avait aussi «personnellement participé à certaines des attaques dirigées contre des civils».
La Chambre, contrairement au Procureur de la CPI, a estimé qu’une citation à comparaître ne suffirait pas à garantir la comparution de ces personnes. Estimant, en effet, qu'il y avait des «motifs raisonnables» de croire que ces personnes ne se présenteront pas volontairement devant la Cour, la Chambre a décidé de délivrer deux mandats d'arrêt, transmis au gouvernement du Soudan ainsi qu’à tous les États parties au Statut de Rome et aux États membres du Conseil de sécurité des Nations Unies qui avait saisi le Procureur de cette situation.
Le Conseil de sécurité doit effectivement s’assurer de l’application de sa résolution 1593 (2005) par laquelle il déférait cette situation au Procureur pour l’ouverture de l’enquête le 1er juin 2005. Il reste à espérer que les États de l’Union Africaine et de la Ligue des États arabes en particulier soutiennent l’action de la CPI au Darfour, en veillant à l’exécution des mandats d’arrêt par le Soudan et à ce que Khartoum coopère pleinement avec la CPI en lui remettant sans tarder Ahmad Harun et Ali Kushayb et en permettant au Bureau du Procureur de se rendre au Darfour pour poursuivre ses enquêtes dans le pays.