Les six pays à l’initiative du texte - États-Unis, France, Grande-Bretagne, Belgique, Italie et Slovaquie - ont aussitôt salué son adoption et rappelé que le gouvernement libanais avait lui-même souhaité la création du tribunal. «Le Conseil de sécurité a démontré son attachement au principe qu'il ne doit y avoir d'impunité (pour les assassinats politiques) ni au Liban, ni ailleurs», a déclaré l'ambassadeur des États-Unis, Zalmay Khalilzad, ajoutant que la décision du Conseil servirait à «décourager d'autres assassinats politiques». Son homologue britannique, Emyr Jones Parry, a qualifié la décision de «vitale pour le Liban, pour la région et pour la justice», tandis que le ministre adjoint des Affaires étrangères libanais, Tarek Mitri, a estimé que l'adoption de la résolution «renforce la crédibilité du Conseil de sécurité».
Parmi les abstentionnistes, des voix dissonantes se sont toutefois fait entendre pour critiquer cette «interférence» dans les affaires intérieures du Liban qui créerait un précédent fâcheux pour l'indépendance juridique d'un État souverain. Ainsi, l'ambassadeur de Russie, Vitaly Tchourkine, a-t-il qualifié la résolution de «douteuse du point de vue du droit international», car elle contourne les exigences de la Constitution du Liban. L'ambassadeur de Chine, Wang Guangya, a estimé pour sa part que le Conseil avait ignoré la nécessité d'un consensus national libanais sur le tribunal et que cela «causera des problèmes politiques et légaux». Quant à son homologue qatari, Abdelaziz al-Nasser, le seul membre arabe du Conseil, il a exprimé la crainte que la résolution «ne favorise pas la stabilité du Liban».
Même si plusieurs diplomates onusiens ont estimé que le Tribunal ne pourra certainement pas commencer à siéger avant environ un an, la résolution, juridiquement contraignante, prévoit l'entrée en vigueur automatique le 10 juin de la convention signée l'an dernier entre l'ONU et le Liban créant ce «Tribunal spécial», à moins que d'ici là les parties libanaises s'entendent pour ratifier cette convention. Il prévoit également que le tribunal «commencera à fonctionner à une date à déterminer par le Secrétaire général (de l'ONU), en consultation avec le gouvernement du Liban, et prenant en compte l'avancement du travail de la Commission d'enquête internationale».
La résolution 1757 prévoit également le cas où un accord entre l'ONU, le Liban et un pays hôte sur le siège du tribunal s'avèrerait impossible. Dans ce cas, le Conseil «décide que le siège du Tribunal sera l'objet d'un accord entre l'ONU et le pays hôte, en consultation avec le gouvernement du Liban». D’ores et déjà, Chypre, l'Italie ou les Pays-Bas ont fait savoir qu’ils pourraient éventuellement abriter le futur Tribunal.
Le vote du Conseil de sécurité intervient alors que les combats entre armée et islamistes dans le nord et attentats à Beyrouth ont repris de plus belle au Liban. Pour prévenir des troubles éventuels dans un pays plongé dans une profonde crise opposant la majorité anti-syrienne, favorable au tribunal et l'opposition, appuyée par Damas et Téhéran et hostile à cette instance, des mesures de sécurité exceptionnelles ont été décidées.