Nuon Chea est connu comme l'idéologue du parti Khmer rouge. Ex-bras droit de Pol Pot, il a été le Premier ministre d’un régime sanguinaire qui a fait régner la terreur de 1975 à 1979, conduisant à la mort de plus de 1,7 million de personnes, du fait du travail forcé, de la famine ou d'exécutions, soit à l’époque environ un quart de la population de ce pays d'Asie du Sud-Est.
En 1975, les Khmers rouges prenaient d'assaut la capitale et instauraient la République démocratique du Kampuchéa. Le «projet» Khmer rouge, élaboré par Pol Pot et Nuon Chea visait à construire une «société utopique» socialiste où l'argent et la religion seraient abolis et exigeant l'expulsion des Vietnamiens du pays, au prix de la mort de tout opposant ou supposé opposant.
À cette fin, les Khmers rouges isolèrent le pays de toute «influence extérieure», fermant les écoles, les hôpitaux et les usines, abolissant toute forme de monnaie et de système financier, interdisant toute forme de religion, confisquant toute propriété privée et déplaçant de force la population des zones urbaines vers des fermes collectives où le travail forcé était en majorité la règle.
L'abandon de la médecine occidentale et l'inexpérience de la population citadine face aux exigences fixées pour la production agricole conduisirent à de nombreux morts de famine ou d'épuisement.
Le régime procéda aussi à l'exécution des opposants ou de toute personne coupable de la moindre infraction aux règles, ainsi que des «professionnels» et «intellectuels» (cette catégorie pouvant comprendre par exemple les personnes portant des lunettes) des homosexuels, des Vietnamiens et Chinois, des Chrétiens et des Musulmans et des moines bouddhistes.
Il décida aussi de séparer les familles et d'interdire les communications, y compris sous peine de mort, abolissant aussi les services de la poste et du téléphone.
Nuon Chea, âgé aujourd'hui de 82 ans, est aussi accusé d'avoir supervisé le fonctionnement de la prison S-21, où plus de 16.000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées à la pioche pour économiser les balles.
Le chemin jusqu’à l’inculpation de l’ancien numéro deux des Khmers rouges a été longue, en raison de toute une série d’obstacles faisant partie de l’histoire du pays. En janvier 1979, le Vietnam envahissait le Cambodge et mettait un terme au régime. Les Khmers rouges prenaient le maquis, tandis que le pays se déchirait dans une guerre civile jusqu’au décès de Pol Pot en 1998. La même année, les anciens dirigeants maoïstes concluaient un accord avec le gouvernement pour ne pas être inquiétés. C’est sous la pression de la communauté internationale qu’un Tribunal spécial a finalement été créé en 2006. Après des mois de tractation, l'Assemblée plénière des magistrats cambodgiens a enfin adopté, en juin dernier, le Règlement intérieur des CETC, rendant ainsi les Tribunaux opérationnels.
Alors que la grande majorité des leaders khmers rouges sont aujourd’hui morts ou très âgés, ces Tribunaux auront pour rôle non seulement de mettre un terme à l’impunité dont jouissaient les leaders khmers rouges, mais aussi, et bien plus largement, de renforcer la loi et la justice au Cambodge, et d’enseigner aux jeunes générations ce qui s’est passé il y a 30 ans dans leur pays.