La mobilisation internationale que le drame humanitaire qui se déroule au Darfour depuis 2003, avec la création de coalitions, d’organisations et de mouvements citoyens dans plusieurs pays du monde (1), l’organisation de campagnes de sensibilisation qui ont vu l’implication de stars internationales, de nombreuses initiatives diplomatiques avec notamment la tenue de conférences et rencontres internationales (en France et en Libye notamment) et la nomination de deux médiateurs conjoints, l’un pour le compte de l’ONU, Jan Eliasson, et l’autre pour celui de l’Union Africaine (UA), Salim Ahmed Salim, à qui s’est récemment joint Djibril Yipènè Bassolé, en qualité de médiateur conjoint ONU-UA, et l’établissement de la Mission conjointe, ONU-UA, de maintien de la paix au Darfour, l’UNAMID, attestait semble-t-il d’un engagement sérieux et durable de la communauté internationale.
Ainsi, l’UNAMID, après de nombreuses difficultés (principalement techniques et politiques), causées notamment par les obstacles posés par les autorités Soudanaises et la nécessité de marchander sur les termes et les conditions de son établissement, a pris le relai de la Mission de l’UA au Soudan (AMIS) en janvier de cette année. Toutefois, il était clair dès le début qu’à elle seule, l’établissement de cette mission de maintien de la paix ne pouvait stabiliser la situation et qu'une solution politique entre les différents protagonistes devant passer par des négociations de paix inclusives étaient plus que nécessaire; domaine dans lequel peu d'avancées sont à noter jusqu’à présent.
Pour en revenir à l’UNAMID, il semble que sa mise en œuvre traîne le pas, rendant la situation sur le terrain, et pour la force et pour les populations qu’elle est supposée protéger, encore plus incertaine et précaire. L’UNAMID n’en est qu’à environ 40% de son déploiement avec, sur les 26.000 soldats, policiers et personnels qui sont sensés la constituer, moins de 10.000 actuellement sur le terrain. Aussi, la force ne semble pas disposer des équipements de transports devant lui assurer tout le soutien logistique et la mobilité nécessaires. C’est notamment le cas de camions pour transporter le matériel de la force de Port Soudan (sur les bords de la Mer Rouge, à l’Est du soudan) à la région du Darfour (à l’Ouest du Soudan), d’ingénieurs et d’unités logistiques spécialisées.
Ainsi, alors que l’UNAMID manque encore de moyens aériens et notamment d’hélicoptères (18 hélicoptères de transport et 4 hélicoptères tactiques) et que les principaux pays qui pourraient en mettre à la disposition de la force semblent pour le moment traîné les pieds, affirmant notamment pour certains ne pas en disposer ou alors pour des raisons politiques que le rapport d'une coalition d’ONGs récemment publié et intitulé Grounded. The International Community’s Betrayal of UNAMID évoque en mettant en lumière ce qui peut s'assimiler à un manque de volonté politique de la part de la communauté internationale et plus particulièrement de certains de ses membres. Le rapport procède ainsi à un état des lieux de la disponibilité en hélicoptères des pays de l’OTAN (organisation qui a déjà dans le passé apporté un soutien logistique dans le cadre du déploiement des troupes de l’AMIS et une assistance technique par le biais de formations apportées à certains personnels de cette mission) et des principaux pays contributeurs en troupes et matériels de l’ONU.
On apprend ainsi qu'à la différence de la Belgique, du Canada, de l’Estonie, de l’Islande et du Luxembourg qui ne disposent actuellement pas d’hélicoptères répondant aux besoins et spécificités techniques exprimés par l’ONU (en termes de capacité d’emport et de champ d’action), et de l’Allemagne, de la Norvège, et du Royaume Uni qui ne disposent pas du tout d’appareils en surplus, la Bulgarie, le Danemark, l’Espagne, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Inde, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, le Pakistan, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Turquie possèdent bien des appareils qui pourraient être mis à la disposition de l’UNAMID. Et de conclure qu’actuellement l’Espagne, l’Inde, l’Italie, la République Tchèque, la Roumanie et l’Ukraine étaient en position de fournir a priori quatre fois le nombre des hélicoptères nécessaires à l'UNAMID.
Dans le même ordre d’idées, dans un rapport publié le 28 juillet dernier et intitulé Putting People First: The Protection Challenge Facing UNAMID in Darfur, la coalition d’ONGs Darfur Consortium revient sur ce qu’elle assimile a une faillite des leaders mondiaux à tenir les promesses et engagements pris vis-à-vis des populations du Darfour à travers l'établissement de l’UNAMID. Pour se faire, elle évalue l’efficacité de la force UNAMID au cours des six mois qui ont suivi son déploiement en donnant la parole à des Darfouriens, experts et travailleurs humanitaires. Il en ressort de son travail un constat déjà évoqué et connu de tous: une force sous-équipée, mal formée, manquant de personnel, avec pour résultat le fait que beaucoup de Darfouriens ne se sentent pas plus en sécurité qu'avant l'arrivée de la force.
Cela étant dit, il faut toutefois souligner que si la force de l’UNAMID peut jouer un rôle certain dans la stabilisation et la sécurisation du Darfour, la paix dans cette région ne proviendra pas de l'extérieur et encore moins de la constitution de la meilleure force de maintien de la paix, fut-elle dotée des meilleurs soldats et équipements; ceux-ci ne sauraient être que des moyens et facilitateurs pour y parvenir; c’est là d’ailleurs, faut-il le rappeler, la logique sous-tendant les opérations de paix. Le règlement de la crise du Darfour ne proviendra que de la volonté des différentes parties de réellement vouloir arriver à un règlement négocié; volonté qu’on a de la peine à percevoir et à identifier de part et d’autre de l’échiquier Soudanais.


(1) Americans Against Darfur Genocide, Collectif Urgence Darfour, Darfur Action Group of South Carolina, Darfur Australia Network, Darfur Call, Darfur Hilfe e.V., Darfur Relief and Documentation Centre, Darfur Union, ENOUGH Project, Italians for Darfur, Japanese for Darfur, Olympic Dream for Darfur, San Francisco Bay Area Darfur Coalition, Save Darfur Coalition, Save Darfur Canada, Sudan Advocacy Action Forum, Team Darfur, etc.