Force est de rappeler que, lors de la résistance pour l’indépendance du Maroc, les guérilleros de l’Armée de Libération Nationale, ainsi que les activistes politiques de l’indépendance, trouvaient refuge dans la zone Nord du Maroc administrée par l’Espagne. La revendication directe et immédiate de ces villes et îlots ne s’est pas faite en même temps que la rétrocession de la zone Nord du Maroc sous protectorat espagnol, pour des raisons politiques. De là, certains parmi ceux qui s’efforcent de légitimer la présence de l’Espagne au Maroc distinguent entre places et territoires de souveraineté, d’un côté, et protectorat, de l’autre.
Aujourd’hui, nombre d’exactions aux droits humains et à la dignité de l’Homme sont relevées, par la société civile, aux points de passage, sur les citoyens marocains. Ce sont dès lors deux points de droit, ou plutôt de non droit, de violations de droits, qui se posent. Le premier a trait au respect de la dignité humaine, et du droit international des droits de l’Homme, tandis que le second se rapporte à la solution potentielle, au regard du droit international public, quant à la rétrocession des territoires actuellement occupés et administrés par l’Espagne.
Dans tous les cas, qu’il s’agisse du respect des droits humains ou de la décolonisation, il s’agit là de questions qui ne peuvent être réglées que pacifiquement, dans le cadre du droit, en garantissant et en préservant les intérêts des uns et des autres. Mais, il faut le dire, l’équation n’est pas simple à résoudre, car les deux problèmes sont, en fait, imbriqués l’un dans l’autre.
Initialement, mon exposé prévoyait de s’attarder sur la rétrocession des villes et îles et îlots au Maroc, sur les revendications et arguments de part et d’autre, au sujet des territoires occupés par l’Espagne et revendiqués par le Maroc... Mais peut-on, compte tenu de ce qui se passe actuellement, passer sous silence les violations aux droits de l’Homme, notamment, aux check points ?

I . Les exactions au droit international des droits de l’Homme
Les atteintes et violations aux droits de l’Homme sont doubles, en ce sens qu’elles peuvent être classées en violations contemporaines et passées.

1. Les violations contemporaines
Les médias, ainsi que la société civile, rapportent, preuves à l’appui, les tabassages, brimades et autres dont ont fait l’objet, de façon régulière, des personnes d’origine marocaine, aux points de passage. Que ce soit du côté marocain ou espagnol, les atteintes aux droits humains sont condamnables et doivent être condamnées. Le fait que, de ce côté ci, il puisse y avoir des dérapages et atteintes aux droits de l’Homme ne justifie nullement que cela puisse se faire, également, de l’autre côté et, dans les deux cas, la justice doit se prononcer et faire son travail. Chaque fois qu’un ressortissant subit une atteinte à sa dignité et à ses droits, son Etat lui doit protection.
Si, en règle générale, les populations autochtones ont pu vivre avec les populations espagnoles en bonne entente, cela n’a jamais empêché qu’il y ait pu y avoir des cas de dérapages, de racismes, de violations de droits... Et, dans tous les cas, l’exception ne fait que confirmer la règle générale qui veut que l’autochtone, d’origine marocaine, bénéficie de ses droits sur le territoire espagnol. Ce n’est pas sans raisons, si beaucoup, si ce n’est la plupart, ont la double nationalité, et bénéficient des droits et acquis que cela leur confère.

2. Les violations passées
L’occupation des territoires du Nord du Maroc, par le Portugal et l’Espagne, s’est faite de façon belliqueuse, par les forces des armes et des canons, et a donné lieu à tout ce que peut engendrer la guerre. Sur fond d’agression militaire viennent se greffer des traités. La lecture des traités signés entre l’Espagne et le Maroc, il faudrait dire « imposés » par l’Espagne au Maroc, permet de voir dans quelles conditions les droits des Rifains ont été bafoués, comment ils ont été spoliés de leurs terres, comment leurs maisons et champs ont été détruits, comment leurs mosquées et cimetières ont été rasés. Les traités, en particulier celui de 1862, prévoit des indemnisations des Rifains pour la perte de leurs terres, maisons et autres biens et droits ; des indemnisations qu’ils n’ont jamais reçues à ce jour.
Les relations avec les autorités marocaines ont toujours été, tout le long de l’histoire, des compromis effectués sur le dos populations autochtones et au détriment de l’Etat marocain. L’occupation et le dépeçage de l’Empire chérifien marocain, par les puissances occidentales au début du XXe siècle, a réduit le territoire à un ensemble amputé du Sahara oriental, de la Mauritanie, de plusieurs territoires avec le voisin algérien et Sebta, Melilia, ainsi que les îles et îlots avoisinants.
Durant les agressions militaires dites de « pacification », pour l’occupation du Grand Rif, au début du siècle passé, les violations et exactions se sont poursuivies et perpétuées. L’histoire est là pour témoigner de la barbarie employée par les militaires espagnols : les nez et oreilles coupées, les têtes tranchées et offertes sur des corbeilles de roses (1), l’utilisation des armes chimiques de destruction massive, le tout en violation du droit international.
Les dettes de l’Espagne sur le Maroc sont nombreuses ; on y retrouve la spoliation de personnes de leurs territoires et de leurs richesses, outre les exactions et violations perpétrées tout le long des guerres d’occupation dites de « pacification ». La question de la guerre chimique contre le Rif et les Rifains est toujours en suspens et devrait à défaut d’un règlement amiable faire l’objet de poursuites en tant que crime contre l’humanité.

II. L’antagonisme des positions espagnoles au regard du droit
Outre la géographie et l’histoire, au regard du droit international public, les principes consacrés abondent en faveur du Maroc. Néanmoins, encore faudrait-il que le Maroc fasse preuve de plus d’ardeur diplomatique et juridique. Chacune des parties revendique les villes, îles et îlots, ici en question, avec des arguments qui, au regard du droit international public, ne se valent guère.

1. Le dualisme antinomique de la position espagnole
Au sein de la société espagnole, tandis que les uns se refusent à toute discussion, d’autres, plus sages, recherchent la négociation.

1.1. Les arguments des partisans espagnols du refus
Les arguments invoqués sont divers.
1.1.1. La « terra nullius »
« Certaines de ses possessions ont été occupées alors qu’elles n’appartenaient à personne (res nullius). C’est le cas de Melilla, qui fut occupée en 1497 alors que ses habitants l’avaient désertée, ou celui des chafarinas, occupées quatre siècles plus tard en 1848, alors que la souveraineté d’aucun Etat ne s’y était affirmée de façon officielle » (2).
1.1.2. L’acquisition de Ceuta par traité international avec le Portugal
« Le cas de Ceuta est différent puisque la ville fut acquise en 1580 par l’Espagne après la réunion des royaumes du Portugal et d’Espagne sous Philippe II, puis plus officiellement par le Traité de 1668. Bien sûr, les Portugais l’avaient conquise par la force en 1415, mais dans le cas de l’Espagne l’acquisition de Ceuta s’est réalisée par un Traité international en 1668 » (3).
1.1.3. La pratique courante de la conquête militaire
« Dans le cas des peñones de Velez de la Gomera et d’Al Hoceima, leur acquisition s’est effectuée par une conquête militaire (ocupatio bellica) et une occupation effective ininterrompue à une époque où cela était une pratique courante » (4).
Les arguments historiques ne s’arrêtent pas là, puisque selon certains le lien est encore plus ancien.
1.1.4. Des provinces de l’Espagne romaine
« Déjà, au IIIe siècle, le territoire de l’Afrique du Nord où se situent Ceuta et Melilla étaient une province de l’Hispania romaine sous le nom de Nova hispania ulterior tingitana (...) » (5).
1.1.5. La dépendance du Califat de Cordoue
« A la période arabe, Ceuta et Melilla ont dépendu du Califat des Omeyades de Cordoue » (6).

1.2. Les propositions des adeptes de la négociation
1.2.1. La théorie de la rétrocession partielle et dans le temps
Déjà, en 1975, Jaime De Pinies, exprimait à sa hiérarchie, son opinion personnelle au sujet des territoires occupés : « la remise immédiate des îles et îlots au Maroc après négociation. Quant à Melilla, envisager une durée de vingt ans pour leur rétrocession. Et enfin, pour ce qui est de Sebta, préciser qu’il ne serait admis aucune discussion tant que Gibraltar ne serait pas incorporée à la souveraineté espagnole (7). Jaime n’eut pas de réponse écrite mais, par téléphone, on lui fit savoir que ses critères n’étaient pas partagés.
1.2.2. La rétrocession immédiate des îles et îlots, avant les villes
Máximo Cajal , pour sa part, considère que l’Espagne dispose d’arguments juridiques cohérents mais que, du point de vue politique, il serait illusoire et dangereux de se tromper. Car, en fait, la position juridique internationale espagnole est plus apparente que réelle. Et de s’interroger sur ce qu’il adviendrait si le Maroc posait le problème devant les institutions internationales. Puis de soutenir que le traitement des îles et îlots, non habités par des populations civiles est plus simple que celui des villes qui requiert négociations.
1.2.3. Le parallèle avec Gibraltar
Après la mort de Franco, Manuel Fraga , en 1976, écrit : « (...) nous pensons qu’il ne reste plus à l’Espagne, à la longue, que de négocier avec le Maroc, un statut similaire à celui que nous avons proposé à la G.B. pour Gibraltar » (8).
1.2.4. La rétrocession à long terme
En 1975, le PCE en exil fixe dans son programme sa position : la rétrocession des deux villes au Maroc. Santiago Carillo par deux fois, en 1985 et 1987, revient sur la question : « Rétrocession après négociation dans 25 ou 30 ans ». En 1990 le PCE, alors partie de Izquierda Unida, signe un communiqué avec le PPS pour la décolonisation des deux villes.

1.3. La contradiction espagnole
1.3.1. Ce qui vaut pour Gibraltar ne vaudrait pas pour les enclaves marocaines
Récemment, le PP et le PSOE réunis devaient ratifier au Parlement espagnol le caractère « espagnol » de Ceuta et Melilla . L’Espagne soutient mordicus que les enclaves en question relèvent de sa souveraineté. Mais le fait n’a jamais été le droit . Par ailleurs, sur un registre similaire, il est intéressant de relever que l’Espagne et la Grande Bretagne se disputent la souveraineté sur Gibraltar. « Dib hlal, dib hram » : ce qui vaut pour soi même, ne vaut pas pour les autres.
1.3.2. La légitimité par le droit de conquête
Ce que l’Espagne s’efforce de consacrer, c’est un « droit de conquête » , distinguant ainsi entre les places de souverainetés, possessions espagnoles d’avant le protectorat, et la zone du protectorat. D’aucuns estiment encore que le « droit de conquête » est la base de la légitimité de la présence espagnole dans les enclaves. Afin d’éviter la qualification de « territoires non autonomes », l’Espagne a changé le statut des enclaves en en faisant des « cités autonomes ».
1.3.3. Un intérêt contradictoire
A différentes époques, il fut question de les changer ou même de les rendre sans contrepartie au Sultan . Le regain d’intérêt espagnol apparaît à la fin du XIXe siècle et début du XXe siècle.
1.3.4. Des arguments fallacieux
Les arguments évoqués par certains politiques espagnols sont pluriels, contradictoires, et ne soutiennent pas la contradiction au regard du principe de réalité. Le 1er argument invoqué, c’est que les « places de souveraineté » ont été espagnoles avant la naissance du Maroc en tant qu’Etat ; le second argument, que les territoires en question étaient « terra nulius », terres sans maîtres ; enfin, le troisième argument, que ces territoires sont espagnols en vertu de traités dont certains ont été signés par le Maroc .

2. La nature des soubassements juridiques
2.1. L’absence de fondement juridique solide
Les différents arguments évoqués pour revendiquer la possession légitime ne résistent pas l’analyse légale :
2.1.1. Les enclaves étaient-elles espagnoles avant même l’existence du Maroc comme Etat ?
De quoi est-il question ? Du Maroc aux frontières réduites de la fin des protectorats ? Ce serait bien vite oublier que le Maroc, l’Etat marocain, existe bien avant le Maroc de l’indépendance, et qu’il avait même conquis l’Espagne avant d’en être chassé. L’Empire chérifien marocain a vu ses frontières violées, envahies, son territoire dépecé, amputé... Par ailleurs, le Maroc a toujours exprimé ses réserves au principe de l’uti poseditis juris, le principe de l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme.
2.2.2. Les présides, îles et îlots étaient-ils terra nullius ?
D’aucuns avancent que les territoires occupés étaient terra nullius, terres sans maîtres. Qui sont dès lors les gens qui, des siècles durant, ont défendu et revendiqué, les armes à la main, leurs territoires ? Des fantômes ? C’est ignorer que l’occupation s’est faite autrement que de façon pacifique. Les guerres envers et contre l’envahisseur ont été régulières tout au long des siècles passés. Pour illustration, la grande tribu des Gueliya, (Ikar’iyen) est une réaction à l’occupation de M’Ritch, et regroupe une confédération de tribus qui entourent la ville .
2.2.3. Les traités signés par l’Espagne lui confèrent-ils une légitimité sur les territoires réclamés ?
Les présides, îles et îlots ont étés des conquêtes belliqueuses où la loi du plus fort, la loi de la jungle, a triomphé. Les traités de « paix et d’amitié » signés entre le Maroc et l’Espagne sont des traités de capitulation par lesquels le vainqueur soumet le vaincu et l’oblige au paiement d’indemnités de guerre, à la concession de privilèges divers commerciaux et autres, à la cession de territoires... Mais, le fait n’a jamais été le droit ; le consentement obtenu sous la contrainte est vicié, la légitimité, le bien fondé des dispositions des traités sont remis en cause, notamment au regard et sur la base du droit international de la décolonisation et du droit international général contemporain.
Les conquêtes d’Outre-Mer, du siècle passé, étaient la forme d’occupation et d’exploitation des territoires et pays colonisés. Mais, depuis 1960, tout un processus de décolonisation a été engagé quasi partout dans le monde. Les enclaves espagnoles dans le Nord du Maroc sont une exception anachronique qui va à l’encontre du droit international contemporain.

2.2. La nullité absolue des traités revendiqués par l’Espagne
2.2.1. Quelle est la validité juridique des traités ?
Les traités internationaux font partie des sources du droit international. Néanmoins, la question est de savoir ici ce qu’il en est de la validité de ces traités. Au regard des principes de jus cogens, règles impératives qui ne peuvent souffrir aucune violation, qu’en est-il de la validité de ces traités ? Le droit international est basé sur le consentement, un consentement qui ne doit pas être entaché de vices. Or, il se trouve que dans le cas d’espèces plusieurs principes et règles impératives n’ont pas été respectés ou encore, autrement, il s’avère que ces traités sont en totale contradiction avec les principes de jus cogens.
Parmi les règles de jus cogens figure « le non usage de la force dans les relations internationales », « la non agression »... Or, les occupations ici en question l’ont été sur la base d’actions militaires belliqueuses, les traités arrachés sous la contrainte, la menace... Le principe de la souveraineté des Etats n’est pas en reste puisque, en ce qui concerne la Maroc, ce principe a été bafoué. Le principe de l’intégrité territoriale, également, a été allégrement foulé aux pieds, le droit des peuples à disposer d’eux même ignoré, des crimes de guerre commis, ainsi que des crimes contre l’humanité au demeurant imprescriptibles, des génocides à l’encontre de populations libres de paysans considérées comme indigènes, barbares...
Les traités dits de paix et d’amitiés n’en portent que le titre. Ces traités sont des traités de capitulation entachés de nullité absolue car arrachés sous la contrainte, des traités qui ont saigné à blanc le Maroc contraint à payer des indemnités de guerre au vainqueur, à lui concéder des privilèges exorbitants. Ce sont, dès lors, des traités illégaux n’ayant aucune valeur juridique, sans légitimité légale, et qui plus est sont la preuve des crimes commis à l’encontre du Maroc et de ses populations. La dette historique est lourde à payer. La réparation est cependant possible. La réconciliation est à la portée de la main et les deux parties ont à y gagner.
2.2.2. La contrainte remet en cause la validité des traités
Les articles 51 et 52 de la Convention de Vienne sur le droit des traités font mention de la « contrainte » en tant qu’élément remettant en cause la validité des conventions. Au regard de la jurisprudence de la CIJ, dans l’affaire des pêcheries islandaises concernant la Grande Bretagne contre l’Islande (arrêt du 24 juillet 1974), l’Islande a fait valoir la nullité de l’échange de notes consentant la pêche près de son territoire, au motif que cet accord avait été conclu sous la menace des forces armées de Grande Bretagne.
2.2.3. La violation du jus cogens entraîne la nullité absolue des traités
Le jus cogens est consacré par les articles 53 et 64 de la Convention de Vienne. La violation d’une règle de jus cogens entraîne la nullité absolue du traité. L’article 103 de la Charte des Nations Unies, elle aussi, prévoit la supériorité du jus cogens sur toute autre norme de droit international.
L’argument dont pourrait, a priori, se prévaloir l’Espagne c’est que les dispositions de l’article 4 de la Convention de Vienne font mention de la non rétroactivité de cette convention pour les traités antérieurs . Mais, ce serait se conforter dans une situation anachronique léguée par un droit international classique revenant du passé, du temps où il ne s’appliquait qu’entre nations dites civilisées. Et, surtout, ce serait ignorer allégrement l’article 64 de cette même Convention de Vienne qui précise que : « Si une nouvelle norme impérative du droit international général survient, tout traité existant qui est en conflit avec cette norme devient nul et prend fin».

Considérations finales
1. Autodétermination ou rétrocession et parachèvement de l’intégrité territoriale ?
Le droit de la décolonisation fait mention du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, du droit des peuples à l’autodétermination… Mais encore faut-il comprendre, au regard du droit, ce que cela signifie. A Gibraltar, un référendum auprès des populations concernées renvoie dos à dos l’Espagne et la Grande Bretagne . Assurément, s’il était organisé un référendum la population des ex-présides serait pour l’Espagne. Mais, le droit international n’est pas ainsi fait, car il n’est pas question d’autodétermination mais de « rétrocession » d’un territoire sur la base du principe de « l’intégrité territoriale », du parachèvement de l’intégrité territoriale.
2. Intérêts et risques
La situation actuelle est une plaie pour les deux Etats voisins, et au delà pour l’Union Européenne aussi. La plaie pour le Maroc a pour noms trafics et contrebandes et pour l’Espagne elle a pour noms drogue, immigration illégale, risque de terrorisme, blanchiments. L’intérêt initial d’une présence espagnole dans les enclaves a disparu. Dans un premier temps, l’intérêt fut militaire, avant d’être, bien après, industriel et économique. Les enclaves portaient le nom de « présidios », lieux de détentions. Sur la côte, on retrouvait les industries sidérurgiques qui faisaient appeler Melilla la « Bilbao du Sud ». Aujourd’hui, le tourisme n’est que de passage et le commerce n’est plus aussi florissant. Ceuta et Melilla vivent sous perfusion.
3. Les revendications marocaines
Les revendications dont font l’objet les enclaves de Melilia et de Sebta, ainsi que les îles et îlots avoisinants, par le Maroc, sont très anciennes et cependant fort timides et discrètes. Les territoires en question ne sont pas inscrits sur la liste officielle des Nations Unies sur les territoires à décoloniser, le Maroc ne l’ayant pas demandé. L'Union africaine, l'Organisation de la conférence islamique, la Ligue arabe, et l'Union du Maghreb arabe considèrent que l'Espagne doit décoloniser ces territoires et les restituer au Maroc. Mais, force est de relever que le Maroc ne semble pas trop savoir quelle voie choisir pour la récupération de Sebta et M’Ritch... Faut-il se diriger vers les instances internationales ou choisir des voies bilatérales, qui jusqu’à présent n’ont rien donné ?
En 1994, le Maroc a réitéré, à l’Assemblée générale des Nations Unies, ses revendications, en demandant un processus de décolonisation similaire à celui réservé à Hong Kong, Macao et Gibraltar. Il a été requis de l’Espagne la création d’une cellule de réflexion afin de trouver une solution garantissant la souveraineté et les droits du Maroc ainsi que les intérêts de l’Espagne. En réponse, le Gouvernement espagnol répondit devant l’Assemblée générale que les deux citées étaient territoires espagnols représentés au Parlement.
Si l’OTAN n’a pas inclus les enclaves précitées dans le « parapluie de défense » de l’alliance atlantique, par contre les accords de Schengen incorporent les enclaves aux frontières Sud de l’Europe. Cette intégration a été contestée par la partie marocaine. Si l’Union Européenne n’a pas réagi, en revanche, l’Espagne a précisé que « le régime existant durant les dernières années continuera à s’appliquer aux marocains souhaitant passer à Ceuta ou Melilla ».
 4. Discussion et négociation
Assurément, dans l’intérêt bien compris des deux Etats voisins, le différend doit être réglé, le processus de discussion et négociation entamé, la coopération et le partenariat développé afin de faire face conjointement aux véritables défis du moment, aux risques et fléaux divers. En veillant à la préservation et sauvegarde des intérêts et droits de part et d’autre. Il serait indiqué qu’un colloque international où il y aurait, notamment, des juristes internationalistes des deux côtés se tienne.
Comme on a pu le voir, le Maroc ne manque pas d’arguments, de toutes natures, dont des arguments juridiques, politiques, économiques et autres. A charge de mettre sur pied des équipes devant travailler sur des scénarios et propositions.


Discours prononcé à l'occasion du colloque organisé par le CMCA (Centre de la mémoire commune et de l'avenir), le 25 septembre 2010, sur le thème « Ceuta, Melilla et les îles à la lumière des expériences internationales et du droit international et leur place dans l’agenda des partis politiques marocains» (Hôtel Tour Hassan à Rabat).



(1) Voir Mimoun Charqi, Mohamed Abdelkrim, El Khattabi : l’Emir guérillero, Imprimerie Beni Snassen, Collection "Histoire et lectures politiques", Rabat, 2003, pp. 159 ss.
(2) Yves Zurlo, Ceuta et Melilla : histoire, représentation et devenir de deux enclaves, Paris, L'Harmattan, 2005, p.128.
(3) Idem.
(4) Idem.
(5) Idem.
(6) Idem.
(7) Jaime De Pinies, La décolonisation espagnole aux Nations Unies, Madrid. Centre d’études politiques et constitutionnelles, 2002, pp. 643-644.
(8) Voir Lopez Garcia Bernabe, « Entre Europe et Orient Ceuta et Melilla »,Revue du monde musulman et de la Méditerranée, 1992, n°59-60, 1991, pp. 164-180.