C'est donc confirmé : le 1er octobre, l'ONU publiera son rapport revenant sur toute la mécanique de l'horreur qui s'est mise en place en RD Congo entre mars 1993 et juin 2003. La version non définitive de celui-ci comportait un passage mettant en cause les forces armées rwandaises, dont les exactions dans l'Est de la RD Congo entre 1996 et 1998 étaient qualifiées de « crimes contre l'humanité, crimes de guerre, voire de génocide ».
Des accusations considérées comme « absurdes » par le président rwandais Paul Kagamé. Kigali avait en outre menacé de retirer ses troupes des forces onusiennes présentes au Darfour, avant de se raviser la semaine dernière.
La raison de ce revirement est simple : les experts de l'ONU emploient avec beaucoup plus de précautions le terme de « génocide », au demeurant fort choquant dans la version non-définitive du rapport. Dans un de ses passages les plus controversés, le rapport décrit des massacres « organisés (par les forces rwandaises) selon un schéma quasi identique de façon à tuer un maximum de victimes » hutues, dans la région de Walikale.
Sous prétexte de les rapatrier au Rwanda, les soldats regroupaient des réfugiés hutus et « tiraient sur eux de manière indiscriminée à l'arme lourde » ou les frappaient « à coups de marteau ou de houe ». Mais le rapport indique sagement que « la question de savoir » si ces actes « constituent des crimes de génocide a soulevé de nombreux commentaires et demeure irrésolue jusqu'à présent ». Par conséquent, elle ne pourra être tranchée que par « un tribunal compétent, statuant au cas par cas ».
Appel à la conscience
En d'autres termes, si l'implication de l'armée rwandaise, aux côtés des forces de Laurent Désiré Kabila, dans la longue litanie des horreurs (viols, assassinats, tortures, mutilations, enrôlement d'enfant-soldats...) qui se sont déroulées dans la région est clairement établie par le rapport, la question de savoir s'il y avait la volonté d'éliminer physiquement un groupe ethnique n'est pas tranchée, même partiellement.
Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU est clair dans sa préface : le rapport « ne vise pas à attribuer de responsabilités individuelles ni à blâmer un groupe plutôt qu'un autre ». Le « rôle d'un rapport n'est que d'amener des faits. C'est un appel à la conscience. La question de poursuites se situe à un autre niveau, c'est l'œuvre de la justice internationale », affirme un diplomate onusien.
Méthodologie du « mapping »
« La seule publication (de ce rapport) est extrêmement importante, estime quant à elle Carina Tertsakian de Human Rights Watch (HRW). C'est la première fois que l'on voit une analyse aussi complète et documentée d'événements dans un rapport de l'ONU », poursuit-elle. « Ce rapport est très puissant, dans la mesure où il documente en détail des évènements sur une période de dix ans. (…) Quand on le lit, c'est incroyablement choquant, l'horreur et la magnitude de la violence », assure-t-elle.
Il est vrai que les 516 pages du rapport, qui se veut « un premier pas vers un exercice de vérité parfois douloureux mais nécessaire », font froid dans le dos. Utilisant la méthodologie dite « mapping », il décrit par le menu 617 violations graves ayant fait des dizaines de milliers de morts, mais aussi le contexte et la région spécifique où elles ont été commises. Sa version intégrale sera connue demain.
Source : Jeune Afrique