Au moins 50 soldats de la Force de paix de l’UA, principalement composée de Burundais et Ougandais, auraient perdu la vie et environ 110 auraient été blessés selon un bilan avancés par des agences de presses et non confirmés par l’AMISOM qui n’a évoqué qu’une poignée de victimes. Les affrontements auraient également fait de nombreuses pertes parmi la population civile et les combattants Al-Shabab.
Les combats qui ont eu lieu dans la capitale Mogadiscio et dans des régions frontalières avec le Kenya, à Bulo Hawo, et l’Ethiopie, à Beledweyne auraient toutefois permis à l’AMISOM et autres forces pro-gouvernementales de reprendre le contrôle de plusieurs points stratégiques autrefois aux mains des milices Al-Shabab.
C’est dans ce contexte, également caractérisé par une certaine instabilité politique et institutionnelle (outre celle évidente du point de vue sécuritaire), qu’interviennent un certain nombre d’initiatives visant à reprendre la main sur le processus de réconciliation nationale, de stabilisation et de reconstruction du pays. Ainsi, outre la stratégie pour la Corne de l’Afrique en préparation au niveau de l’Union européenne, un débat public s’est tenu le 10 mars 2011 au Conseil de sécurité de l’ONU à la demande de la République Populaire de Chine qui assure pour le mois de mars la présidence mensuelle tournante de l’organe. Ce débat intervenait, comme l’a indiqué le Représentant permanent chinois à l’ONU à New York, Li Baodong, à un moment plus que critique et crucial pour la Somalie avec notamment le mandat du Gouvernement Fédéral de Transition (TFG) qui arrive à expiration le 20 août 2011 alors que persistent encore de nombreux défis (politique, sécuritaire, social, humanitaire et en terme de reconstruction).
Il devait ainsi s’agir pour le Conseil de sécurité "d’examiner la situation et de réfléchir à une stratégie globale pour l’instauration de la paix et de la sécurité en Somalie" et de développer des idées qui devraient être suivies d’actions concrètes à mettre en œuvre pour faire face aux défis que pose la situation dans ce pays et réduire les risques et le coût de l’inaction ou de statu quo pour la région et le monde dans son ensemble.
Jusqu’à présent force est de reconnaître que la communauté internationale semble ne pas avoir été à la hauteur de ces défis, laissant notamment reposer la sécurisation du pays et principalement de sa capitale sur les seules épaules de forces de sécurité fédérales qui, malgré les formations procurées par l’AMISOM et d’autres partenaires extérieurs, n’ont à ce jour pas été capables de s’opposer de manière efficace aux milices Al-Shabab et d’un Gouvernement Fédéral de Transition (TFG) "inepte, de plus en plus corrompue et à l’action entravée par le faible leadership de son Président Sheikh Sharif" et son absence d’une large et cohérente vision comme l’a révélé un rapport de l’International Crisis Group publié le 21 février 2011. A eux s’ajoute l’action de la Force africaine qui, malgré les efforts des soldats burundais et ougandais qui la composent, les nombreuses pertes qu’ils subissent et le coût politique pour leurs pays d’origine, fait face à d’évidentes limites en terme tactiques et pâtis également d’une certaine absence de résultats sur le volet de la gestion politique et du processus de réconciliation et de reconstruction institutionnelle.
Cet état de fait a également eu pour conséquence de permettre l’émergence et la recrudescence d’une "économie de la piraterie" qui ajoute un degré de déstabilisation à une situation déjà problématique. La sonnette d’alarme a ainsi récemment été tirée par le rapport présenté au Conseil de sécurité de l’ONU le 25 janvier dernier par le Conseiller spécial du Secrétaire Général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, Jack Lang, sur les risques de l’inaction.
Le débat public au Conseil de sécurité devait permettre d’évoquer la dynamique forcément globale et multidimensionnelle (politique, diplomatique, sécuritaire, financière, etc.) à adopter. Une fois de plus, ce débat remettra le monde et notamment l’organisation mondiale face à ses responsabilités; responsabilités auxquelles ne cessent de l’inviter l’Union africaine, qui lors de la récente Conférence de ses Chefs d’Etat tenue du 30 au 31 janvier dernier à Addis-Abeba (Ethiopie) a renouvelé son appel "au Conseil de sécurité pour qu’il renforce son appui à l’AMISOM et assume pleinement ses responsabilités à l’égard de la Somalie et de son peuple, y compris le financement, à travers les contributions obligatoires au budget des Nations unies, du paiement des indemnités des soldats et le remboursement du matériel appartenant aux contingents, l’imposition d’un blocus maritime et d’une zone d’exclusion aérienne afin de prévenir l’entrée en Somalie de combattants étrangers et la livraison de munitions et de matériels aux groupes armés opposés au Gouvernement fédéral de Transition (TFG), et le déploiement d’une opération des Nations unies pour prendre la relève de l’AMISOM et soutenir la stabilisation et la réconciliation à long terme de la Somalie".
Même s’il est permis d’en douter, il faut espérer que l’appel à un plus grand soutien réclamé par l’UA, qui doit selon le Représentant chinois être "clair et important afin qu’elle continue à jouer un rôle de premier plan", sera cette fois entendu et qu’une réponse adéquate sera apporter. Nul doute que la déclaration présidentielle qui sera adoptée à l’issue du débat sera de peu d’impact dans les faits.
Alors que les initiatives se multiplient autour et sur la Somalie, avec également la signature le 23 février dernier à Nairobi (Kenya) d’une stratégie régionale conjointe entre l’AMISOM, le Bureau Politique des Nations Unies pour la Somalie (UNPOS) et l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD) qui devrait faciliter la coordination des actions entre ces acteurs, ainsi qu’une plus grande collaboration et un partage d’information, y compris avec la communauté internationale et les autres acteurs actifs dans et sur le pays, il est à souhaiter qu’une approche réellement coordonnée et cohérente soit entreprise par les principaux acteurs internationaux afin de démultiplier l’effet de toutes ces attentions et de ne pas entreprendre des actions non concertées qui sont susceptibles de ne porter aucun ou très de fruits sur le terrain.
* Retrouvez cet article sur le site de l'Observatoire de la vie diplomatique en Afrique (OVIDA).