En 1992, paraissait un ouvrage, dirigé par Mireille Delmas-Marty, sous le titre « Quelle politique pénale pour l’Europe ? ». 27 ans plus tard le comité de rédaction des Archives de politique criminelle pose la question pour l’Union européenne (UE), alors que le droit de l’Union depuis le Traité de Lisbonne a fait un bond considérable. Il est indéniable que le Traité de Lisbonne a permis de conforter la place du droit pénal et de la procédure pénale dans les préoccupations de l’Union européenne et ouvre la voie d’une politique pénale qui s’inscrirait dans la réalité de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, comme le rappelle Daniel Flore en ouverture de ce volume. Le Traité de Lisbonne offre un seuil minimal d’harmonisation, peut-on pour autant parler de politique criminelle de l’Union ou même simplement de politique pénale ?
Il est clair que l’adoption d’un nombre significatif d’instruments pénaux sur la base de l’article 83 TFUE n’est pas en soi la preuve de l’existence d’une politique pénale. Quelles sont les conditions d’une politique pénale commune ? Quel degré de « confiance mutuelle » a-t-on atteint au sein de l’Union européenne ? Le rapprochement des politiques législatives, lié à des décisions cadres successives puis des directives, est-il induit par les impératifs de la coopération policière et judiciaire, ou au-delà serait-il le signe fort d’une aspiration à un droit commun autre qu’éclectique dans un domaine, celui du droit pénal, où les Etats sont peu enclins à des abandons de souveraineté ? Perçoit-on une construction d’ensemble, aussi bien en droit pénal qu’en procédure pénale, ancrée dans le respect des droits de l’homme inscrits dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ou assiste-t-on plutôt à la mise en place de réponses communes dues aux nécessités les plus tangibles, comme par exemple en matière de lutte contre le terrorisme ?
Plus difficiles encore, sont les questions posées non pas par la transposition des directives, constitutives ou non d’une politique pénale, mais par la réception des textes transposés par les juridictions internes et par la société civile devant se décliner dans des politiques publiques. L’harmonisation des textes est une étape bien différente de celle de l’harmonisation de la réception des textes, tant la réception est liée à l’histoire et à la culture des citoyens de l’Union européenne, et plus encore à la volonté des gouvernements de chacun des Etats membres de l’Union.
[Extrait de l'avant-propos de Christine Lazerge]
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos, Christine Lazerges
I. PRINCIPES ET PROBLÈMES DE POLITIQUE CRIMINELLE
Daniel Flore, Existe-t-il une politique pénale européenne ?
Perrine Simon, Quelle politique d’incrimination pour l’Union européenne ?
Anne Simon, De l’intérêt de l’Union européenne à l’élaboration d’une politique pénitentiaire
II. POLITIQUE CRIMINELLE APPLIQUÉE
Thomas Herran, La coopération policière à l’épreuve de la politique pénale européenne
Guillemine Taupiac Nouvel, Le droit européen de la coopération judiciaire pénale : Genèse d’un modèle répressif transfrontière
Lorenza Lissa-Geay, Evolution et impact de la politique pénale environnementale de l’Union européenne
Ludivine Richefeu, La politique pénale de l’Union européenne en matière migratoire
Thomas Dumortier, La politique criminelle européenne en matière de traite des êtres humains
Laurent Bonelli, Francesco Ragazzi, La lutte contre la « radicalisation ». Genèse et expansion d’un nouveau lieu commun administratif en France et dans l’Union européenne
III. POLITIQUE CRIMINELLE COMPARÉE
Eliette Rubi Cavagna, La transposition des directives de l’Union européenne en droit pénal français
Ágnes Pápai-Tarr, Petra Kanyuk, Quelques étapes de l’harmonisation de la législation européenne dans le droit pénal hongrois
Valsamis Mitsilegas, The Future of EU-UK Security Cooperation: The Triple Paradox of Brexit
Dra. Susanna Oromí I Vall-Llovera, L’espace de liberté de sécurité et de justice à l’épreuve de la crise catalane : l'impact sur le mandat d'arrêt européen
IV. VARIA
Denis Salas, Le djihad du silence Observations sur le procès de l’attentat du musée juif de Bruxelles (10 janvier-18 mars 2019)
Germain Ntono Tsimi, Quelques lignes directrices de politique criminelle dans le cadre de l’Union Africaine
V. NOTE BIBLIOGRAPHIQUE
Pierrette Poncela, Maxime Calligaro, Eric Cardere, Les compromis
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