5 septembre 2020

POINT DE VUE : La guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : les affrontements de Tovuz et les difficultés d’une solution pacifique

Fazil ZEYNALOV

Le 12 juillet 2020, alors que le monde était confronté à la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, les hostilités ont repris aux frontières internationales entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, causant des dizaines de morts de part et d’autre. Les troupes régulières de l’Arménie ont franchi les frontières internationales pour attaquer les positions azerbaïdjanaises dans la région de Tovuz (un district frontalier avec l’Arménie), mais ont rencontré une forte résistance des forces armées nationales les obligeant à se retirer. Les affrontements ont duré quelques jours et l’usage de l’artillerie, de mortiers et de drones ont témoigné de l’intensité des combats.

Un observateur attentif peut remarquer que, cette fois-ci, les batailles ne se sont pas déroulées sur les territoires occupés de l’Azerbaïdjan, mais directement sur les zones frontalières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Les attaques arméniennes à partir du territoire de l’Arménie constituent sans aucun doute une agression armée, la forme la plus grave de l’utilisation de la force illégale, ce qui aurait dû conduire la communauté internationale à condamner immédiatement et fermement ces opérations militaires. Toutefois, contre toute attente, aucune condamnation n’a été formulée. Il semble toujours y avoir deux poids deux mesures, en défaveur de Bakou. Rappelons que, lors de la première phase de la guerre de 1992-1994, le Conseil de sécurité avait certes condamné l’occupation des territoires de l’Azerbaïdjan et avait exigé le retrait des forces arméniennes, mais cette disposition n’a jamais été mise en application.

On se pose légitimement la question de savoir comment, au premier quart du XXIe siècle, l’Arménie, un pays souverain, peut poursuivre une guerre contre l’Azerbaïdjan, un autre pays souverain, sans aucune condamnation ferme de la part de la communauté internationale.

Ce nouvel épisode des affrontements témoigne de l’absence d’un quelconque rapprochement entre les deux parties sur une solution politiquement négociée. Dans ce contexte, plusieurs raisons ont poussé l’Arménie à se lancer dans une nouvelle aventure armée.

D’abord, alors que la communauté internationale se préoccupe principalement de questions géoéconomiques et sanitaires globales, les interventions des troupes arméniennes dans la région frontalière de Tovuz ont pour objet d’occuper de nouveaux territoires de l’Azerbaïdjan.

Ensuite, la position stratégique de la région de Tovuz y a sans doute joué un rôle crucial. Il faut rappeler que le couloir acheminant les ressources énergétiques de l’Azerbaïdjan ainsi que de la mer Caspienne en direction de l’Europe passe par cette région. La stratégie arménienne consiste à couper cette route pour empêcher l’Azerbaïdjan d’exporter ses ressources énergétiques. Cet objectif porte aussi atteinte à la sécurité énergétique de l’Europe, laquelle cherche à développer depuis des années le « corridor du sud », une nouvelle route énergétique entre la mer Caspienne et l’Europe. Les responsables militaires arméniens, conscients de l’impossibilité d’avancer jusqu’au couloir énergétique Est-Ouest, voulaient étendre les zones de batailles en vue de bombarder les oléoducs et gazoducs. À cet égard, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, a affirmé que l’Arménie voulait effectivement occuper de nouveaux territoires lui permettant de se rapprocher de ce couloir énergétique.

Par ailleurs, l’Arménie, membre de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), a cherché à impliquer cet organisme dans ce conflit pour parvenir à la détérioration des relations entre ses États membres et l’Azerbaïdjan. Elle l’a saisi dès le début des hostilités. Toutefois, ni l’OTSC, ni ses États membres n’ont donné suite à la demande de l’Arménie. L’OTSC a pour objectif de protéger ses membres d'une quelconque agression armée et non pas de les soutenir dans une agression armée contre leurs voisins.

Enfin, cette action doit être analysée dans le cadre la volonté arménienne de maintenir le statu quo et de faire la démonstration de la capacité de son armée à rivaliser avec une armée azerbaïdjanaise qui a pu, ces dernières années, se moderniser et s’équiper d’armes sophistiquées.

Les batailles de Tovuz témoignent du fait que la communauté internationale n’est toujours pas prête à prendre ses responsabilités face à un acte d’agression indéniable, ce qui n’est pas de nature à faciliter la recherche d’une solution négociée. Celle-ci n’est pas possible si l’Arménie n’avance pas vers un compromis, ce qui conduit à mettre en exergue plusieurs éléments.

L’impunité incite l’Arménie à continuer sa politique d’agression et à lancer des attaques armées en traversant les frontières internationales de l’Azerbaïdjan pour occuper des nouveaux territoires.

L’Arménie ne cherche pas une solution pacifique du conflit armé qui doit conduire au retrait de ses troupes régulières des territoires occupés de l’Azerbaïdjan. Pour continuer l’occupation des territoires de l’Azerbaïdjan, elle ne manifeste aucune position constructive dans le processus de négociation, lequel est pratiquement au point mort. Les photos satellites démontrent de nouveaux camps de peuplement dans les territoires occupés de l’Azerbaïdjan. C’est une politique engagée depuis le début du conflit par les autorités de l’Arménie, qui cherchent à peupler les territoires occupés en incitant les Arméniens du Moyen Orient à venir s’y installer et à réaliser ainsi l’annexion de facto de ces territoires azerbaïdjanais. C’est une violation flagrante du droit international qui engage la responsabilité de l’Etat occupant.

Enfin, les dirigeants arméniens cultivent la haine entre les deux peuples pour servir leurs propres intérêts. Les propos de l’ancien président de l’Arménie, Robert Kotcharyan, sur l’« incompatibilité ethnique » entre Arméniens et Azerbaïdjanais avaient provoqués une vive condamnation, notamment de la part des responsables des organisations européennes. Les autorités arméniennes entretiennent ainsi le nationalisme arménien pour faire échouer les négociations.

Les batailles d’avril 2016 et de juillet 2020 témoignent de la supériorité militaire de l’armée azerbaïdjanaise, qui a pu repousser les nouvelles tentatives d’agression de l’armée arménienne. Il est temps pour les dirigeants arméniens d’abandonner cette politique agressive et de retirer leurs troupes des territoires occupés pour avancer vers une solution pacifique et éviter une nouvelle guerre. Il est temps aussi pour la communauté internationale de prendre ses responsabilités et de condamner l’agression armée de l’Arménie pour pouvoir contribuer à la paix dans la région.

Fazil ZEYNALOV, « La guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan : les affrontements de Tovuz et les difficultés d'une solution pacifique », Multipol, 5 septembre 2020






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