13 juin 2022

ACTU : Le Conseil de sécurité et la lutte contre la piraterie maritime et les vols à main armée en mer dans le golfe de Guinée : quelques remarques sur la Résolution 2634 (2022)

Nouwagnon Olivier AFOGO

La « diplomatie normative » du Conseil de sécurité des Nations Unies continue de marquer son importance dans la lutte contre la piraterie maritime et les vols à main armée en mer dans le golfe de Guinée. À l’initiative du Ghana et de la Norvège, l’organe exécutif de l’ONU a adopté le 31 mai 2022, à l’unanimité de ses membres, la Résolution 2634 (2022), la troisième résolution consacrée exclusivement au golfe de Guinée. Cette adoption intervient dans un contexte où la région essaie tant bien que mal de se défaire de sa réputation de « foyer mondial » de la criminalité maritime.

Sachant que les deux premières résolutions – la Résolution 2018 (2011) et la Résolution 2039 (2012) – ont joué un rôle significatif dans le processus de Yaoundé et dans l’élaboration de la Charte de Lomé de 2016, on peut croire que la résolution du 31 mai 2022, axée sur l’effectivité des mécanismes nationaux de répression de la criminalité maritime, est tout autant porteuse d’intérêts pour les États membres du golfe de Guinée.

Une invitation à la transcription nationale des droits régional et international applicables à la criminalité maritime

La lutte contre la piraterie maritime et les vols à main armée mer relève au premier chef de la responsabilité des États qui, en marge du droit international applicable, ont pris plusieurs engagements à l’occasion des sommets de Yaoundé (juin 2013) et de Lomé (octobre 2016). Pour l’essentiel, les articles 4 et 15 du Code de conduite de Yaoundé et l’article 8 de la Charte de Lomé rappellent l’impérieuse nécessité pour les États de se doter d’une stratégie nationale et d’intégrer la piraterie maritime et les vols à main armée en mer dans leur législation nationale, afin de rendre la poursuite et la répression possibles.

À travers la résolution du 31 mai 2022, le Conseil en appelle à la responsabilité des États. En effet, depuis les sommets de Yaoundé et de Lomé, en dépit des prémisses de coopération entre les États en termes de surveillance des côtes et de partage d’informations tout à fait appréciables, seuls les pays à « haut risque »  le Nigéria, le Bénin et le Togo  semblent avoir véritablement entrepris des initiatives concrètes pour donner plein effet aux dispositions ci-dessus visées. En ce sens, le Togo a adopté, en 2015, un nouveau Code pénal et, en 2016, la Loi n°2016-004, deux textes qui ont rendu possibles les poursuites pénales et la condamnation des pirates du tanker G-Dona1 en juillet 2021. Par ailleurs, la condamnation des pirates du MV Elobey VI fait suite à l’adoption par le Nigéria, en 2019, de la Suppression of Piracy and Other Maritime Offences Act. Dans la même perspective, le Bénin a récemment renforcé son dispositif juridique par la Loi n°2020-23 du 29 septembre 2020.

D'ailleurs, le Conseil de sécurité s’est montré davantage préoccupé par l’existence d’un possible lien entre la piraterie maritime dans le golfe de Guinée et le financement du terrorisme en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale et au Sahel.

Un lien entre la criminalité maritime et le financement du terrorisme en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale et au Sahel ?

Dans le cadre des travaux préparatoires à l’adoption de la Résolution 2634 (2022), le Ghana a soutenu que « l’insécurité maritime sape le développement des économies côtières de la région, laquelle est en outre aux prises à la recrudescence connexe du terrorisme et des coups d’État ».

Il est peu probable d’imaginer un possible lien entre la criminalité maritime et les coups d’État en Afrique, qui sont généralement le fait du non-respect de l’ordre constitutionnel établi. En revanche, le Conseil de sécurité invite le Secrétaire général des Nations Unies à se pencher « dans les cinq mois » sur « tout lien possible ou éventuel » entre la criminalité maritime dans le golfe de Guinée et le terrorisme en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale et au Sahel. Il est important de souligner que la corrélation entre la criminalité maritime et le terrorisme avait déjà été évoquée sommairement devant le Conseil à l’occasion d’un débat en 2019.

À en croire le rapport Pirates of the Gulf of Guinea: A Cost Analysis for Coastal States publié par l’ONG Stable Seas en novembre 2021, les groupes de pirates concentrés dans le delta du Niger gagneraient d’importantes sommes estimées à environ 5 millions de dollars de revenus directs par an. Reste à savoir si de telles sommes sont, de quelque manière que ce soit, destinées au financement du terrorisme. Les travaux futurs du Secrétaire général permettront d’éclairer le Conseil de sécurité sur ce point.



© Mate 2nd Class Michael Sandberg / U.S. Navy photo Public Domain




Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire