Catherine MAIA, André-Marie GBÉNOU
Le 26 avril 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait par consensus la Résolution A/RES/76/262 prévoyant que toute utilisation du veto au Conseil de sécurité provoquerait une réunion de l’Assemblée, l’ensemble des États membres étant conviés à débattre, y compris ceux à l’origine du veto invités à motiver leur décision. Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que cette résolution connaisse sa première application, avec les vetos chinois et russe opposés le 26 mai à un projet de résolution, à l’initiative des États-Unis, visant à durcir les sanctions contre le régime nord-coréen, avec notamment une réduction des importations de pétrole brut et raffiné par Pyongyang. Le 8 juin, soit neuf jours ouvrables après le rejet par la Chine et la Russie de ce texte, un premier débat a ainsi eu lieu à l’Assemblée générale, salué par son président comme un débat « révolutionnaire » sur l’utilisation du droit de veto et, plus largement, sur la capacité du Conseil de sécurité à s’acquitter de son mandat en matière de paix mondiale.Un double veto sino-russe justifié devant l’Assemblée générale par la volonté d’adopter une attitude responsable
Bien que les membres permanents du Conseil de sécurité ne soient pas contraints de motiver leur blocage d’un projet de résolution par leur veto, la Chine comme la Russie se sont pliées à l’exercice. Toutes deux ont considéré avoir agi de manière responsable, prônant un projet commun alternatif de résolution humanitaire.
Ainsi, la Chine a-t-elle justifié son veto par le fait que le projet de résolution présenté par les États-Unis méprise les préoccupations sécuritaires légitimes de la Corée du Nord, si bien qu’il ne permettrait pas de mieux garantir la paix et de la sécurité internationales. Par ailleurs, au regard de l’abondance des mesures restrictives déjà mises en place depuis 2006 – date du premier essai de bombe atomique par la Corée du Nord après sa dénonciation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 2003 – de nouvelles sanctions ne seraient « ni justes ni humaines ».
Allant dans le même sens que la Chine, la Russie a estimé que l’aggravation de la situation de tension dans la péninsule coréenne s’explique par la persistance des activités hostiles auxquelles s’y livrent les États-Unis. Dans le contexte actuel, non seulement le renforcement de la pression à l’encontre du régime coréen risquerait d’emporter des conséquences humanitaires désastreuses dans le pays, mais les sanctions auraient démontré leur inefficacité, n’ayant permis ni de favoriser la sécurité dans la région, ni de parvenir à une solution pacifique face au péril de la prolifération nucléaire.
Ces arguments sont en syntonie avec ceux de la Corée du Nord, pour qui la tentative américaine de faire voter une nouvelle résolution sanctionnatoire à son encontre reflète une atteinte à sa souveraineté. À cet égard, le représentant de la Corée du Nord a justifié la détermination de son pays à poursuivre le renforcement de ses capacités de défense : la modernisation de l’armement national « relève de notre droit d’assurer notre légitime défense et de protéger la sécurité et les intérêts fondamentaux de l’État contre les menaces directes des États-Unis. C’est dans le cadre de cette modernisation que la RPDC [République populaire démocratique de Corée] effectue régulièrement des essais sans causer aucun mal aux pays voisins ». Et de dénoncer une politique de deux poids deux mesures : « Si les essais de missiles balistiques intercontinentaux (MBI) de la RPDC représentent réellement une menace à la paix et à la sécurité internationales, le Conseil de sécurité doit alors dire pourquoi ceux des États-Unis ne seraient pas une menace pour mon pays (…). Le renforcement de nos capacités de défense relève d’un choix inévitable face aux menaces des États-Unis ».
Bien que les membres permanents du Conseil de sécurité ne soient pas contraints de motiver leur blocage d’un projet de résolution par leur veto, la Chine comme la Russie se sont pliées à l’exercice. Toutes deux ont considéré avoir agi de manière responsable, prônant un projet commun alternatif de résolution humanitaire.
Ainsi, la Chine a-t-elle justifié son veto par le fait que le projet de résolution présenté par les États-Unis méprise les préoccupations sécuritaires légitimes de la Corée du Nord, si bien qu’il ne permettrait pas de mieux garantir la paix et de la sécurité internationales. Par ailleurs, au regard de l’abondance des mesures restrictives déjà mises en place depuis 2006 – date du premier essai de bombe atomique par la Corée du Nord après sa dénonciation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 2003 – de nouvelles sanctions ne seraient « ni justes ni humaines ».
Allant dans le même sens que la Chine, la Russie a estimé que l’aggravation de la situation de tension dans la péninsule coréenne s’explique par la persistance des activités hostiles auxquelles s’y livrent les États-Unis. Dans le contexte actuel, non seulement le renforcement de la pression à l’encontre du régime coréen risquerait d’emporter des conséquences humanitaires désastreuses dans le pays, mais les sanctions auraient démontré leur inefficacité, n’ayant permis ni de favoriser la sécurité dans la région, ni de parvenir à une solution pacifique face au péril de la prolifération nucléaire.
Ces arguments sont en syntonie avec ceux de la Corée du Nord, pour qui la tentative américaine de faire voter une nouvelle résolution sanctionnatoire à son encontre reflète une atteinte à sa souveraineté. À cet égard, le représentant de la Corée du Nord a justifié la détermination de son pays à poursuivre le renforcement de ses capacités de défense : la modernisation de l’armement national « relève de notre droit d’assurer notre légitime défense et de protéger la sécurité et les intérêts fondamentaux de l’État contre les menaces directes des États-Unis. C’est dans le cadre de cette modernisation que la RPDC [République populaire démocratique de Corée] effectue régulièrement des essais sans causer aucun mal aux pays voisins ». Et de dénoncer une politique de deux poids deux mesures : « Si les essais de missiles balistiques intercontinentaux (MBI) de la RPDC représentent réellement une menace à la paix et à la sécurité internationales, le Conseil de sécurité doit alors dire pourquoi ceux des États-Unis ne seraient pas une menace pour mon pays (…). Le renforcement de nos capacités de défense relève d’un choix inévitable face aux menaces des États-Unis ».
Un projet de résolution pour de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord amplement soutenu au sein du Conseil de sécurité
En dépit du blocage par la Chine et la Russie de l’adoption du projet de résolution du 26 mai, ce dernier a recueilli 13 votes favorables, ce qui reflète un ample soutien parmi les 15 membres du Conseil de sécurité. Le 25 mars dernier, la Résolution 2627 (2022) avait pourtant été votée pour demander au Groupe d’experts – créé en 2009 pour aider à s’acquitter de son mandat le Comité des sanctions chargé de la Corée du Nord – de présenter un rapport de mi-mandat sur ses travaux.
Lors du débat à l’Assemblée générale, les États-Unis ont rappelé que, depuis 2006, les résolutions du Conseil de sécurité visant la Corée du Nord ont été adoptées à l’unanimité, ce qui exclurait que les mesures sanctionnatoires soient, en elles-mêmes, à l’origine de l’actuelle escalade. Par ailleurs, ils ont souligné que le projet de résolution prévoyait des dérogations humanitaires, afin de tenir compte notamment du contexte sanitaire de lutte contre la pandémie de COVID-19.
La veille de la soumission du texte rejeté au Conseil de sécurité, quelques heures seulement après la fin d’une visite officielle du président américain Joe Biden en Corée du Sud et au Japon, la Corée du Nord avait procédé au lancement de trois missiles, dont un missile balistique intercontinental présumé. Face à une véritable accélération des essais de missiles menés au cours de ces derniers mois, le représentant américain a insisté sur l’importance de l’unité de la communauté internationale : « Nous devons nous unir pour répondre au programme de missiles et d’armes de destruction massives illégitime de la RPDC qui, depuis le début de l’année, a lancé 31 missiles balistiques dont six missiles intercontinentaux, un missile de portée intermédiaire et au moins des éléments dits ultrasoniques. C’est le plus grand nombre de missiles balistiques jamais lancés par la RPDC en une seule année et nous ne sommes qu’au mois de juin », ce qui est une violation flagrante des résolutions consensuelles du Conseil de sécurité.
Les services de renseignement américains soupçonnent que cette accélération des tirs soit le signe que Pyongyang prépare un essai nucléaire imminent, qui serait également son premier en cinq ans, tandis que les pourparlers sont au point mort depuis l'échec d'un sommet en 2019 entre le président nord-coréen, Kim Jong-un, et le président américain de l'époque, Donald Trump.
Parmi les autres délégations à avoir pris la parole lors du débat à l’Assemblée générale, le Japon, inquiet des récents tirs de missiles balistiques de son voisin, considère que la progression du programme nucléaire nord-coréen serait favorisée par l’absence d’une réaction ferme du Conseil de sécurité face à la menace que ce programme représente pour la région, ce qui est de nature à nuire au régime de non-prolifération. Rappelant le fait que la Corée du Nord est le seul pays dans le monde à avoir procédé à des essais nucléaires au XXIe siècle, la délégation japonaise a considéré que « [l]e projet de résolution qui a fait l’objet d’un veto était bien équilibré et conçu dans le seul but d’honorer l’engagement du Conseil à prendre des mesures importantes pour contenir la menace que pose les programmes nucléaires et de missiles de la RPDC ».
D’autres États ont également manifesté leur mécontentement face au blocage provoqué par le veto de la Chine et de la Russie. Tel est le cas de la République de Corée qui, tout en encourageant une issue diplomatique par le dialogue, a souligné que la persistance des activités nucléaires nord-coréennes représente un défi considérable pour la 10e Conférence d’examen des Parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1968, prévue au mois d’août de cette année à New York.
L’Union européenne, quant à elle, a souligné le mépris manifesté par la Corée du Nord envers le droit international et l’ONU, rappelant l’usage des ressources publiques pour financer le programme de missiles au détriment des besoins élémentaires de sa population. En outre, elle a invité la communauté internationale à ne pas rester inactive face aux essais de missiles et le gouvernement nord-coréen à stopper son programme d’armes de destruction massive.
Nombreux sont les pays qui, à l’instar du Danemark (s’exprimant au nom des pays nordiques), de l’Australie, de l’Équateur, de la Pologne, de l’Estonie ou encore du Royaume-Uni, ont rappelé l’impérieuse nécessité d’une désescalade de la tension dans la péninsule coréenne. Dans la même veine, les pays du Bénélux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) ont regretté le signal négatif envoyé par les vetos chinois et russe, qui « ont non seulement rompu l’unité de longue date du Conseil sur les programmes illégaux d’armes de destruction massive et de missiles balistiques de la RPDC, mais également porté un coup au régime international de non-prolifération, sapant ainsi la paix et la sécurité internationales ».
Ce tout premier débat sur l’utilisation du veto contre un projet de résolution visant à renforcer les sanctions contre la Corée du Nord est historique. En effet, il est le premier du genre en application de la Résolution 76/262 de l’Assemblée générale, dans un contexte inédit de double veto contre un projet de texte sur la non-prolifération nucléaire nécessitant des éclaircissements quant aux motivations du blocage. Ce premier débat manifeste une révolution dans l’utilisation du droit de veto par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et témoigne d’un pas en avant vers plus de transparence et de responsabilité au sein de cet organe. Il est à souhaiter que ce mécanisme nouveau de motivation du veto fasse renaître les Nations Unies comme organisation universelle de maintien de la paix mondiale, alors qu’elles demeurent toujours paralysées face à la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine depuis le mois de février.
Catherine MAIA, André-Marie GBÉNOU, « Nouvelles sanctions contre la Corée du Nord : le premier débat à l’Assemblée générale sur la motivation du double veto chinois et russe », Multipol, 16/06/2022
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