14 octobre 2015

ACTU : La Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, demande aux juges de l’autoriser à ouvrir une enquête sur la situation en Géorgie

Catherine MAIA
Le 13 octobre, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a demandé aux juges l'autorisation d'ouvrir une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité allégués qui se rapportent au conflit armé survenu en août 2008 en Géorgie. À cet égard, la Procureure a demandé que son enquête sur la situation dans ce pays couvre la période allant du 1er juillet  au 10 octobre 2008.
La situation en Géorgie fait l'objet d'un examen préliminaire du Bureau du Procureur depuis août 2008, lorsque des affrontements armés entre la région séparatiste d'Ossétie du Sud et la Géorgie ont dégénéré en un conflit armé qui impliqua, également, la Fédération de Russie.

D'après la Procureure, il existe une base raisonnable permettant de croire que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont été commis  dans le contexte de ce conflit armé. Il s'agit notamment de crimes présumés commis dans le cadre d'une campagne visant à chasser d'Ossétie du Sud les populations d'origine géorgienne et d'attaques dirigées contre des soldats chargés du maintien de la paix par les forces géorgiennes, d'une part, et les forces sud-ossètes, d'autre part.

D'après les informations dont le Bureau du Procureur dispose, entre 51 et 113 civils d'origine géorgienne ont été tués dans le cadre d'une campagne de déplacement forcé de populations menée par les autorités de facto d'Ossétie du Sud, avec l'implication possible de membres des forces armées russes. Entre 13 400 et 18 500 personnes d'origine géorgienne ont été déplacées de force et plus de 5 000 habitations appartenant à des personnes d'origine géorgienne auraient été détruites dans le cadre de cette campagne. Le Bureau affirme, sur la base des informations qu'il détient, que ces infractions, auxquelles se sont ajoutés des actes de pillage et de destruction de biens civils, ont été commises à grande échelle dans le cadre d'un plan et dans la poursuite d'une politique destinée à chasser les personnes d'origine géorgienne du territoire de l'Ossétie du Sud. La Procureure estime ainsi que la population d'origine géorgienne vivant dans la zone de conflit en question a été réduite d'au moins 75%.

La Procureure estime également qu'il existe une base raisonnable permettant de croire que les forces armées d'Ossétie du Sud ainsi que celle de Géorgie ont commis le crime de guerre consistant à attaquer des membres du personnel ou des biens employés dans le cadre d'une mission de maintien de la paix. Des membres des forces géorgiennes de maintien de la paix auraient été pilonnés depuis des positions sud-ossètes, ce qui aurait fait 2 morts et au moins 5 blessés. Au cours d'un épisode distinct, 10 membres des forces russes de maintien de la paix auraient été tués et 30 auraient été blessés dans le cadre d'une attaque lancée par les forces géorgiennes contre leurs installations. La base du contingent russe de maintien de la paix aurait été détruite, y compris les installations médicales.

Jusque récemment, les autorités nationales compétentes russes et géorgiennes menaient des enquêtes sur les personnes qui sembleraient porter la plus grande responsabilité dans les crimes en cause. Plus récemment, cependant, les procédures nationales engagées en Géorgie ont été suspendues. Étant donné qu'il est impossible de prévoir la reprise des procédures en question et qu'aucune autre enquête concernant ces faits n'est menée par d'autres États, la Procureure a estimé, en raison de cette inaction, que l'affaire potentielle concernant le transfert forcé de personnes d'origine géorgienne pourrait être recevable. L'affaire potentielle concernant des attaques dirigées intentionnellement contre des membres du personnel ou des installations employés dans le cadre d'une mission de maintien de la paix pourrait, à ce stade, être en partie recevable, étant donné les procédures qui sont actuellement en cours dans la Fédération de Russie.

En outre, il n'existe aucune raison substantielle de croire que l'ouverture d'une enquête ne servirait pas les intérêts de la justice, compte tenu de la gravité des crimes et des intérêts des victimes. En effet, celles-ci ne cessent de réclamer justice à propos des événements en question.

Madame la Procureur a déposé sa demande le 13 octobre. Ainsi que l'exige le Règlement de la Cour, elle a également informé, le même jour, les victimes ou leurs représentants légaux de son intention de demander l'autorisation d'ouvrir une enquête et qu'ils disposaient d'un délai de 30 jours pour présenter leurs arguments aux juges de la Cour.

Si les juges de la CPI lui donnent l'autorisation d'ouvrir une enquête, la Procureure enquêtera sur les crimes présumés commis dans le cadre de la situation en Géorgie. Comme pour toutes les activités du Bureau du Procureur, cette enquête sera menée en toute indépendance et en toute impartialité.

Au fil du temps, en fonction des éléments de preuve qui seront recueillis par le Bureau au cours de l'enquête, la Procureure demandera aux juges de la CPI de délivrer des citations à comparaître ou des mandats d'arrêt à l'encontre des personnes, quelles qu'elles soient, qui semblent porter la plus grande responsabilité dans les atrocités en cause perpétrées en Géorgie.



Le Bureau du Procureur de la CPI mène des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites à propos du crime de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre en toute indépendance et en toute impartialité. Il poursuit actuellement des enquêtes dans le cadre de 9 situations en Ouganda, en République démocratique du Congo, au Darfour (Soudan), en République centrafricaine (deux distinctes), au Kenya, en Libye, en Côte d'Ivoire et au Mali. Il conduit également des examens préliminaires à propos des situations en Afghanistan, en Colombie, en Guinée, au Honduras, en Iraq/Royaume-Uni, au Nigéria, en Palestine et en Ukraine.

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