Catherine MAIA
Qu'est-ce qui est
acceptable et qu'est-ce qui est interdit dans un conflit armé ? Les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels constituent le fondement du droit international
humanitaire et établissent un cadre aux réponses à cette question.
Quel est le principal
objectif de la mise à jour des commentaires ?
La mise à jour des
commentaires vise principalement à offrir une compréhension du droit, dans son
interprétation actuelle, pour qu'il soit mis en œuvre de manière effective dans
les conflits armés contemporains. Cette contribution importante permet, selon
nous, de réaffirmer la pertinence continue des Conventions, de générer leur
respect et de renforcer la protection des victimes pris dans les conflits
armés. Grâce à l'expérience acquise dans l'application et l'interprétation des
Conventions durant les six dernières décennies, il nous est possible de mieux
comprendre comment elles opèrent durant les conflits armés dans le monde entier
et dans des contextes très différents de ceux qui avaient conduit à leur
adoption. Par ailleurs, les nouveaux commentaires vont bien au-delà des
premiers commentaires élaborés dans les années 1950 qui se fondaient
principalement sur les travaux préparatoires des Conventions et sur
l'expérience de la Seconde Guerre mondiale.
Pouvez-vous donner un
exemple de questions auxquelles les commentaires apportent des précisions ?
Les commentaires font la
lumière sur de nombreuses questions, qu'il s'agisse de diverses règles
d'application du droit international humanitaire dans les conflits complexes
d'aujourd'hui, ou de l'obligation des Parties à l'égard des blessés et des
malades. Par exemple, en vertu de la première Convention de Genève, les blessés
et les malades doivent être protégés et respectés. Mais qu'est-ce que cela
signifie dans la pratique ? Quelle est la norme requise en matière de soins
médicaux pour le traitement des blessés et des malades ? Comment recueillir et
soigner les blessés et les malades en l'absence de troupes sur le terrain ? Les
réponses à ces questions et d'autres revêtent une dimension à la fois juridique
et opérationnelle qui est traitée par le Commentaire de la Première Convention.
À qui, d'après vous, ces
commentaires seront utiles ?
Les commentaires sont un
outil essentiel pour des praticiens du droit, tels que les commandants
militaires, les officiers et les juristes, parce qu'ils leur permettent
d'assurer la protection des victimes durant un conflit armé. Ils serviront
aussi à former les membres des forces armées, à préparer les instructions pour
les forces armées et à s'assurer que les ordres militaires sont conformes au
droit. Mais ils seront également utiles aux juges qui doivent appliquer le
droit humanitaire, notamment dans les juridictions pénales et les tribunaux où
les personnes accusées d'infractions au droit peuvent être traduites en
justice. Parmi les autres utilisateurs, il y a lieu de relever les avocats au
sein des gouvernements, les organisations internationales, le CICR, les
Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et les milieux
universitaires. Nous savons que les commentaires des années 1950 leur ont été
utiles. La mise à jour de commentaires sera pour eux aussi un outil important
dans la mesure où les idées et les références y sont plus nuancées.
En quoi les commentaires
reflètent-ils la prévalence de conflits armés non internationaux de nos jours ?
Étant donné
qu'aujourd'hui, la plupart des conflits armés sont non internationaux, le
règlement de ces conflits est devenu un enjeu capital. L'article 3 est une
disposition clé des Conventions qui a trait à ces conflits, et le nouveau
Commentaire présente une vaste interprétation de tous les aspects de cette «
mini-Convention » : le champ d'application, l'exigence d'un traitement humain,
la prise en charge des blessés et des malades, les activités humanitaires, les
aspects criminels et la conformité. Mais ce Commentaire traite aussi de sujets
urgents, comme la violence sexuelle et le non-refoulement, c'est-à-dire de
l'interdiction de renvoyer des personnes vers des pays où leur vie risque
d'être menacée.
Quels sont les autres
développements pris en compte par les commentaires ?
L'approche de la
question de la protection des femmes est un bon exemple. La référence aux
femmes dans le Commentaire initial qui fait état d'égards que l'on « accorde à
des êtres plus faibles et dont l'honneur et la pudeur doivent être respectés »
ne serait plus considérée aujourd'hui comme appropriée. Il est clair qu'à leur
origine, les commentaires résultaient du contexte social et historique de
l'époque. Mais de nos jours, la compréhension des besoins spécifiques des
femmes, des hommes, des filles, et des capacités liées aux différentes manières
dont les conflits armés peuvent les affecter, s'est améliorée. Le nouveau
Commentaire reflète l'évolution sociale et du droit international sur l'égalité
des sexes.
Est-ce que les nouveaux
commentaires prennent en compte d'autres domaines du droit international ?
Lorsque les Conventions
de Genève ont été adoptées, de nombreux domaines du droit international
voyaient tout juste le jour, comme le droit des droits de l'homme, le droit
pénal international et le droit des réfugiés, mais ces domaines se sont
considérablement développés. Ces domaines du droit complètent le droit
humanitaire car ils visent tous à apporter une protection aux personnes qui en
ont besoin. Le droit humanitaire n'est pas une branche autonome, il est relié à
d'autres domaines du droit international. Par conséquent, les interprétations
actuelles qu'offrent les nouveaux commentaires prennent en compte les
développements d'autres domaines chaque fois qu'ils sont pertinents pour
l'interprétation d'une règle contenue dans la Convention. Des développements
d'autres domaines qui sont plus techniques, tels que le droit des traités ou le
droit relatif à la responsabilité des États, sont également pris en compte dans
les nouveaux commentaires.
- « Le CICR lance de nouvelles orientations qui réaffirment la pertinence des Conventions de Genève », CICR, 21 mars 2016
- Jean-Marie HENCKAERTS, « Adapter les commentaires des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels au XXIe siècle », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 94, 2012
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