15 septembre 2016

NOTE : La nouvelle approche canadienne des opérations de paix

Emmanuel GOFFI

Fort de son expérience en la matière, le Canada a récemment décidé de réinvestir le champ des opérations de la paix en adaptant sa politique à la complexité des crises internationales.

Il est notable, et louable, qu’un pays occidental décide d’adopter une approche plus globale et cohérente de la gestion des confits en focalisant son attention sur des solutions autres que militaires. Alors que la France ou les Etats-Unis inscrivent leur action dans un excès d’interventionnisme, le Canada fait ainsi le choix judicieux de contribuer à la sécurité nationale et internationale en limitant son empreinte militaire au strict nécessaire.

A ce titre, la mise en place du nouveau Programme pour la stabilisation et les opérations de paix (PSOPs) sous l’égide d’Affaires mondiales Canada, vient asseoir cette politique avec pour objectif de s’attaquer aux sources des conflits en soutenant et en facilitant la diplomatie canadienne, et en allant au-delà des actions militaires.

« La nature des conflits mondiaux a changé, de sorte que le Canada a dû recourir à une approche novatrice dans son soutien à la paix internationale. Nous devons connaître la réalité sur le terrain, comprendre les causes sous-jacentes d’un conflit et apprendre des spécialistes qui travaillent directement sur le terrain ».

C’est avec cette déclaration que l’honorable Harjit Singh Sajjan, le ministre de la Défense nationale du Canada, exposait d’ailleurs début août 2016 la philosophie sous-jacente à la politique étrangère canadienne en matière d’opérations extérieures. Cette posture du Canada, sera fort judicieusement articulée autour d’une logique pangouvernementale, et impliquera également des acteurs du secteur privé.

Valorisant son expérience très riche en matière d’intervention humanitaire, le Canada se pose donc résolument en acteur volontaire et novateur en matière de résolution de crises. Il offre ainsi une alternative intelligente à l’interventionnisme militaire de certaines nations occidentales qui voient dans l’emploi de la force armée la solution à tous les problèmes de sécurité internationale.

Il est remarquable qu’un pays occidental prenne enfin la mesure de la tâche en ce domaine, et se libère du structuralisme historique et conceptuel qui caractérise les questions de sécurité, pour proposer une approche pertinente prenant en compte les travaux universitaires en matière de construction de la paix.

A ce titre, l’initiative du Canada, et la philosophie qui la sous-tend, doivent servir d’exemple à l’ensemble de la communauté internationale. « [C]onnaître la réalité sur le terrain » et « comprendre les causes sous-jacentes d’un conflit » sont, en effet, une nécessité absolue pour qui veut agir en profondeur sur les causes des conflits modernes. Au-delà des effets bénéfiques d’une telle approche qui conduirait à l’obtention d’une paix positive, pour reprendre la terminologie de Johan Galtung, cette volonté de mieux maîtriser les tenants et les aboutissants des crises permettra sans nul doute d’éviter d’ajouter des tensions aux tensions existantes et de se laisser entraîner invariablement dans une spirale de violence.

Si le PSOPs est un programme nouveau, il est l’héritier, non seulement d’une longue tradition canadienne, mais également des activités du Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction (GTSR) créé en 2005 avec pour objectif de faire face à l’accroissement des besoins pour répondre aux crises politiques et aux catastrophes naturelles.

Bénéficiant d’un budget de 450 millions de dollars canadiens (306 millions d’euros), le PSOPs aura pour responsabilité de « coordonner la mise en œuvre du Plan d’action du Canada sur les femmes, la paix et la sécurité ainsi que de promouvoir activement le rôle des femmes et des jeunes dans la résolution des conflits ». Il aura pour mission ambitieuse de « s’attaquer aux causes et aux effets des conflits, et prévenir leur escalade ou leur récurrence en augmentant le soutien du Canada envers les opérations de paix de l’ONU ». Loin d’exclure l’action militaire, un effectif, pouvant aller jusqu’à 600 personnels des Forces armées canadiennes (FAC), pourra être déployé au besoin dans le cadre d’une participation aux opérations de paix de l’Organisation des Nations Unies (ONU).

Soulignons que la politique canadienne est ici en parfaite adéquation avec les recommandations faites à maintes reprises par les Nations Unies. L’approche de la sécurité par l’établissement d’une paix positive ne niant pas l’importance de l’action militaire, l’emphase portée sur le rôle des femmes en particulier mais également des jeunes, l’alerte précoce, les solutions politiques, l’engagement sur le long terme ou encore le principe d’appropriation du processus de paix par les acteurs locaux (ownership), sont autant de voies de résolution des crises proposées par l’ONU à de très nombreuses occasions[1].

Comme l’indique le site Internet du Gouvernement du Canada, « [l]e PSOPs appuie une voix canadienne solide sur la scène internationale ». Il permet, en effet, au pays à la fleuille d’érable de s’imposer comme un acteur essentiel et crédible en matière de sécurité internationale. Loin du suivisme à l’égard du voisin américain pour lequel il est souvent raillé, le Canada offre une alternative aux actions militaires intrusives, dont l’efficacité est loin d’être démontrée, et prouve sa détermination à œuvrer pour la paix, la stabilité et la sécurité internationales.

Ce n’est évidemment pas la première fois que le Canada fait entendre une voix originale en la matière. Espérons que la philosophie canadienne ne soit pas réduite à un prêche pacificateur dans un désert de violence armée, et que son influence favorise une réorientation des politiques en matière de gestion de crises internationales.




[1] Voir notamment le Rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations Unies, Unissons nos forces pour la paix : privilégions la politique, les partenariats et l’action en faveur des populations, A/70/95–S/2015/446, 16 juin 2015, § 126.


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