2 mai 2023

ACTU : Le Conseil de sécurité condamne l'interdiction imposée par le gouvernement taliban aux femmes afghanes de travailler pour l'ONU

Catherine MAIA

Le 27 avril, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la Résolution 2681 (2023) par laquelle il condamne la décision prise par le gouvernement taliban, le 5 avril, d’interdire aux femmes afghanes de travailler pour l’Organisation des Nations Unies (ONU) en Afghanistan, étendant ainsi la prohibition déjà existante concernant les organisations non gouvernementales internationales et nationales. Cette mesure, qui est inédite dans l’histoire onusienne, avait aussitôt été fustigée par le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, qui avait rappelé l’importance cruciale du personnel féminin pour les opérations de l'Organisation.

Par la Résolution 2681 (2023), adoptée à l’initiative des Émirats arabes unis et du Japon, le Conseil de sécurité proclame qu’une telle interdiction est de nature à compromettre « les droits humains et les principes humanitaires » (§1). Dès lors, le Conseil demande « la participation pleine, égale, véritable et en toute sécurité des femmes et des filles en Afghanistan », lançant un appel au gouvernement taliban pour que soient promptement annulées toutes « les politiques et pratiques qui restreignent le plein exercice par les femmes et les filles de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales, notamment pour ce qui est de leur accès à l’éducation et à l’emploi, leur liberté de circulation et la participation pleine, égale et véritable des femmes à la vie publique » (§2).

À cet égard, dans son préambule, si la résolution réaffirme « son appui au principe selon lequel il appartient aux Afghans eux-mêmes de déterminer, de façon globale et inclusive, l’avenir politique et le mode de développement du pays », au regard du contexte économique et humanitaire alarmant régnant dans le pays, elle rappelle également « le rôle indispensable que les femmes jouent dans la société afghane », notamment dans les interventions humanitaires. Or, l’aide humanitaire ne peut être efficacement acheminée qu’à la condition d’avoir un accès total, rapide, sûr et sans entrave à « tout le personnel humanitaire, y compris les femmes » et que les femmes et les filles puissent également accéder en toute sécurité à cette aide et aux services de base.

Cette résolution est adoptée alors que les droits les plus élémentaires des femmes et des filles en Afghanistan sont sans cesse piétinés. Sur ce point, de nombreuses ONG, dont Amnesty International, dénoncent le fait que la vie des femmes et des filles en Afghanistan se trouve dévastée par la répression exercée sur leurs droits fondamentaux.

Deux décennies après leur éviction, les Talibans ont repris le pouvoir à l'été 2021 en chassant le gouvernement soutenu par la communauté internationale. Les autorités talibanes ont alors imposé une version rigoriste de la loi islamique, qualifiée d'"apartheid basé sur le sexe" par l'ONU.

Depuis leur retour au pouvoir par les armes en août 2021, deux décennies après leur éviction, les autorités talibanes ont imposé une interprétation particulièrement rigoriste de la loi islamique, qualifiée en mars dernier d' « apartheid sexiste », le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains en Afghanistan, Richard Bennett. En effet, les Talibans nient les droits des femmes et des filles à l’éducation, au travail et à la liberté de mouvement. Ils ont, entre autres, anéanti le système de protection et d’aide pour les personnes fuyant les violences au sein du foyer et ont contribué à l’augmentation du nombre de mariages précoces et de mariages forcés.

S’il est indispensable que les Talibans respectent la Résolution, en annulant immédiatement les interdictions et les restrictions imposées aux droits des femmes et des filles et en libérant les personnes détenues pour avoir manifesté ou s’être exprimées contre de telles mesures, le texte ne dit toutefois rien quant à la responsabilisation du gouvernement taliban – autorité de facto dans le pays – pour ces violations graves et systématiques.

Jusqu'à présent, force est de constater le peu d'effet qu'ont eu les efforts déployés pour amener l’État afghan à respecter le droit international relatif aux droits humains, dont les droits des femmes qui, contrairement à la position défendue par le gouvernement taliban, ne sont pas une « affaire sociale interne ». Aussi est-il essentiel que cette résolution s’accompagne d’une pression internationale robuste, afin de rappeler l’universalité et l’inalliabilité des droits des femmes et des filles. 

C’est d’ailleurs en ce sens que la résolution « exhorte tous les États et toutes les organisations à user de leur influence, en conformité avec la Charte des Nations Unies, pour promouvoir l’annulation urgente de ces politiques et pratiques » (§2). 

C’est également en ce sens que la résolution insiste sur l’importance non seulement d’une « présence constante » de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) et des structures onusiennes « dans tout l’Afghanistan », mais aussi d'un dialogue entre toutes les parties prenantes afghanes, la région et la communauté internationale (§5). 

À cette fin, le Secrétaire général des Nations Unies a organisé les 1 et 2 mai, à Doha (Qatar), des discussions concernant la meilleure approche à adopter pour conduire l’Afghanistan à respecter les droits des femmes. Ces discussions ont réuni les représentants de 25 pays et organisations, dont les envoyés spéciaux des États-Unis, de la Chine et de la Russie, ainsi que les principaux donateurs, à l’exclusion de représentants talibans. Si la question de la reconnaissance internationale du gouvernement taliban n’était pas à l’ordre du jour, il est urgent d’agir dans un pays connaissant actuellement la plus grave crise humanitaire dans le monde. Parmi ses 28 millions d'habitants, on estime que les deux tiers auront besoin d'une aide humanitaire pour survivre cette année, tandis qu'au moins 97% d'entre eux vivent dans la pauvreté. 


© Unocha/Charlotte Cans

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