Catherine MAIA
Le 22 août, l’Union africaine (UA) a annoncé sa décision de suspendre le Niger de ses institutions après le coup d’État survenu dans le pays le 26 juillet dernier. Si l’UA a affiché un front commun concernant cette suspension, conformément à sa tolérance zéro à l’égard des changements anticonstitutionnels de gouvernement prônée à l’article 4 (p) de son Acte constitutif, elle s’est toutefois montrée prudente concernant l’éventualité d’une intervention militaire brandie par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Dans un communiqué (PSC/PR/COMM.1168 (2023)) du Conseil
de paix et de sécurité (CPS), adopté à la suite d’une réunion tenue le 14 août sur la
situation au Niger, cet organe décisionnel permanent de l’UA pour la
prévention, la gestion et le règlement des conflits, « prend note de la
décision de la Cédéao de déployer une Force en attente » et « demande
à la Commission de l’UA d’entreprendre une évaluation des implications
économiques, sociales et sécuritaires du déploiement d’une Force en attente au
Niger » (§4).
Selon ce même communiqué, rendu public le 22 août, le CPS « [r]éitère sa profonde préoccupation face à la résurgence des coups d’État militaires qui compromettent la démocratie, la paix, la sécurité et la stabilité, ainsi que le développement du continent » (§1) et « [r]éitère également sa condamnation sans équivoque du coup d’État militaire qui a eu lieu le 26 juillet 2023 au Niger et qui a abouti à l’éviction d’un président démocratiquement élu, S.E. Mohamed Bazoum, par une faction d’officiers militaires » (§2). Cette condamnation est dans la lignée de celle prononcée dans la déclaration à la presse faite par le Conseil de sécurité des Nations Unies concernant la situation en République du Niger le 28 juillet. Rappelons que Mohamed Bazoum a été élu président de la République du Niger en 2020 face à l’ex-président Mahamane Ousmane, succédant ainsi à Mahamadou Issoufou ayant atteint la limite constitutionnelle de deux mandats, avant d’être investi en 2021. Rappelons également que, depuis son indépendance en 1960, le Niger a connu cinq coups d’État et plusieurs tentatives avortées.
À titre de sanction du coup d’État, le CPS, « [d]écide,
conformément aux instruments pertinents de l’UA, en particulier l’Acte
constitutif de l’UA [articles 30 et 31], le Protocole relatif à la création
du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et la Charte africaine
sur la démocratie, les élections et la gouvernance, de suspendre immédiatement
la participation de la République du Niger de toutes les activités de l’UA et
de ses organes et institutions jusqu’au rétablissement effectif de l’ordre
constitutionnel dans le pays » (§7). En outre, les États membres de l’UA et la
communauté internationale sont exhortés à ne pas reconnaître le
nouveau régime illégal au Niger (§8).
La suspension d’un État membre des institutions de l’UA n’est pas un cas isolé, l’histoire de l’organisation africaine étant parsemée de divers exemples, qui semblent s’être multipliés récemment. Après les suspensions décidées en raison de coups d’États en 2021, à l’encontre du Mali (pays déjà brièvement suspendu après un précédent putsch en 2020), de la Guinée et du Soudan, puis en 2022, à l’encontre du Burkina Faso, le Niger devient ainsi, en 2023, parmi 55 États membres, le cinquième pays actuellement suspendu au sein de l’UA. Depuis qu’ils sont dirigés par des militaires putschistes, le Mali, la Guinée et le Burkina Faso sont également suspendus de la Cédéao, comptabilisant 15 États membres. Alors que, symboliquement, la suspension revient à admettre un coup d’État consommé, le Niger pourrait venir allonger cette liste des pays suspendus au sein de l’organisation sous-régionale.
Une suspension de l’UA qui souhaite privilégier la voie
diplomatique
Après le renversement du régime orchestré par la propre
garde présidentielle de Mohamed Bazoum – ce dernier étant actuellement séquestré par les putschistes dans des conditions préoccupantes
– la Cédéao a annoncé, le 10 août, son intention de déployer une force militaire
ouest-africaine dans l’objectif de rétablir l’ordre constitutionnel au
Niger. Elle a ainsi ordonné l’activation
immédiate de sa force en attente. Cette force est l’une
des composantes clés de la Cédeao pour répondre aux crises et aux conflits qui
peuvent survenir dans la sous-région. Conçue pour être déployée rapidement en
cas de besoin et pour intervenir dans des situations de crise, telles que les
coups d’État, les conflits armés ou les menaces à la sécurité sous-régionale, elle vise
à soutenir la stabilité politique et la sécurité dans la sous-région, à
faciliter la résolution pacifique des conflits et à prévenir de nouvelles crises.
Bien que la Cédéao continue d’agiter la menace de l’usage de
la force, l’organisation sous-régionale proclame souhaiter privilégier une
solution diplomatique. À l’instar de nombreux pays sur la scène internationale –
dont la Russie
et les États-Unis
– ayant appelé à une résolution pacifique de la crise nigérienne pour éviter
tout embrasement dans une région déjà extrêmement instable et gangrénée par le terrorisme, l’UA elle-même
préfère ne pas rompre le dialogue. C’est en ce sens que le communiqué du CPS
du 14 août « [r]éaffirme sa pleine solidarité avec les efforts de la Cédéao
dans son engagement soutenu en faveur du rétablissement de l’ordre
constitutionnel par des moyens diplomatiques » (§5) et « [s]alue
et soutient fortement les efforts inlassables déployés par la Cédéao en vue du
rétablissement pacifique de l’ordre constitutionnel dans la République du Niger »
(§6), une position qui vient affaiblir l'option militaire.
Afin de faire plier les putschistes et les ramener à la
légalité constitutionnelle, diverses
sanctions ont été décidées le 30 juillet par la Cédéao, comprenant, entre
autres, la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les États membres
de l’organisation et le Niger, la suspension des transactions financières et
commerciales avec ce pays, ainsi que l’interdiction de voyager et le gel des avoirs
des officiers militaires impliqués dans le coup d’État. Autant de mesures que l’UA
appuie, conformément au communiqué du CPS du 14 août, tout en appelant à leur
« application progressive », afin d’éviter tout « effet
disproportionné sur les citoyens du Niger » (§10).
Pour l’heure, la junte menée par le général Abdourahamane Tiani ne fléchit ni devant les sanctions économiques et financières imposées par la Cédéao, ni devant la menace d’un recours à la force. Rejetant les appels de la Cédéao au retour immédiat à l’ordre constitutionnel, le nouvel homme fort du Niger a annoncé une période de transition de trois ans maximum. Il a également averti que toute opération militaire serait assimilée à une « agression » contre laquelle il se dit prêt à réagir en légitime défense, pouvant compter sur l’appui du Burkina et du Mali, deux pays alliés dirigés par des militaires et autorisés, par des ordonnances en date du 24 août, à agir militairement pour défendre le territoire nigérien.
Bonsoir Professeur. Pensez-vous que cette intervention militaire, s'il elle se produit, est contraire au droit international ?
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