Catherine MAIA, Aklesso Jacques AKPE
Alors que la spirale meurtrière de la guerre à Gaza se poursuit depuis octobre 2023 et que le Conseil de sécurité n’a pu voter que le 10 juin 2024 une résolution visant à parvenir à un accord de cessez-le-feu, la justice internationale se fraye un chemin pour rappeler aux parties au conflit que leurs violations du droit international engagent leur responsabilité. D’un côté, le 24 mai, la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu une ordonnance dans le cadre de l’affaire concernant l’Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza intentée par l’Afrique du Sud contre Israël, par laquelle elle demande à ce dernier de stopper immédiatement son offensive militaire menée dans le gouvernorat de Rafah. D’un autre côté, le 20 mai, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a sollicité la délivrance de mandats d’arrêt, non seulement contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, mais également contre des dirigeants du Hamas, à savoir Yahya Sinwar, le chef du Mouvement de résistance islamique dans la bande de Gaza, Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, le commandant en chef de la branche armée du Hamas, et Ismail Haniyeh, le chef de la branche politique du Hamas.
Alors que la spirale meurtrière de la guerre à Gaza se poursuit depuis octobre 2023 et que le Conseil de sécurité n’a pu voter que le 10 juin 2024 une résolution visant à parvenir à un accord de cessez-le-feu, la justice internationale se fraye un chemin pour rappeler aux parties au conflit que leurs violations du droit international engagent leur responsabilité. D’un côté, le 24 mai, la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu une ordonnance dans le cadre de l’affaire concernant l’Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza intentée par l’Afrique du Sud contre Israël, par laquelle elle demande à ce dernier de stopper immédiatement son offensive militaire menée dans le gouvernorat de Rafah. D’un autre côté, le 20 mai, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a sollicité la délivrance de mandats d’arrêt, non seulement contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, mais également contre des dirigeants du Hamas, à savoir Yahya Sinwar, le chef du Mouvement de résistance islamique dans la bande de Gaza, Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, le commandant en chef de la branche armée du Hamas, et Ismail Haniyeh, le chef de la branche politique du Hamas.
La portée des mesures conservatoires indiquées par la CIJ
L’ordonnance rendue par la CIJ le 24 mai constitue le dernier épisode en date d’une saga judiciaire débutée le 29 décembre dernier, avec la requête introductive d’instance déposée par l’Afrique du Sud concernant des manquements allégués par Israël, dans la bande de Gaza, aux obligations découlant de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, à laquelle les deux États sont parties.
Cette ordonnance est la troisième rendue par la CIJ en cette affaire en l’espace d’à peine cinq mois. Dans la première ordonnance du 26 janvier, la Cour a écarté l’argument israélien fondé sur une prétendue légitime défense, exercée dans le respect du droit international humanitaire, après les attaques du Hamas sur son sol le 7 octobre 2023. En appui aux fondements conventionnels relatifs à la prévention du génocide, elle a considéré, en substance, qu’Israël devait prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission d’actes génocidaires à l’encontre des Palestiniens de Gaza et devait également prendre des mesures effectives pour permettre la fourniture de l’aide humanitaire requise de toute urgence. La CIJ a maintenu cette position dans sa deuxième ordonnance du 28 mars, en insistant, dans les mesures additionnelles indiquées, sur l’obligation pour Israël de faire en sorte que son armée ne commette pas de violations des droits des Palestiniens de Gaza.
Le 24 mai, elle a justifié l’octroi de nouvelles mesures conservatoires par la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza, « et ce même davantage encore depuis qu’elle a rendu son ordonnance du 28 mars 2024 » (§28). En conséquence, elle a ordonné à Israël, d’« arrêter immédiatement son offensive militaire, et toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah, qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle », conformément aux obligations lui incombant au titre de la Convention sur le génocide (§50).
Il est à noter qu’au vu de sa jurisprudence antérieure, l’interdiction du génocide est une norme impérative du droit international (Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002)). Même en l’absence d’obligations découlant d’une convention particulière, les États ont donc l’obligation de mettre en œuvre tous les moyens qui sont à leur disposition en vue d’empêcher, dans la mesure du possible, un génocide.
Concernant la portée des mesures conservatoires, il convient de souligner que leur force exécutoire est bien le talon d’Achille des ordonnances de la CIJ. Selon l’article 41 de son Statut et l’article 78 de son Règlement les mesures provisoires ont un caractère contraignant. Conformément à ces dispositions, dans l’arrêt du Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran de 1980, la CIJ a affirmé son pouvoir de contrôler l’application de telles mesures. À cet égard, les affaires Breard (1999), LaGrand (2001) et Avena (2004), ont confirmé sans ambiguïté la nature obligatoire des mesures conservatoires, attribuant à l’article 41 la même force de res judicata qu’un arrêt. Par conséquent, en cas de non-respect des mesures indiquées par la CIJ, Israël engagera sa responsabilité internationale.
Dans la pratique, cependant, la CIJ n’a pas de pouvoir coercitif pour faire appliquer ses ordonnances dont l’exécution, si elle est généralement effective en raison du souhait des États d’apparaitre sous une bonne image, dépend de la bonne volonté étatique. Dans le cas d’espèce – à l’instar de l’affaire concernant les Allégations de génocide au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide opposant l’Ukraine à la Russie – les mesures conservatoires indiquées par la CIJ n’ont, jusqu’à présent, pas été suivies d’effet.
Israël continue inexorablement ses frappes à Rafah avec son lot de morts. Dans la nuit du 26 au 27 mai dernier, à la suite du bombardement d’un camp de déplacés près de Rafah, qualifié d’« erreur tragique » par Benyamin Netanyahou, le constat est accablant pour l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, pour laquelle « Gaza est l'enfer sur terre ».
La demande de mandats d’arrêt par le Procureur de la CPI
Le déchaînement de violence ayant lieu au Moyen-Orient n’a pas laissé impassible le Bureau du Procureur de la CPI qui, depuis le 3 mars 2021, est en charge d’une enquête sur l’État de Palestine, lequel a ratifié le Statut de Rome en 2015 et déféré sa situation en 2018. En effet, la décision de la Chambre préliminaire I du 5 février 2021, par laquelle celle-ci a estimé que la CPI pouvait exercer sa compétence territoriale à l’égard de Gaza et de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, reste valide et s’étend à la recrudescence des hostilités depuis les attaques du Hamas du 7 octobre 2023.
Les renvois additionnels concernant la situation dans l’État de Palestine opérés respectivement le 17 novembre 2023 par cinq États (Afrique du Sud, Bangladesh, Bolivie, Comores et Djibouti), puis le 18 janvier 2024 par deux autres États (Chili et Mexique), n'ont fait qu'accentuer la volonté urgente d’opposer une réponse pénale concrète aux responsables des atrocités en cours dans la bande de Gaza.
C’est en ce sens que, le 20 mai 2024, des mandats d’arrêt ont été requis par le Procureur de la CPI contre plusieurs dirigeants du Hamas et d’Israël pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Semblant laisser la question du génocide à la CIJ, le Procureur a fait valoir dans sa demande qu'ont été commis non seulement des crimes de guerre dans le contexte d’un conflit armé international opposant Israël à la Palestine et d’un conflit armé non international opposant Israël au Hamas se déroulant simultanément, mais aussi des crimes contre l’humanité dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique respectivement contre la population civile israélienne et contre la population civile palestinienne. Des accusations confortées par les conclusions du rapport rendu public le 10 juin de la Commission internationale d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour enquêter, dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, sur toutes les allégations de violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme commises depuis le 7 octobre 2023 jusqu'au 31 décembre 2023.
Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, sont notamment visés en tant que coauteurs et supérieurs hiérarchiques en vertu des articles 25 et 28 du Statut de Rome. Qu’il soit civil ou militaire, le supérieur hiérarchique est perçu, selon une jurisprudence désormais bien établie des tribunaux pénaux internationaux ad hoc et de la CPI, comme une personne exerçant un contrôle de jure ou de facto sur une organisation, qu’elle soit civile ou militaire, officielle ou non. La capacité de cette organisation à concevoir, organiser, encourager et planifier la commission des crimes internationaux les plus graves suffit à établir l’implication de ses supérieurs hiérarchiques.
Toutefois, il faut souligner que l’effectivité de ces poursuites est fonction de la convergence des résultats de l’enquête préliminaire et des éléments de preuve. À la demande du Procureur, et conformément à l’article 58 du Statut de Rome, l’émission d’un mandat d'arrêt relève de la compétence de la Chambre préliminaire, laquelle devra déterminer s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’arrestation des personnes visées apparaît nécessaire pour garantir la poursuite de la procédure.
Quelle que soit la suite qui sera donnée à cette demande, à l’instar de la situation en Ukraine ayant donné lieu à un mandat d’arrêt du chef d’État russe, Vladimir Poutine, il est certain que les défis d’une justice pénale en temps de conflit armé sont immenses, a fortiori lorsque sont en cause les plus hautes autorités d’États tiers à la CPI, ce qui relance la question de l’intérêt de jugements par coutumace.
Toutefois, il faut souligner que l’effectivité de ces poursuites est fonction de la convergence des résultats de l’enquête préliminaire et des éléments de preuve. À la demande du Procureur, et conformément à l’article 58 du Statut de Rome, l’émission d’un mandat d'arrêt relève de la compétence de la Chambre préliminaire, laquelle devra déterminer s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’arrestation des personnes visées apparaît nécessaire pour garantir la poursuite de la procédure.
Quelle que soit la suite qui sera donnée à cette demande, à l’instar de la situation en Ukraine ayant donné lieu à un mandat d’arrêt du chef d’État russe, Vladimir Poutine, il est certain que les défis d’une justice pénale en temps de conflit armé sont immenses, a fortiori lorsque sont en cause les plus hautes autorités d’États tiers à la CPI, ce qui relance la question de l’intérêt de jugements par coutumace.
© UNRWA
La majeure partie de la bande de Gaza a été détruite par le conflit.
Avec la mort d'Ismail Haniyeh, le chef de la branche politique du Hamas à Téhéran le 31 juillet, et celle de Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, le commandant en chef de la branche armée du Hamas, dans la bande de Gaza le 13 juillet, dans des frappes attribuées à Israël, ce sont deux des cinq mandats d'arrêts lancés par la CPI dans le cadre de la situation la situation en Palestine qui sont devenus sans objet.
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