Catherine MAIA
À la suite de récents attentats sanglants à Paris (France)
et à Beyrouth (Liban) notamment, le Conseil de sécurité a adopté, le 20
novembre, la Résolution 2249 (2015),
dans laquelle il appelle les États membres de l'ONU à coordonner leur action en
vue de prévenir et mettre un terme aux actes de terrorisme commis par le groupe
Daech et à éliminer le « sanctuaire » qu’il a créé sur une grande partie des
territoires de l’Iraq et de la Syrie.
La Résolution 2249 (2015) – la quatorzième portant sur le
terrorisme depuis 1999 – invite les pays à « intensifier leurs efforts » pour
empêcher leurs citoyens de s’enrôler dans les rangs de l’EI et pour tarir le
financement des groupes extrémistes. Elle prévoit aussi que l’ONU prenne de
nouvelles sanctions contre les dirigeants et membres du groupe et ses soutiens.
En ce sens, le Conseil de sécurité exprime son intention d’actualiser
rapidement la liste du Comité des sanctions créé par la Résolution 1267 (1999), « afin qu’elle tienne mieux compte de la menace que représente Daech ».
Tandis que la résolution était votée au moment où une prise
d’otages dans un hôtel de Bamako (Mali)
revendiquée par le groupe djihadiste Al-Mourabitoune, lié à Al-Qaida, a
fait au moins 21 morts, le Conseil a « condamn[é] sans équivoque dans les
termes les plus forts les épouvantables attentats terroristes commis qui ont
été commis par l'EIIL (…) le 26 juin 2015 à Sousse, le 10 octobre 2015 à
Ankara, le 31 octobre 2015 au-dessus du Sinaï, le 12 novembre 2015 à Beyrouth
et le 13 novembre 2015 à Paris, et tous les autres attentats commis par l'EIIL,
y compris les prises d'otages et les assassinats ».
La Résolution 2249
(2015) ne donne pas à proprement parler d’autorisation légale pour agir
militairement contre l’EI, ne se référant d'ailleurs pas à l'article 51 de la Charte de l'ONU, mais elle fournit un appui politique à la campagne
contre les djihadistes en Syrie et Irak, campagne intensifiée à la suite des
attentats du 13 novembre 2015 en France, qui ont coûté la vie à 130 personnes.
Le président français, François Hollande, a salué une
résolution qui va « contribuer à la mobilisation des nations pour l’élimination
de Daech ». Pour le ministre des Affaires étrangères
français, Laurent Fabius, « il importe maintenant que tous les États s’engagent
concrètement dans ce combat, qu’il s’agisse de l’action militaire, de la
recherche de solutions politiques ou de la lutte contre le financement du
terrorisme ».
A l’ONU, l’ambassadeur français, François Delattre, a déclaré
: « Face à Daech, nous avons l’humanité en commun. Nous, les Nations Unies, avons le devoir de
la défendre ». « Nos actions militaires, dont nous avons informé le Conseil de
sécurité dès l’origine, étaient justifiées par la légitime défense collective.
Elles peuvent désormais se fonder également sur la légitime défense
individuelle, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies », a
expliqué M. Delattre.
La France en appelle aussi à l’Europe, a poursuivi le
représentant : « Mon pays a demandé et obtenu cette semaine de l’Union
européenne l’activation, pour la première fois de son histoire, de la clause de
solidarité mutuelle » prévue à l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne
(TUE), a indiqué M. Delattre, en rappelant le « lourd tribut » payé par son pays
dans la lutte contre le terrorisme en Syrie et en Iraq, « mais également contre
Al-Qaida au Sahel ».
Depuis que cette clause a été imaginée en 1948, elle n’avait
jamais été activée. Le déclenchement, le 17 novembre, de l’article 42-7 du TUE
est donc un acte politique très fort. Cette clause prévoit que si un État
membre de l'UE fait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir : « Au cas
où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les
autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur
pouvoir, conformément à l'article 51 de la Charte des Nations Unies. Cela
n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense
de certains États membres ».
Si l’ensemble des Européens ont apporté leur soutien à la
France, au-delà de l’affichage de l’unité politique, la portée pratique du 42-7 du TUE paraît néanmoins limitée, dans la mesure où les pays qui disposent de moyens
militaires considérables font déjà partie de la coalition militaire
internationale engagée en Syrie et en Irak. Par cette mesure, Paris a avant tout souhaité légitimer
ses frappes et certainement aussi entamer une discussion sur le financement
des opérations au nom de la défense commune.
La France, a encore annoncé M. Delattre, « triplera dans les
prochains jours » sa capacité de frappe contre Daech avec l’arrivée, dans la
région, du porte-avions Charles de Gaulle. Mais cette lutte ne pourra être
efficace que si elle s’appuie sur une « transition politique » permettant de
mettre un terme au conflit syrien, « qui a fait, et continue de faire, le lit
du terrorisme ». Ces propos ont été appuyés par plusieurs délégations, dont
celles des États-Unis et de la Lituanie.
Le représentant de la Fédération de Russie à l’ONU s’est,
pour sa part, félicité des amendements apportés à sa demande au texte adopté,
en particulier l’inclusion de la référence à la Charte des Nations Unies, en
estimant qu’il ouvre la voie à l’émergence d’un « front antiterroriste ».
Toutefois, M. Vitaly Churkin a précisé que sa délégation œuvrait à la
préparation d’un autre projet de résolution, conformément au projet de texte
que le président russe Vladimir Poutine avait présenté fin septembre 2015.
Jusqu’à aujourd’hui rejeté par les Occidentaux, ce texte prévoit d’associer le
régime de Bachar Al-Assad à la lutte contre les groupes extrémistes. Or,
contrairement à Moscou, Londres, Paris et Washington veulent un départ du
président syrien dans le cadre d’une transition politique pour régler le
conflit.
MENACES CONTRE
LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES RÉSULTANT D'ACTES DE TERRORISME
Résolution 2249 (2015) du Conseil de sécurité, 20 novembre 2015
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant ses résolutions 1267 (1999), 1368 (2001),
1373 (2001), 1618 (2005), 1624 (2005), 2083 (2012), 2129 (2013), 2133 (2014),
2161 (2014), 2170 (2014), 2178 (2014), 2195 (2014), 2199 (2015), 2214 (2015) et
les déclarations pertinentes de son président,
Réaffirmant les buts et principes de la Charte des
Nations Unies,
Réaffirmant son respect pour la souveraineté,
l’intégrité territoriale, l’indépendance et l’unité de tous les États
conformément aux buts et principes consacrés dans la Charte des Nations Unies,
Réaffirmant que le terrorisme, sous toutes ses formes et
dans toutes ses manifestations, constitue une des menaces les plus graves
contre la paix et la sécurité internationales et que tous les actes de
terrorisme sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les
motivations, le moment et les auteurs,
Considérant que, par son idéologie extrémiste violente,
ses actes de terrorisme et les attaques violentes et généralisées qu’il
continue de perpétrer systématiquement contre les civils, les atteintes flagrantes,
systématiques et généralisées qu’il continue de porter aux droits de l’Homme et
ses violations du droit international humanitaire, notamment celles fondées sur
des motifs religieux ou ethniques, son action d’éradication du patrimoine
culturel et ses activités de trafic de biens culturels, mais aussi par le
contrôle qu’il exerce sur une grande partie du territoire et des ressources
naturelles de l’Iraq et de la Syrie et par son recrutement et la formation de
combattants terroristes étrangers qui menacent toutes les régions et tous les
États membres, même ceux qui sont loin des zones de conflit, l’État islamique
d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech) constitue une
menace mondiale d’une gravité sans précédent contre la paix et la sécurité
internationales,
Rappelant que le Front el-Nosra et tous les autres
individus, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaida constituent
également une menace contre la paix et la sécurité internationales,
Résolu à combattre par tous les moyens cette menace
d’une gravité sans précédent contre la paix et la sécurité internationales,
Prenant note des lettres datées des 25 juin et 20
septembre 2014 émanant des autorités iraquiennes, dans lesquelles elles
déclarent que Daech a établi un sanctuaire hors des frontières iraquiennes, qui
constitue une menace directe pour la sécurité du peuple et du territoire
iraquiens,
Réaffirmant que les États membres doivent s’assurer que
toute mesure prise pour lutter contre le terrorisme soit conforme à l’ensemble
des obligations que leur impose le droit international, en particulier le droit
international des droits de l’Homme, le droit international des réfugiés et le
droit international humanitaire,
Déclarant de nouveau que la situation continuera de se détériorer
en l’absence d’un règlement politique du conflit syrien et soulignant qu’il
importe que soient appliquées les dispositions du Communiqué de Genève en date
du 30 juin 2012 qui est joint en annexe à sa Résolution 2118 (2013) et de la
Déclaration du Groupe international d’appui pour la Syrie, en date du 14
novembre 2015,
1. Condamne sans
équivoque dans les termes les plus forts les épouvantables attentats
terroristes qui ont été commis par l’EIIL, également connu sous le nom de
Daech, le 26 juin 2015 à Sousse, le 10 octobre 2015 à Ankara, le
31 octobre 2015 au-dessus du Sinaï, le 12 novembre 2015 à Beyrouth et le
13 novembre 2015 à Paris, et tous les autres attentats commis par l’EIIL,
également connu sous le nom de Daech, y compris les prises d’otage et les
assassinats, note que
cette organisation a la capacité et l’intention de perpétrer d’autres attentats
et considère que
tous ces actes de terrorisme constituent une menace contre la paix et la
sécurité ;
2. Exprime ses
très sincères condoléances aux victimes et à leur famille, aux peuples et aux
Gouvernements de la Tunisie, de la Turquie, de la Fédération de Russie, du
Liban et de la France, ainsi qu’à tous les Gouvernements dont les
ressortissants ont été pris pour cibles lors des attentats susmentionnés et à
toutes les autres victimes du terrorisme ;
3. Condamne également dans
les termes les plus forts les atteintes flagrantes, systématiques et
généralisées aux droits de l’Homme et les violations du droit international
humanitaire, ainsi que les actes barbares de destruction et de pillage du
patrimoine culturel que continue de commettre l’EIIL, également connu sous le
nom de Daech ;
4. Réaffirme que
ceux qui commettent des actes terroristes, des violations du droit
international humanitaire ou des atteintes aux droits de l’Homme, ou qui sont
d’une manière ou d’une autre responsables de ces actes ou violations, doivent
en répondre ;
5. Demande aux
États membres qui ont la capacité de le faire de prendre toutes les mesures
nécessaires, conformément au droit international, en particulier à la Charte
des Nations Unies, au droit international des droits de l’Homme, au droit
international des réfugiés et au droit international humanitaire, sur le
territoire se trouvant sous le contrôle de l’EIIL, également connu sous le nom
de Daech, en Syrie et en Irak, de redoubler d’efforts et de coordonner leur
action en vue de prévenir et de mettre un terme aux actes de terrorisme commis
en particulier par l’EIIL, également connu sous le nom de Daech, ainsi que par
le Front el-Nosra et tous les autres individus, groupes, entreprises et entités
associés à Al-Qaida, ainsi que les autres groupes terroristes qui ont été
désignés comme tels par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations
Unies et qui pourraient par la suite être considérés comme tels par le
Groupe international d’appui pour la Syrie avec l’approbation du Conseil de
sécurité, conformément à la Déclaration du Groupe en date du 14 novembre, et
d’éliminer le sanctuaire qu’ils ont créé sur une grande partie des territoires
de l’Iraq et de la Syrie ;
6. Engage les
États membres à intensifier leurs efforts pour endiguer le flux de combattants
terroristes étrangers qui se rendent en Iraq et en Syrie et empêcher et
éliminer le financement du terrorisme, et prie instamment tous les États membres de continuer
d’appliquer intégralement les résolutions susmentionnées ;
7. Exprime son
intention d’actualiser rapidement la liste du Comité des sanctions créé par la
Résolution 1267 afin qu’il le tienne mieux compte de la menace que représente
l’EIIL, également connu sous le nom de Daech ;
8. Décide de
rester saisi de la question.
- Dapo AKANDE, Marko MILANOVIC, «The Constructive Ambiguity of the Security Council’s ISIS Resolution», EJIL, November 21, 2015
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