17 septembre 2021

ACTU : L’Arménie dépose une requête contre l’Azerbaïdjan devant la CIJ pour discriminations raciales

Catherine MAIA

Le 16 septembre, l’Arménie a déposé une requête contre l’Azerbaïdjan devant la Cour internationale de Justice (CIJ), l’accusant de violations de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965 (CIEDR).

Dans sa requête, Erevan proclame que ces violations alléguées sont anciennes, puisque les Arméniens sont la cible d’une véritable politique étatique de haine raciale alimentée par Bakou depuis plusieurs décennies, conduisant à ce que ceux-ci soient les « victimes d’une discrimination généralisée, de massacres, de torture et d’autres exactions ».

Par ailleurs, l’Arménie affirme que de telles pratiques « ont une nouvelle fois été mises en évidence en septembre 2020, après l’agression de l’Azerbaïdjan contre la République d’Artsakh et l’Arménie », en raison des graves violations de la CIEDR perpétrées durant ce conflit armé. L’Arménie et l’Azerbaïdjan se sont livrées une guerre à l’automne dernier qui a duré six semaines et fait 6 000 morts, pour le contrôle du Haut-Karabagh ou Artsakh. Ce petit territoire montagneux majoritairement peuplée d'Arméniens, mais enclavé dans la République d’Azerbaïdjan auquel il est soumis, avait déjà fait l’objet, après sa proclamation unilatérale d’indépendance en 1991, d’une guerre sanglante entre les deux pays qui le considèrent comme historiquement symbolique. La guerre s’était alors soldée par une déroute militaire arménienne et un accord de cessez-le-feu concédant d'importants gains territoriaux à l’Azerbaïdjan.

Si le récent conflit s’est à nouveau soldé par la défaite de l’Arménie, contrainte de céder des régions autour de l’enclave séparatiste, et la signature d’un cessez-le-feu le 10 novembre 2020, les tensions sont demeurées vives entre les deux ex-républiques soviétiques, cela, en dépit du déploiement de soldats de maintien de la paix russes. Selon le requérant, la fin des hostilités armées sur le terrain, n’a nullement mis fin aux pratiques discriminatoires, puisque, « l’Azerbaïdjan a continué d’assassiner, de torturer et de maltraiter les prisonniers de guerre, otages et autres détenus arméniens ».

Le groupe de Minsk, un groupe de médiation où sont représentés divers pays européens et les États-Unis, avait été créé en 1992 par la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) – devenue ensuite l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) – avec pour objectif de rechercher une résolution pacifique et négociée entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dans le conflit les opposant dans le Haut-Karabagh. Toutefois, les négociations sont depuis lors demeurées dans une impasse diplomatique.

Arguant que tous les efforts préalablement déployés de bonne foi pour mettre un terme aux violations de la CIEDR par l’Azerbaïdjan ont échoué, l’Arménie prie la CIJ « de tenir l’Azerbaïdjan pour responsable de ses violations de la CIEDR, afin de prévenir tout préjudice futur et de réparer les dommages déjà causés ».

Le requérant invoque comme base de compétence de la CIJ l’article 36 §1 du Statut de la Cour, selon lequel « [l]a compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur », ainsi que l’article 22 de la CIEDR – à laquelle les deux États sont parties –, qui précise que « [t]out différend entre deux ou plusieurs États parties touchant l'interprétation ou l'application de la présente Convention qui n'aura pas été réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures expressément prévues par ladite Convention sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la Cour internationale de Justice pour qu'elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne conviennent d'un autre mode de règlement ».

Par ailleurs, la requête de l’Arménie s’accompagne d’une demande en indication de mesures conservatoires, déposée conformément à l’article 41 du Statut de la CIJ. Le requérant prie ainsi la CIJ d’indiquer des mesures conservatoires « de toute urgence », dans le but de protéger et préserver « les droits de l’Arménie et les droits des Arméniens de tout nouveau préjudice, et (…) empêcher que le différend ne s’aggrave ou ne s’étende, en attendant que les questions soulevées dans la requête soient tranchées sur le fond ».

Si, sur le fond, la question des actes de discrimination allégués ne sera pas tranchée avant plusieurs années, la CIJ devrait rapidement se prononcer sur la demande de mesures conservatoires, pouvant à cette occasion demander, si besoin aux deux parties, la cessation de tout comportement risquant d'aggraver la situation.

Le 28 septembre 2020, dans le cadre du conflit armé ayant opposé les deux pays, l’Arménie s’était déjà tournée vers la justice en saisissant la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) pour demander des mesures provisoires à l'encontre de l'Azerbaïdjan au regard du risque imminent de dommage irréparable. Le lendemain, la Cour EDH avait demandé aux deux parties de s'abstenir de prendre toute mesure, en particulier des actions militaires, qui serait susceptible d’entraîner des violations des droits des populations civiles garantis par la Convention européenne des droits de l’homme, notamment en mettant en danger leur vie et leur santé. En outre, elle leur avait demandé de respecter leurs engagements conventionnels, notamment l'article 2 (droit à la vie) et l'article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention.

 



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