Le 28 octobre 2021, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, entré en fonction en juin dernier, a annoncé la fin de l’examen préliminaire portant sur la situation en Colombie, déclarant depuis Bogota que le pays est « à la hauteur de ses obligations internationales ».
La Colombie avait adhéré au Statut de Rome le 5 août 2002, accompagnant son adhésion de la déclaration selon laquelle, conformément à l'article 124, elle n'acceptait pas la compétence de la CPI pour les crimes de guerre durant une période de sept ans. En conséquence, la compétence de la CPI s’étend à l'égard des crimes de guerre commis sur le territoire colombien ou par des ressortissants colombiens depuis le 1er novembre 2009 et aux autres crimes visés par le Statut de Rome commis depuis le 1er novembre 2002.
Un examen préliminaire concernant la Colombie avait débuté en juin 2004, sous le mandat du premier procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo. Cet examen avait été initié la suite de la réception par le Bureau du procureur, au titre de l'article 15 du Statut de Rome, de multiples informations relatives à un grand nombre de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre présumés relevant de la compétence de la CPI, notamment des meurtres, des viols et d’autres formes de violences sexuelles, des transferts forcés de population, des disparitions forcées ou encore des actes de torture, commis à l’encontre, entre autres, de défenseurs des droits humains, de fonctionnaires de l’État, d’enseignants, de syndicalistes et de membres de communautés autochtones et afro-colombiennes. Ces crimes auraient été commis dans le cadre du conflit armé qui secoue le pays depuis presque six décennies entre et au sein des forces gouvernementales, des groupes armés paramilitaires et des groupes armés illégaux.
Par ailleurs, l'examen préliminaire portait aussi sur l'existence effective et l'authenticité véritable de procédures nationales relatives à ces crimes, dont l’établissement invaliderait la compétence de la CPI. En effet, en vertu du principe de complémentarité, consacré par le Statut de Rome au paragraphe 10 du préambule et aux articles 1 et 17 comme un mécanisme central du fonctionnement de la CPI, la lutte contre l’impunité implique le renforcement des capacités nationales nécessaires aux enquêtes et aux poursuites concernant les crimes internationaux les plus graves.
Précisons que si cet examen préliminaire a débuté il y a 17 ans – un délai pouvant apparaître comme particulièrement long pour apprécier les circonstances d'une situation – rien n’est imposé sur ce point par le Statut de Rome. En conséquence, le Bureau du procureur peut décider, selon spécificités de chaque situation, de continuer à recueillir des informations en vue de rendre une décision dûment motivée en fait et en droit, d'ouvrir une enquête sous réserve de l'autorisation des juges ou, au contraire, de ne pas en ouvrir faute de base raisonnable pour le faire.
Effectuant une mission de plusieurs jours en Amérique latine devant également le conduire au Venezuela, autre pays faisant l'objet d'un examen préliminaire, c'est lors de sa visite en Colombie que le procureur Karim Khan a admis que « de véritables efforts ont été menés pour refermer la brèche de l'impunité ». Sur ce point, il a salué le bon fonctionnement du principe de complémentarité, constatant que des « milliers de personnes faisaient l'objet d'enquêtes » et donc que les institutions nationales « remplissaient leurs responsabilités constitutionnelles ». Dans la même veine, il a salué la résilience et la détermination dont ont fait preuve le Gouvernement colombien, les tribunaux ordinaires, les tribunaux relevant de la loi « Justice et paix », la Juridiction spéciale pour la paix (Jurisdicción Especial para la Paz – JEP), la société civile et le peuple colombien, afin que les responsabilités soient établies dans le cadre global du processus de paix.
Pour sa part, le président colombien, Iván Duque Márquez, s'est félicité de la reconnaissance de la « solidité institutionnelle » de son pays, proclamant que : « La Colombie a montré qu'ici il y a des jugements, des condamnations, de la réparation et surtout qu'il y a un effort très important en faveur de la vérité », autant d’avancées de nature à démentir un manque de volonté ou de capacité des autorités nationales à mener des enquêtes et des poursuites concernant les crimes internationaux en cause.
À cet égard, le procureur a tenu à mettre en exergue le fait qu'une évaluation de la complémentarité entre la CPI et les tribunaux nationaux ne peut ni ne doit être reportée indéfiniment, dans l’attente de l’application de l'ensemble des procédures nationales possibles. Au contraire, conformément au Statut et à la jurisprudence de la CPI, l’appréciation de la recevabilité doit être conduite sur la base des éléments factuels existants lesquels, en l’espèce, permettent de mettre un terme à l'examen préliminaire.
Cette décision, loin de signifier le désengagement de la CPI, marque le début d’une nouvelle étape en matière de soutien. Conformément à la notion de complémentarité positive, en vertu de laquelle la CPI a vocation à aider les systèmes nationaux dans leurs efforts d’administration de la justice, le contexte de la visite du procureur Karim Khan à Bogota a ainsi été l’occasion de signer un Accord de coopération inédit entre le Bureau du procureur et le gouvernement colombien.
Cet accord introduit une série d'engagements mutuels visant à garantir la poursuite du processus national de justice transitionnelle en Colombie. L’objectif crucial consiste, en effet, à pérenniser et déployer les progrès significatifs enregistrés par les instances judiciaires nationales et les organes chargés des poursuites, notamment la JEP.
Le rôle essentiel de cet organe de justice transitionnelle issu de l'Accord de paix signé en 2016 entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia - FARC) a été reconnu tant par le procureur, que le président colombien. Aussi, ce dernier s’est-il engagé à « veiller à ce que la JEP reçoive l'espace dont elle a besoin pour faire son travail » et à lui fournir un financement public sans ingérence politique.
La JEP devrait rendre ses premières sentences fin 2021 ou début 2022. Depuis 2017, ce tribunal spécial a inculpé d'anciens commandants des FARC pour l'enlèvement d'au moins 21.000 personnes et le recrutement de 18.000 mineurs, tandis que de hauts responsables militaires ont été inculpés pour les exécutions extrajudiciaires de plus de 6400 civils.
L'Accord signé entre la CPI et un État partie est le premier du genre dans l'histoire de la CPI. Contraignant et conclu pour une durée indéterminée, il rappelle que la primauté des autorités nationales n’est pas acquise définitivement, le Bureau du procureur pouvant être amené à revoir son évaluation de la complémentarité à la lumière de tout changement significatif de la situation nationale.
Parallèlement à la signature de cet Accord, le 29 octobre, le Conseil de sécurité a décidé, par sa Résolution 2603 (2021), adoptée à l’unanimité, de renouveler pour un an, jusqu’au 31 octobre 2022, le mandat de la Mission de vérification en Colombie, prenant acte de la lettre en date du 20 octobre 2021, que lui a adressée en ce sens le président colombien.
À l’instar des précédentes reconductions de ce mandat, le Conseil de sécurité s’est dit « disposé à coopérer avec le Gouvernement colombien en vue de la nouvelle reconduction du mandat de la Mission de vérification par voie d’accord ».
Prévue par la Résolution 2366 (2017), cette Mission de vérification a été créée à la demande du Gouvernement et de l’ancienne rébellion armée des FARC, afin de soutenir la mise en œuvre de l’Accord de paix de 2016. Par la suite, son mandat a été élargi par la Résolution 2574 (2021), adoptée pour qu’elle « s’assure du respect et de l’application des peines prononcées par la JEP ».
Pour sa part, le président colombien, Iván Duque Márquez, s'est félicité de la reconnaissance de la « solidité institutionnelle » de son pays, proclamant que : « La Colombie a montré qu'ici il y a des jugements, des condamnations, de la réparation et surtout qu'il y a un effort très important en faveur de la vérité », autant d’avancées de nature à démentir un manque de volonté ou de capacité des autorités nationales à mener des enquêtes et des poursuites concernant les crimes internationaux en cause.
À cet égard, le procureur a tenu à mettre en exergue le fait qu'une évaluation de la complémentarité entre la CPI et les tribunaux nationaux ne peut ni ne doit être reportée indéfiniment, dans l’attente de l’application de l'ensemble des procédures nationales possibles. Au contraire, conformément au Statut et à la jurisprudence de la CPI, l’appréciation de la recevabilité doit être conduite sur la base des éléments factuels existants lesquels, en l’espèce, permettent de mettre un terme à l'examen préliminaire.
Cette décision, loin de signifier le désengagement de la CPI, marque le début d’une nouvelle étape en matière de soutien. Conformément à la notion de complémentarité positive, en vertu de laquelle la CPI a vocation à aider les systèmes nationaux dans leurs efforts d’administration de la justice, le contexte de la visite du procureur Karim Khan à Bogota a ainsi été l’occasion de signer un Accord de coopération inédit entre le Bureau du procureur et le gouvernement colombien.
Cet accord introduit une série d'engagements mutuels visant à garantir la poursuite du processus national de justice transitionnelle en Colombie. L’objectif crucial consiste, en effet, à pérenniser et déployer les progrès significatifs enregistrés par les instances judiciaires nationales et les organes chargés des poursuites, notamment la JEP.
Le rôle essentiel de cet organe de justice transitionnelle issu de l'Accord de paix signé en 2016 entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia - FARC) a été reconnu tant par le procureur, que le président colombien. Aussi, ce dernier s’est-il engagé à « veiller à ce que la JEP reçoive l'espace dont elle a besoin pour faire son travail » et à lui fournir un financement public sans ingérence politique.
La JEP devrait rendre ses premières sentences fin 2021 ou début 2022. Depuis 2017, ce tribunal spécial a inculpé d'anciens commandants des FARC pour l'enlèvement d'au moins 21.000 personnes et le recrutement de 18.000 mineurs, tandis que de hauts responsables militaires ont été inculpés pour les exécutions extrajudiciaires de plus de 6400 civils.
L'Accord signé entre la CPI et un État partie est le premier du genre dans l'histoire de la CPI. Contraignant et conclu pour une durée indéterminée, il rappelle que la primauté des autorités nationales n’est pas acquise définitivement, le Bureau du procureur pouvant être amené à revoir son évaluation de la complémentarité à la lumière de tout changement significatif de la situation nationale.
Parallèlement à la signature de cet Accord, le 29 octobre, le Conseil de sécurité a décidé, par sa Résolution 2603 (2021), adoptée à l’unanimité, de renouveler pour un an, jusqu’au 31 octobre 2022, le mandat de la Mission de vérification en Colombie, prenant acte de la lettre en date du 20 octobre 2021, que lui a adressée en ce sens le président colombien.
À l’instar des précédentes reconductions de ce mandat, le Conseil de sécurité s’est dit « disposé à coopérer avec le Gouvernement colombien en vue de la nouvelle reconduction du mandat de la Mission de vérification par voie d’accord ».
Prévue par la Résolution 2366 (2017), cette Mission de vérification a été créée à la demande du Gouvernement et de l’ancienne rébellion armée des FARC, afin de soutenir la mise en œuvre de l’Accord de paix de 2016. Par la suite, son mandat a été élargi par la Résolution 2574 (2021), adoptée pour qu’elle « s’assure du respect et de l’application des peines prononcées par la JEP ».
Avec la clôture de cet examen préliminaire relative à la situation de la Colombie, c’est désormais celui concernant la situation en Guinée, débuté en octobre 2009 sur les crimes contre l'humanité prétendument commis dans le cadre du « massacre du 28 septembre » 2009 au stade de Conakry en Guinée, qui détient le record la longévité, soit 12 ans, alors qu’une interminable attente se poursuit au niveau national pour établir les responsabilités.
De gauche à droite : M. Camilo Gomez, Directeur de l'Agence nationale de défense juridique de l'État ; M. Francisco Barbosa, Procureur général, S.E. M. Iván Duque Márquez, Président de la Colombie ; M. Karim A.A. Khan QC, Procureur de la CPI ; M. Eduardo Cifuentes, Président de la Juridiction spéciale pour la paix ; S.E. M. Fernando Grillo, Ambassadeur de Colombie aux Pays-Bas - CPI
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