3 septembre 2022

ACTU : La crise du Traité de non-prolifération nucléaire se poursuit

Jean-Marie COLLIN

Du 1er au 26 août 2022 les 191 États parties au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) se sont réunis à New York, au siège des Nations Unies pour participer à la 10e Conférence d’examen (RevCon) de ce traité. Après quatre semaines de réunion, cette RevCon est un échec – le second après celui de 2015. La faute en revient à la Russie, mais les autres États dotés d’armes nucléaires – États-Unis, Russie, France, Chine, Royaume-Uni – en portent aussi la responsabilité.

Le projet de document final – considérablement affaibli tout au long des négociations – proposé à une adoption par consensus, le 26 août, a été rejeté officiellement par un seul État : la Russie. Les raisons invoquées sont dites « politiques ». Elles ne concernent spécifiquement 5 paragraphes de ce document, qui seraient rédigés, selon la Russie, avec un langage jugé trop favorable à l’Ukraine concernant ses frontières ou encore les installations nucléaires. Tel est le cas du paragraphe 50 par lequel : « La Conférence souligne l'importance primordiale d'assurer le contrôle par les autorités compétentes de l'Ukraine des installations nucléaires (...) telle que la centrale nucléaire de Zaporizhzya ». Une non-reconnaissance (logique) de l’actuelle mainmise des militaires russes sur cette centrale, qui ne fut donc pas au goût de Moscou.

Mais se limiter à cette vision officielle – seule la Russie ayant explicitement rejeté ce document – serait un manque d’analyse criant sur la réalité du TNP. Comme souligné dans ma tribune publiée le 2 septembre dans le journal L’Opinion, « depuis l’ouverture de la conférence du TNP, le 1er août, tous les États dotés d’armes nucléaires (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni), sans exception, n’ont cessé d’entacher la crédibilité de l’architecture de non-prolifération et de maîtrise des armements, en diminuant ou en expurgeant toute mesure sur le désarmement trop contraignante et radicale à leur goût ».

Par ailleurs, si l’on tente d’observer les aspects positifs ressortissant de ce mois de négociations, on doit mettre en avant le fait que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) a fait son « entrée » pour la première fois au sein d’une conférence du TNP.

D’une part, le Mexique (17 août), au nom des États membres du TIAN, a pris la parole pour souligner la compatibilité de ce traité avec le TNP et la volonté sans faille de ses États parties à se mobiliser jusqu’à ce « que le dernier État ait rejoint le TIAN, que la dernière ogive ait été démantelée et détruite de manière irréversible et que les armes nucléaires aient été totalement éliminées de la Terre ».

D’autre part, dans le cadre d’une prise de parole du Costa Rica (22 août), cosignée par 144 États, sur les conséquences humanitaires et environnementales des armes nucléaires, il a été réaffirmé le fait que les effets catastrophiques de la détonation d’une arme nucléaire, que ce soit par accident, par erreur de calcul ou à dessein, ne peuvent être traités de manière adéquate. Évidemment, l’OTAN, la Chine et la Russie ont refusé d’endosser ce texte.

Enfin, malgré un langage extrêmement pesé et formel, on doit remarquer l’inscription des termes suivants au paragraphe 127 du projet de document final du TNP : « La Conférence reconnaît que le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires a été adopté le 7 juillet 2017. Il a été ouvert à la signature par le Secrétaire général des Nations Unies le 20 septembre 2017, est entré en vigueur le 22 janvier 2021 et a tenu sa première réunion des États parties du 21 au 23 juin 2022 ».

La crise que vit le TNP n’est pas nouvelle. Elle est toutefois plus profonde et va certainement persister tant que les puissances nucléaires poursuivront ouvertement des programmes de modernisation et de renouvellement de leurs arsenaux nucléaires. Un nouveau cycle du TNP va s’ouvrir entre 2023 et 2026 avec en point de mire sa 11e conférence d’examen en mai 2026, à New York). Il ne tient qu'à ces puissances d’agir dans le bon sens, pour renforcer et assurer la pérennité de ce traité. Dans le cas contraire, la sécurité internationale en sera gravement affectée.












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