La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a été créée par un accord multilatéral entre 15 États de l'Afrique de l'Ouest ayant signé son Traité constitutif le 28 mai 1975. Conformément à l'article 3 dudit traité, la CEDEAO vise à « promouvoir la coopération et l'intégration dans la perspective d'une union économique de l'Afrique de l'Ouest en vue d'élever le niveau de vie de ses peuples, de maintenir et d'accroître la stabilité économique, de renforcer les relations entre les États membres et de contribuer au progrès et au développement du continent africain ». Toutefois presque 50 ans après sa naissance, l'organisation fait face à une crise existentielle. Par un communiqué du 28 janvier 2024, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé leur retrait « sans délai », invoquant notamment les attentes de leurs peuples, les sanctions « illégales et inhumaines et humiliantes » qui ont été prises à leur encontre, mais aussi l'instrumentalisation de l'instance par des forces étrangères.
La succession des coups d'États et les sanctions de la CEDEAO
L'Afrique de l'Ouest est confrontée notamment à une importante crise sécuritaire liée aux attaques fréquentes de groupes armées non identifiés à l'encontre de la population, essentiellement au Mali, au Niger et au Burkina-Faso, et ponctuellement dans les pays côtiers, comme au Bénin, au Togo, et en Côte d'Ivoire. Du fait de l'exacerbation des populations face au défi sécuritaire, les régimes politiques sont impactés par une instabilité conduisant à la prise du pouvoir par des militaires.
En effet, à la suite des coups d'État intervenus respectivement au Mali, au Burkina-Faso et plus récemment au Niger, un bras de fer s'est s’installé progressivement entre ces trois pays et les autres États membres de la CEDEAO. Les régimes militaires, rejettent les sanctions, tout comme les exigences de l'instance communautaire de les voir organiser des élections dans des délais brefs pour un retour à l'ordre constitutionnel, expliquant que la situation insécuritaire sur leurs territoires ne le permet pas et clamant leur légitimité du fait du soutien de leur population à leur égard. Inutile de dire qu'au sein de la CEDEAO, c’était plus un langage de sourds qu'une collaboration fructueuse. Face à cette situation, la question de la crédibilité de l'instance régionale est plus que jamais en jeu et l'un de ses défis importants, à savoir l'ancrage de son rôle politique, remis en question.
À la suite l’annonce des retraits des trois pays, la CEDEAO a réagi en affirmant attendre la notification officielle de ce retrait, tout en soulignant l'importance de ces États en tant que membres de la Communauté, ainsi que sa détermination à « trouver une solution négociée à cette impasse politique ». Les trois États n'ont d'ailleurs pas tardé à remettre leur notification à l'organisation sous-régionale.
Faut-il croire que l’insécurité fait planer une épée de Damoclès sur la CEDEAO, à l'image de ce qui s'est passé avec le G5 Sahel créé par une convention du 19 décembre 2014 entre le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad pour assurer la sécurité en luttant contre le terrorisme et dont la dissolution a été actée après les retraits du Mali en 2022, puis du Burkina-Faso et du Niger en 2023.
Les éventuelles conséquences des retraits
Contrairement au G5 Sahel, qui n'avait que cinq membres et moins de dix ans d'existence, la CEDEAO comporte 15 États. Forte de sa longévité, la CEDEAO a à son actif des acquis d'ordre économique, comme la libre circulation des biens et des personnes, dont la remise en cause ne semblerait pas favorable à l'ensemble de ces membres. En effet, les trois États fondateurs qui se retirent de l'organisation sous-régionale représentent un territoire de 2,75 millions de km2 sur les 6,1 millions de km2 de l'ensemble des États membres de l'organisation et une population de plus de 65 millions. Avec ces retraits la CEDEAO se retrouvera ainsi amputée d'une part importante de son poids et sera fragilisée sur les plans économique et social.
Si le Traité de la CEDEAO permet, en son article 91, le retrait d'un membre, il dispose toutefois que tout État désireux de se retirer doit le notifier par écrit dans un délai d'un an au Secrétaire exécutif et est tenu de se conformer à ses obligations pendant cette période. Reste à voir si ce délai amènera les États concernés à aller jusqu'au bout et l'organisation sous-régionale à revoir sa politique de gestion des crises.
Par ailleurs, il est à noter que le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont signé la Charte du Liptako-Gourma le 16 décembre 2023, posant les bases d'un nouvelle organisation dénommée l'Alliance des États du Sahel dont les objectifs sont, entre autres, de mettre en place un système de défense collective et d'assistance mutuelle et de lutter contre le terrorisme et la criminalité en bande organisée dans l'espace commun de cette nouvelle alliance.
Par ailleurs, il est à noter que le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont signé la Charte du Liptako-Gourma le 16 décembre 2023, posant les bases d'un nouvelle organisation dénommée l'Alliance des États du Sahel dont les objectifs sont, entre autres, de mettre en place un système de défense collective et d'assistance mutuelle et de lutter contre le terrorisme et la criminalité en bande organisée dans l'espace commun de cette nouvelle alliance.
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