29 avril 2013

OUVRAGE : V.J.M. Tassin, Les défis de l’extension du plateau continental. La consécration d’un nouveau rapport de l’Etat à son territoire

Catherine MAIA
L’extension du plateau continental est au cœur de l’actualité. Avec près de 105 revendications déposées auprès de la Commission des limites du plateau continental en juin 2012, l’extension intéresse les Etats, parties ou non à la Convention de Montégo Bay. L’intérêt assez soudain que ces derniers ont porté depuis 2001 à la partie du plateau continental au-delà de 200 milles marins offre une opportunité unique de se pencher sur l’impact de cette extension au sein du nouveau droit de la mer, sous l’angle plus particulier de l’obsession territoriale qui anime les Etats.

L’apparition et l’évolution du plateau continental et de son extension au sein du droit de la mer représentent une avancée importante dans la perception de l’espace marin et de son encadrement afférent. Motivés par des considérations économiques et politiques, les Etats côtiers mènent une course à l’extension du plateau continental. Mais cette dernière, leurrée par les promesses incertaines de la richesse des fonds marins convoités, n’est pas guidée par les seuls intérêts égoïstes nationaux. Elle mêle habilement l’articulation de l’intérêt commun et de l’intérêt spécial des Etats, corrigeant le régime du plateau continental qui apparaît originellement comme profondément discriminatoire, géographiquement et financièrement.


La création de la zone du plateau continental étendu par le nouveau droit de la mer opère un bouleversement important dans l’équilibre du régime juridique du plateau continental. D’un plateau continental unique aux limites incertaines, le plateau continental est désormais divisé en deux, s’étendant en deçà et au-delà de 200 milles marins. Cette distinction crée une césure qui met en question le rapport entre la procédure d’extension du plateau continental et les droits de l’Etat côtier, consacrés comme ipso facto et ab initio. La nouvelle définition du plateau continental et l’insertion du principe de prolongement naturel du territoire terrestre permettent ainsi de révéler le lien juridique existant entre l’Etat et cette zone sous-marine ipso jure. Ce lien n’est pas celui des ressources, mais bien celui du territoire, révélant au grand jour le plateau continental comme un territoire accessoire de l’Etat côtier.

Au cœur de la mise en œuvre de la procédure d’extension, la Commission des limites du plateau continental s’est vue confier un rôle inédit et essentiel à la bonne conduite de la procédure d’extension est cependant difficile. Sa mission se heurte cependant à la fois au pouvoir très sauvegardé de l’Etat côtier dans la définition des limites de son territoire, mais aussi aux limites de son propre mandat. La participation volontaire des Etats au sein de cette procédure d’extension démontre la symbolique et le rôle de cette procédure de définition au sein du droit de la mer. La limite extérieure du plateau continental n’est pas seulement une définition d’une simple limite unilatérale, elle se révèle être une opération multilatérale et le laboratoire préparant l’établissement d’une frontière émergente. Cette frontière est d’autant plus importante qu’elle est d’une nature inédite. Elle oppose pour la première fois l’intérêt de l’Etat côtier à celui de l’humanité représenté par l’Autorité internationale des fonds marins, garante du patrimoine commun de l’humanité. 

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The extension of the continental shelf holds the attention of the whole International Community. With nearly 105 claims lodged to the Commission on the Limits of the Continental Shelf in June 2012, the extension interests States that are parties to the LOS Convention as well as States that are not. The rather sudden interest that States have shown since 2001 in the portion of the continental shelf beyond 200 nautical miles offers a unique opportunity to study the impact of this extension in the New Law of the Sea from the perspective of the territorial obsession that drives States.

The creation and evolution of the continental shelf and the area of the extended continental shelf in the Law of the Sea are important steps in the perception and management of the ocean space. Motivated by economic and political considerations, coastal States undertake a race to the extension of the continental shelf. But this race, lured by promises of seabed richness that are though uncertain, is not guided solely by selfish national interests. It cleverly mixes the articulation of the common interest and the special interest of States, correcting the continental shelf legal regime, which originally appears to be highly discriminatory, geographically and financially. 

The establishment of the continental shelf and its extension by the New Law of the Sea also effect a profound change in the balance of its legal regime. From a single uncertain continental shelf boundary in 1958, the continental shelf is now divided into two zones, extending below and beyond 200 nautical miles. This distinction creates a duality of legal regime questioning the relationship between the procedure of extension and the sovereign rights of the coastal State, enshrined as ipso facto and ab initio. The new definition of the continental shelf and the incorporation of the principle of natural prolongation of the land territory reveal the legal relationship between the State and its shelf. This link is not one of resources, but of territory, revealing publicly the continental shelf as an accessory territory of the coastal State.  

A new type of institution is at the heart of the extension procedure: the Commission on the Limits of the Continental Shelf. Its innovative role is essential to the proper conduct of the extension procedure, but its role is difficult. It faces the strong and safeguarded power of the coastal State in the definition of its territorial limits, as well as the limitations of its own mandate erecting major barriers in its power to interpret. The significant voluntary participation of States in this extension procedure further demonstrates the symbolism and the role of this definition of the outer limit of the continental shelf within the Law of the Sea. This limit is not solely a definition of a unilateral limit, it appears to be a multilateral platform encouraging the dialogue between States and the laboratory preparing the drawing of an emerging border. This boundary is unprecedented in nature, since for the first time the national state interest is confronting the interest of Humanity represented by the International Seabed Authority, in charge of the common heritage of mankind.


TABLE DES MATIERES

Préface de J-M. Sorel / Preface of S.B. Kaye
Remerciements
Sommaire
Introduction

Titre 1 – Le renouveau de l’intérêt des Etats : la course à l’extension du plateau continental
Chapitre 1 – De la liberté à l’appropriation des espaces maritimes
Chapitre 2 – Les raisons économiques de l’extension : un accès privilégié aux ressources naturelles
Chapitre 3 – Les raisons politiques de l’extension : un contrôle élargi
Titre 2 – Le plateau continental étendu : une conception nouvelle du territoire en droit de la mer
Chapitre 1 – Les faiblesses inhérentes au régime du plateau continental
Chapitre 2 – Le plateau continental étendu comme consécration d’un nouveau type de territoire

Titre 3 – Le tracé de la dernière frontière du territoire de l’Etat : une procédure incomplète 
Chapitre 1 La Commission des limites du plateau continental : clef de voûte fragile de la procédure d’extension
Chapitre 2  Le plateau continental étendu comme dernière frontière du territoire de l’Etat côtier

Conclusion
Cartes
Annexes


Virginie J.M. TASSIN, Les défis de l’extension du plateau continental. La consécration d’un nouveau rapport de l’Etat à son territoire, préfaces de S.B. Kaye et J-M. Sorel, Paris, Pedone, 2013 (494 pp.)

Virginie J.M. Tassin est docteur en droit de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et de l'Université de Melbourne.

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