Mamadou HÉBIÉ
Sur plus de 700 pages finement travaillées, Mamadou Hébié décrit l'histoire des relations juridiques entre les puissances européennes et les entités politiques locales durant l'expansion coloniale. L'auteur a produit une contribution majeure à l'étude de l'établissement de la souveraineté territoriale, de l'histoire du droit international et du droit des traités. Si le sujet restait jusqu'alors obscur, les quelques travaux qui lui étaient consacrés laissaient transparaître des présupposés influencés par une conception ethnocentrique du droit et des relations internationales. Ce sont ces idées reçues sur le cadre juridique de la colonisation que ce livre amène à remettre en question.
Pour offrir ce voyage dans les coulisses de l'histoire, Mamadou Hébié a analysé des centaines de documents établis à partir du XVe siècle. Ce travail colossal dévoile l'importance des termes des accords conclus entre les représentants des puissances coloniales et les chefs locaux pour déterminer leurs effets juridiques et leur rôle dans le processus de l'expansion coloniale européenne. Évitant les jugements de valeur sur cette expansion, l'auteur démontre que les puissances coloniales reconnaissaient aux entités politiques locales la capacité de conclure des traités ainsi que leurs droits de souveraineté territoriale et de propriété. Ce faisant, il permet de sortir du slogan anticolonial facile et non étayé. En effet, on ne saurait parler de mauvaise foi des puissances coloniales, de non-respect de l'engagement pris, voire de la nullité ou de l'extinction des accords passés, sans avoir préalablement établi qu'il s'agissait d'accords régis par le droit international.
TABLE DES MATIERES
Introduction générale
Partie I
De la personnalité juridique des entités politiques locales
De la personnalité juridique des entités politiques locales
du Moyen Âge au XIXe siècle
Chapitre I : Le droit médiéval chrétien relatif à la personnalité juridique et aux droits territoriaux des Infidèles
Chapitre II : Les premiers auteurs de la science du droit international et la personnalité juridique des entités politiques locales
Chapitre III : La personnalité juridique des entités politiques locales dans la pratique coloniale de la seconde moitié du XVIe siècle au XIXe siècle
Partie II
De la personnalité juridique internationale
De la personnalité juridique internationale
des entités politiques africaines au XIXe siècle
Chapitre IV : Les relations entre les puissances coloniales et les entités politiques locales dans la doctrine du XIXe siècle
Chapitre V : La personnalité juridique des entités politiques africaines dans la pratique coloniale du XIXe siècle
Partie III
Du régime juridique applicable aux accords conclus
Du régime juridique applicable aux accords conclus
entre les puissances coloniales et les entités politiques locales
Chapitre VI : Les accords conclus entre les puissances coloniales et les entités politiques locales sous l’angle du droit des traitésConclusion générale
Chapitre VII : Les accords conclus avec les entités politiques locales comme moyens d’acquisition de la souveraineté territoriale
Bibliographie
Index des mots-clés
Indes des éléments de pratique coloniale
Index des pièces écrites et plaidoiries dans les différends territoriaux
Mamadou HÉBIÉ, Souveraineté territoriale par traité, préface de Marcelo G. Kohen, Paris, PUF, 2015 (708 pp.)
Mamadou Hébié est lecturer au Geneva LL.M. in International Dispute Settlement et professeur invité à l'Université catholique de Lille. Titulaire du doctorat en droit international et du diplôme d'études avancées en relations internationales - spécialisation en droit international, de l'Institut de hautes études internationales et du développement, il est également diplômé de la Harvard Law School, de l'Académie de droit international de La Haye, de l'Institut international des droits de l'homme et de l'Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève. Il a été conseiller de la République argentine dans l'affaire de l'ARA Libertad.
Préface de Marcelo G. Kohen (extrait)
Nous sommes bel et bien
devant l’une des contributions majeures à l’étude de l’établissement de la
souveraineté territoriale et à l’histoire du droit international. Il s’agit de
l’ouvrage de référence en la matière. M. Hébié s’est fixé comme objectif
d’éclaircir l’état du droit positif quant à la portée des accords conclus par
les puissances coloniales et les entités locales aux époques de l’extension de
la souveraineté européenne outre-mer. Il a largement atteint son but. En sus de
la monumentale recherche de sources primaires et de la doctrine des époques
examinées, ce que l’auteur fit dans leur langue originale, on trouve dans cet
ouvrage un dépouillement rigoureux et détaillé de la jurisprudence qui s’est
penchée sur la question, ainsi que des écrits et plaidoiries des parties ayant
discuté des situations concrètes relatives à l’objet de la thèse.
L’ouvrage est divisé en trois parties. La première partie a trait à la personnalité juridique des entités locales dans la période allant du XVe au début du XIXe siècle. La deuxième partie est consacrée à l’Afrique au XIXe siècle. La troisième partie expose le régime juridique applicable aux accords conclus sous les deux angles juridiques pertinents : le droit des traités et les modes d’établissement de la souveraineté territoriale. Cette construction apparaît justifiée, compte tenu de l’évolution du droit international et de la pratique durant les périodes distinguées. La présentation est soignée. La bibliographie, bien structurée, reflète l’immense travail accompli. Les chercheurs qui poursuivront la réflexion dans le domaine sauront gré à M. Hébié d’avoir mis à leur disposition une telle référence bibliographique et documentaire.
L’auteur a fait une analyse exhaustive de la pratique et de la doctrine du XVe au XIXe siècle. Il ne s’est contenté ni d’une lecture isolée et décontextualisée des instruments pertinents, ni d’une lecture de la doctrine qui donnerait pour acquis ce que les auteurs expriment. M. Hébié place les textes dans le contexte de la pratique concrète.
Plutôt que de s’adonner à un discours idéologique ou d’essayer d’inventer un système juridique qui n’a jamais existé, l’auteur part d’une réalité concrète : le fait colonial s’est imposé, c’est le droit essentiellement sécrété par les puissances coloniales qui est devenu le droit international. Ceci est un constat – même banal – et non un jugement de valeur. Dans la thèse de M. Hébié, il n’y a pas une validation juridique quelconque du phénomène colonial. La question n’est pas de savoir s’il aurait mieux valu que le colonialisme n’existe pas ou si le droit international aurait pu se construire autrement. Or, tout en étant une étude du droit positif, cette thèse n’est nullement neutre au point de vue du jugement de valeur du comportement des deux groupes de sujets qui s’affrontent tout au long du texte. Par ailleurs, une prétendue neutralité ne saurait l’être que de façade dans ce domaine comme dans bien d’autres. Par contre, il prend les puissances coloniales au mot. En démontrant de manière stricte que les puissances coloniales reconnaissaient une personnalité juridique aux entités locales, qu’elles ne s’attribuaient pas un droit absolu d’occupation ni même de conquête (c’est-à-dire, sans tenir compte des exigences du droit positif en vue de leur accomplissement), qu’elles se considéraient elles-mêmes comme détentrices d’un titre dérivé lorsque l’entité locale transférait par accord la souveraineté ou d’autres titres territoriaux ou que la puissance coloniale l’acquérait par voie de conquête, l’ouvrage de M. Hébié ouvre la voie pour pouvoir sortir du slogan anticolonial facile soutenu par aucune démonstration. En effet, comment pourrait-on parler de mauvaise foi des puissances coloniales, de non-respect de l’engagement pris, voire même de la nullité ou de l’extinction des accords passés, sans préalablement avoir démontré qu’il s’agissait d’accords régis par le droit international ?
M. Hébié n’ignore nullement les méfaits du colonialisme ou que les conséquences de ce phénomène de domination persistent encore aujourd’hui dans des continents comme le sien. Il laisse au lecteur le soin de tirer sa propre conclusion à cet égard. Conclusion qui, avec la démonstration de M. Hébié, ne peut que tomber comme un fruit mûr. Je suis particulièrement heureux qu’il ait su cadrer sa réflexion là où le besoin se faisait sentir, rétablissant, avec une rigueur et une honnêteté intellectuelles dignes d’éloge, une vérité historique qui avait été escamotée. La science en la matière – au sens poppérien du terme – est désormais constituée par l’ouvrage de Mamadou Hébié.
L’ouvrage est divisé en trois parties. La première partie a trait à la personnalité juridique des entités locales dans la période allant du XVe au début du XIXe siècle. La deuxième partie est consacrée à l’Afrique au XIXe siècle. La troisième partie expose le régime juridique applicable aux accords conclus sous les deux angles juridiques pertinents : le droit des traités et les modes d’établissement de la souveraineté territoriale. Cette construction apparaît justifiée, compte tenu de l’évolution du droit international et de la pratique durant les périodes distinguées. La présentation est soignée. La bibliographie, bien structurée, reflète l’immense travail accompli. Les chercheurs qui poursuivront la réflexion dans le domaine sauront gré à M. Hébié d’avoir mis à leur disposition une telle référence bibliographique et documentaire.
L’auteur a fait une analyse exhaustive de la pratique et de la doctrine du XVe au XIXe siècle. Il ne s’est contenté ni d’une lecture isolée et décontextualisée des instruments pertinents, ni d’une lecture de la doctrine qui donnerait pour acquis ce que les auteurs expriment. M. Hébié place les textes dans le contexte de la pratique concrète.
Plutôt que de s’adonner à un discours idéologique ou d’essayer d’inventer un système juridique qui n’a jamais existé, l’auteur part d’une réalité concrète : le fait colonial s’est imposé, c’est le droit essentiellement sécrété par les puissances coloniales qui est devenu le droit international. Ceci est un constat – même banal – et non un jugement de valeur. Dans la thèse de M. Hébié, il n’y a pas une validation juridique quelconque du phénomène colonial. La question n’est pas de savoir s’il aurait mieux valu que le colonialisme n’existe pas ou si le droit international aurait pu se construire autrement. Or, tout en étant une étude du droit positif, cette thèse n’est nullement neutre au point de vue du jugement de valeur du comportement des deux groupes de sujets qui s’affrontent tout au long du texte. Par ailleurs, une prétendue neutralité ne saurait l’être que de façade dans ce domaine comme dans bien d’autres. Par contre, il prend les puissances coloniales au mot. En démontrant de manière stricte que les puissances coloniales reconnaissaient une personnalité juridique aux entités locales, qu’elles ne s’attribuaient pas un droit absolu d’occupation ni même de conquête (c’est-à-dire, sans tenir compte des exigences du droit positif en vue de leur accomplissement), qu’elles se considéraient elles-mêmes comme détentrices d’un titre dérivé lorsque l’entité locale transférait par accord la souveraineté ou d’autres titres territoriaux ou que la puissance coloniale l’acquérait par voie de conquête, l’ouvrage de M. Hébié ouvre la voie pour pouvoir sortir du slogan anticolonial facile soutenu par aucune démonstration. En effet, comment pourrait-on parler de mauvaise foi des puissances coloniales, de non-respect de l’engagement pris, voire même de la nullité ou de l’extinction des accords passés, sans préalablement avoir démontré qu’il s’agissait d’accords régis par le droit international ?
M. Hébié n’ignore nullement les méfaits du colonialisme ou que les conséquences de ce phénomène de domination persistent encore aujourd’hui dans des continents comme le sien. Il laisse au lecteur le soin de tirer sa propre conclusion à cet égard. Conclusion qui, avec la démonstration de M. Hébié, ne peut que tomber comme un fruit mûr. Je suis particulièrement heureux qu’il ait su cadrer sa réflexion là où le besoin se faisait sentir, rétablissant, avec une rigueur et une honnêteté intellectuelles dignes d’éloge, une vérité historique qui avait été escamotée. La science en la matière – au sens poppérien du terme – est désormais constituée par l’ouvrage de Mamadou Hébié.
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