2 avril 2015

NOTE : Le Yémen, l'Iran et l’Arabie saoudite ou la guerre par pays interposés

Mohammed SOLIMANI

Au Yémen, l'entrée des forces du président Ali Abdullah Saleh dans la base aérienne "Al-End" près d'Aden, en 1994, avait conduit à la fin de la guerre de sécession. Aujourd’hui, cette même base – devenue le dernier bastion de protection pour l’actuel président yéménite Abed Rabbo Mansour Hadi – marque la fin d’une période, et le début d’une nouvelle ère yéménite houthi à domination chiite.

Le président Hadi a quitté son siège d’Aden ; il est sans doute sur le chemin vers l'Arabie saoudite, pays frontalier du Yémen, pour y trouver refuge. Il est clair que les Houthis (milice rebelle chiite) et les forces pro-Saleh (l’ancien président), qui ont déjà conquis des pans entiers de territoire yéménite, progressent vers la ville d'Aden sans véritable résistance, alors que le ministre de la Défense lui-même, Mahmoud Subaihi, a été arrêté par les forces houthis.

Le reste de l'armée yéménite fidèle au président Hadi s'est effondrée, et n'a plus aucune intention réelle de fermeté, ce qui explique la progression rapide des Houthis et de leurs partisans dans le sud du pays et leur contrôle du port "Moka" donnant sur le détroit Bab-al-Mandeb à l'ouest de la ville de Taiz, puis de Lahij, et leur accès à la périphérie d'Aden, la capitale temporaire de l’actuel président yéménite. 

Ce scénario était prévisible depuis que les États-Unis ont décidé de retirer leurs troupes et leurs conseillers militaires de la base aérienne "Al-End", convaincus que cette base était fragile et allait tomber aux mains de la coalition "Houthis et Salah" à tout moment. Ce qui se passe actuellement démontre très clairement la fiabilité de la prévision américaine en la matière.

La menace d’une intervention militaire via les pays du Golfe avec la participation de l’Egypte, évoquée il y a quelques jours par le ministre saoudien des Affaires étrangères, Ryad Yassine, lors d'une conférence de presse avec son homologue britannique, Philip Hammond, semble venir tardivement, parce que les règles du jeu sur le terrain des champs de bataille ont changé et, de ce fait, l'envoi de troupes ou l'utilisation de la force par l’armée saoudienne peut être sans intérêt réel.

S'il est difficile de prédire sur quoi déboucheront les événements actuels qui évoluent à un rythme accéléré sans précédent, il est possible de dire qu'il y a un sentiment de choc parmi la plupart des Yéménites touchés par la faim, la pauvreté, les protestations et l’instabilité.

Face à cette situation yéménite, l'Arabie saoudite et les États du Golfe ont plusieurs options. Premièrement, envoyer  les forces armées égyptiennes et celles du Golfe et intervenir militairement pour empêcher la chute de Bab el Mandeb aux mains de la nouvelle coalition loyale à l’Iran. Deuxièmement, apporter un appui  financier et militaire aux tribus hostiles aux Houthis et former des milices pour vaincre Al-Houthi ou, du moins, déstabiliser les zones contrôlées par ces derniers. Troisièmement, soutenir, pour des raisons purement sectaires et confessionnelles, "l’État islamique" et Al-Qaïda, deux forces militantes capables de déstabiliser l'Alliance Huthi, si l'on juge l'action de ces organisations en Syrie et en Irak.

La première et la troisième option sont à exclure pour le moment. La troisième option serait un prélude à la guerre, un drain à long terme dans un pays sauvage, montagneux et hostile aux interventions étrangères. L'Arabie saoudite et les États du Golfe se retrouveraient avec l'Égypte, et contre leur gré, à lutter contre les Houthis dans le même camp avec Al-Qaïda et Daech, deux organisations combattues en Irak, en Syrie, au Sinaï et en Libye. 

Reste à savoir si, dans l'optique de la première option, les armées égyptiennes et saoudiennes sont bien préparées pour une "guerre des gangs" montagneuse ? La réponse est sûrement négative. L'expérience de l'armée égyptienne dans des guérillas et dans des zones de plaines ouvertes telles que le désert du Sinaï n’est pas heureuse. Quant à l'armée saoudienne, force est de constater qu’elle n’est pas extrêmement expérimentée dans la guérilla : son unique intervention a été au Bahreïn et même la guerre contre les Houthis il y a quelques années a été caractérisée par le recours exclusif aux bombardements aériens.

La deuxième option reste la plus probable, à savoir un soutien accru, sous toutes les formes, aux milices tribales et sectaires, principalement sunnites, pour lutter contre les Houthis. Mais la question qui mérite d’être posée concernant cette option est l'efficacité d'un tel soutien, si l'on apprécie en particulier le soutien apporté en Syrie aux opposants de Bachar el-Assad au cours des quatre dernières années en vue de renverser le régime. 

Dans le contexte actuel, nous n’excluons pas prochainement la transmission d'une guerre par procuration entre l'Iran et l'Arabie saoudite au Yémen, l'Arabie saoudite se battant désormais non pas loin de ses frontières comme en Syrie, mais au sud de son territoire.

Comment résoudre cette équation à la fois complexe et dangereuse ? La réponse est délicate. Nous sommes au "Moyen-Orient", zone où vous ne pouvez exclure quoi que ce soit, ou prédire quoi que ce soit, où toutes les possibilités, mais aussi les alliances, même temporaires, sont envisageables et probables ! 

 Map of yemen

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