Mohammed SOLIMANI
Au Yémen, l'entrée des forces
du président Ali Abdullah Saleh dans la base aérienne "Al-End" près
d'Aden, en 1994, avait conduit à la fin de la guerre de sécession.
Aujourd’hui, cette même base – devenue le dernier bastion de
protection pour l’actuel président yéménite Abed Rabbo
Mansour Hadi – marque la fin d’une période, et le début d’une nouvelle
ère yéménite houthi à domination chiite.
Le reste de l'armée yéménite
fidèle au président Hadi s'est effondrée, et n'a plus aucune intention réelle
de fermeté, ce qui explique la progression rapide des Houthis et de leurs
partisans dans le sud du pays et leur contrôle du port "Moka" donnant
sur le détroit Bab-al-Mandeb à l'ouest de la ville de Taiz, puis de Lahij, et
leur accès à la périphérie d'Aden, la capitale temporaire de l’actuel président
yéménite.
Ce scénario était prévisible
depuis que les États-Unis ont décidé de retirer leurs troupes et leurs
conseillers militaires de la base aérienne "Al-End", convaincus que
cette base était fragile et allait tomber aux mains de la coalition
"Houthis et Salah" à tout moment. Ce qui se passe actuellement
démontre très clairement la fiabilité de la prévision américaine en la matière.
La menace d’une intervention
militaire via les pays du Golfe avec la participation de l’Egypte,
évoquée il y a quelques jours par le ministre saoudien des Affaires
étrangères, Ryad Yassine, lors
d'une conférence de presse avec son homologue britannique, Philip
Hammond, semble venir tardivement, parce que les règles du jeu sur le terrain
des champs de bataille ont changé et, de ce fait, l'envoi de troupes ou
l'utilisation de la force par l’armée saoudienne peut être sans intérêt réel.
S'il est difficile de prédire
sur quoi déboucheront les événements actuels qui évoluent à un rythme accéléré
sans précédent, il est possible de dire qu'il y a un sentiment de choc parmi la
plupart des Yéménites touchés par la faim, la pauvreté, les protestations et
l’instabilité.
Face à cette situation
yéménite, l'Arabie saoudite et les États du Golfe ont plusieurs options.
Premièrement, envoyer les forces armées égyptiennes et celles du Golfe et
intervenir militairement pour empêcher la chute de Bab el Mandeb aux mains de
la nouvelle coalition loyale à l’Iran. Deuxièmement, apporter un
appui financier et militaire aux tribus hostiles aux Houthis et former
des milices pour vaincre Al-Houthi ou, du moins, déstabiliser les zones
contrôlées par ces derniers. Troisièmement, soutenir, pour des
raisons purement sectaires et confessionnelles, "l’État
islamique" et Al-Qaïda, deux forces militantes capables de déstabiliser
l'Alliance Huthi, si l'on juge l'action de ces organisations en Syrie et en
Irak.
La première et la troisième
option sont à exclure pour le moment. La troisième option serait un prélude à
la guerre, un drain à long terme dans un pays sauvage, montagneux et hostile
aux interventions étrangères. L'Arabie saoudite et les États du Golfe
se retrouveraient avec l'Égypte, et contre leur gré, à lutter contre les
Houthis dans le même camp avec Al-Qaïda et Daech, deux organisations combattues
en Irak, en Syrie, au Sinaï et en Libye.
Reste à savoir si, dans
l'optique de la première option, les armées égyptiennes et saoudiennes sont
bien préparées pour une "guerre des gangs" montagneuse ? La réponse
est sûrement négative. L'expérience de l'armée égyptienne dans des guérillas et
dans des zones de plaines ouvertes telles que le désert du Sinaï n’est pas
heureuse. Quant à l'armée saoudienne, force est de constater qu’elle n’est pas
extrêmement expérimentée dans la guérilla : son unique intervention a été au
Bahreïn et même la guerre contre les Houthis il y a quelques années a été
caractérisée par le recours exclusif aux bombardements aériens.
La deuxième option reste la
plus probable, à savoir un soutien accru, sous toutes les formes, aux milices
tribales et sectaires, principalement sunnites, pour lutter contre les Houthis.
Mais la question qui mérite d’être posée concernant cette option est
l'efficacité d'un tel soutien, si l'on apprécie en particulier le soutien
apporté en Syrie aux opposants de Bachar el-Assad au cours des quatre dernières
années en vue de renverser le régime.
Dans le contexte actuel, nous
n’excluons pas prochainement la transmission d'une guerre par procuration entre
l'Iran et l'Arabie saoudite au Yémen, l'Arabie saoudite se battant désormais
non pas loin de ses frontières comme en Syrie, mais au sud de son territoire.
Comment
résoudre cette équation à la fois complexe et dangereuse ? La réponse est
délicate. Nous sommes au "Moyen-Orient", zone où vous ne pouvez
exclure quoi que ce soit, ou prédire quoi que ce soit, où toutes les
possibilités, mais aussi les alliances, même temporaires, sont envisageables et
probables !
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