30 juillet 2015

ACTU : Le Conseil de sécurité échoue à créer un tribunal spécial pour poursuivre les responsables de la destruction du vol MH17 en Ukraine

Catherine MAIA

Un peu plus d'un an après l'incident survenu dans la province ukrainienne de Donetsk, au cours duquel 298 passagers, dont 196 Néerlandais, avaient trouvé la mort à bord de l'appareil de la compagnie Malaysia Airlines, la Fédération de Russie a bloqué le projet de résolution présenté au Conseil par la Malaisie sur les suites à donner à cette catastrophe.

Le 29 juillet, le Conseil de sécurité a ainsi, en raison du véto de l'un de ses membres permanents, rejeté un projet de résolution visant à créer un tribunal international pour juger les responsables de la destruction du vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines, abattu en juillet 2014, dans l’est de l’Ukraine. 

Le projet de résolution rappelait notamment que le rapport préliminaire sur les causes de l'accident rédigé par le Bureau néerlandais de la sûreté indique que « l'aéronef a été détruit par un grand nombre d'objets dotés d'une énergie cinétique importante qui ont pénétré l'aéronef depuis l'extérieur ». Suite à ce rapport préliminaire, une enquête technique internationale chargée de faire la lumière sur les causes de l'accident avait été créée, de même qu'en décembre 2014, une enquête pénale internationale indépendante dont l'objectif est de traduire les auteurs en justice. Le projet de résolution demandait ainsi à tous les Etats et acteurs de la région de coopérer pleinement à la réalisation des deux enquêtes.

Outre la Fédération de Russie, qui a voté contre le projet de résolution, l’Angola, la Chine et le Venezuela se sont abstenus. Le texte avait, par ailleurs, recueilli les votes favorables de 11 délégations.

Avant le vote, le ministre des transports de la Malaisie, M. Liow Tiong Lai, qui a présenté le texte de résolution, a déclaré que la communauté internationale avait été « choquée » par l’accident du MH17. Le Conseil de sécurité a réagi avec une rapidité exemplaire en adoptant la Résolution 2166 (2014) et en demandant que les responsables soient jugés. L’enquête mixte a été appuyée par de nombreux pays, y compris par la Fédération de Russie, l’Ukraine et les Pays-Bas.

Selon lui, il est temps que le Conseil prenne les mesures qui s’imposent contre les responsables de l’accident du MH17 et envoie un signal clair aux groupes non étatiques que les attaques contre les aéronefs sont inadmissibles. Il a ajouté qu’un tribunal spécial serait le mieux placé pour rendre justice aux familles des victimes. Le statut du tribunal permettra de veiller sur l’indépendance des juges. Les familles des victimes n’attendent pas moins de nous, a-t-il conclu.

Après le vote, le ministre des transports de la Malaisie s’est dit très déçu de cet échec qu’il a qualifié de « pas en arrière et de message confus aux familles des 298 victimes par rapport à la Résolution 2166 (2014) ».

Plusieurs délégations ont estimé que ce véto russe envoyait un message dangereux d’impunité et constituait une menace à la sûreté de l’aviation civile.

La ministre des affaires étrangères de l’Australie, Mme Julie Bishop, qui a perdu 39 de ses compatriotes dans la catastrophe, a prévenu que « les responsables ne pourront se cacher derrière le véto russe et ne pourront pas échapper à la justice ». À l’instar des représentants des États-Unis et du Royaume-Uni, elle a estimé que ce véto représentait un affront à la mémoire de l’ensemble des 298 victimes et à leurs familles.

Le ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas, M. Bert Koenders, a également exprimé sa profonde déception par le recours au droit de véto en expliquant que son pays ne cesserait jamais de rechercher la justice pour les 196 victimes néerlandaises de cette catastrophe.

« Lorsque l’on a peur de la vérité, on se retrouve isolé, y compris au sein de ce Conseil », a lancé à la Fédération de Russie, son homologue ukrainien, M. Pavlo Klimkin.

Expliquant son vote, le représentant russe a estimé que ce projet de tribunal était « prématuré, mal pensé et non fondé sur le plan juridique », alors que toutes les opportunités de la Résolution 2166 n’ont pas été exploitées. Il s’est, par ailleurs, demandé comment un tel tribunal résisterait aux pressions de ceux qui semblent avoir désigné par avance les coupables.

Le délégué de la Fédération de Russie a regretté que la proposition de son pays de créer un poste de représentant spécial du Secrétaire général, qui, selon lui, aurait pu contribuer à une véritable enquête internationale transparente, n’ait pas été entendue, qualifiant par ailleurs d’« indignes d’un diplomate » les propos tenus par le ministre ukrainien.

« Si nous comprenons les sentiments des coauteurs de ce projet de résolution et sommes conscients de la douleur des familles des victimes, nous regrettons que le Conseil de sécurité n’ait pas été en mesure de s’entendre sur un projet de consensus qui aurait permis d’avancer de la manière la plus opportune pour rechercher la vérité », a expliqué, pour sa part, le représentant de la Chine pour expliquer l’abstention de sa délégation.

Le texte du projet de résolution soumis au Conseil de sécurité constatait que « cet acte de violence et ses conséquences pour la sécurité de l’aviation civile constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales », et suggérait que le fonctionnement et la compétence du tribunal pénal international ainsi créé agirait au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

À cet égard, les représentants de l’Angola et du Venezuela ont expliqué leurs abstentions par la référence inappropriée, à leurs yeux, au chapitre VII. « La qualification de menace à la paix et la sécurité internationales rend politique le traitement du dossier alors que nous sommes encore à une phase technique », a regretté le délégué vénézuélien, avant de rappeler que les responsables de l’attentat de 1976 contre le vol 455 de la compagnie Cubana Airlines, qui avait fait 73 morts, n’avaient jamais été poursuivis. 

Tout en notant que le vote du 29 juillet marquait un grave échec pour le Conseil de sécurité, le représentant de la France a estimé que le rejet de ce projet de résolution n’abrogeait pas la Résolution 2166 (2014), qui appelle à l’élucidation du drame, à l’établissement des responsabilités et à l’exigence de justice. Aussi, l'enquête internationale se poursuivra-t-elle et devrait rendre ses conclusions prochainement.


Source : ONU

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