La Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu le 24 septembre 2015 son arrêt sur l’exception préliminaire soulevée par le Chili en l’affaire relative à l’Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili).
Dans son arrêt, qui est définitif et sans recours, la Cour
1) rejette, par quatorze voix contre deux, l’exception préliminaire soulevée par la République du Chili ;
2) dit, par quatorze voix contre deux, qu’elle a compétence, sur la base de l’article XXXI du pacte de Bogotá, pour connaître de la requête déposée par l’Etat plurinational de Bolivie le 24 avril 2013.
Raisonnement de la Cour
La Cour rappelle que, dans sa requête, la Bolivie entend fonder la compétence de la Cour sur l’article XXXI du pacte de Bogotá. Le Chili, pour sa part, allègue, dans son exception préliminaire, que la Cour n’a pas compétence en vertu de cette disposition pour se prononcer sur le différend soumis par la Bolivie. Se référant à l’article VI du pacte de Bogotá(1), il fait valoir que les questions en litige dans la présente affaire, à savoir la souveraineté territoriale et la nature de l’accès de la Bolivie à l’océan Pacifique, ont été réglées au moyen d’une entente, énoncée dans le traité de paix de 1904, et qu’elles demeurent régies par ce traité. De son côté, la Bolivie affirme que le différend a pour seul objet l’existence d’une obligation incombant au Chili de négocier de bonne foi un accès souverain de la Bolivie à l’océan Pacifique et le manquement à ladite obligation. Selon elle, cette obligation, qui découle d’«accords», d’une «pratique diplomatique» et de «déclarations attribuables [au] … [Chili]» s’étendant sur plus d’un siècle, existe indépendamment du traité de paix de 1904. En conséquence, de l’avis de la Bolivie, les questions en litige en la présente espèce ne constituent pas des questions réglées ou régies par le traité de paix de 1904, au sens de l’article VI du pacte de Bogotá, et la Cour a compétence pour en connaître en vertu de l’article XXXI de ce dernier.
La Cour observe que telle qu’elle se présente, la requête porte sur un différend relatif à l’existence d’une obligation de négocier un accès souverain à la mer et au manquement à cette obligation. Elle considère que, même si l’on peut supposer que l’accès souverain à l’océan Pacifique constitue l’objectif ultime de la Bolivie, il convient d’établir une distinction entre cet objectif et le différend lié, mais distinct, qui lui a été présenté dans la requête. Aux termes de celle-ci, la Bolivie ne demande pas à la Cour de dire et juger qu’elle a droit à pareil accès.
La Cour rappelle que, en application de l’article VI du pacte de Bogotá, si elle devait conclure, au vu de l’objet du différend tel qu’elle l’a défini, que les questions en litige entre les Parties sont des questions «déjà réglées au moyen d’une entente entre les parties» ou «régies par des accords ou traités en vigueur» à la date de la signature du pacte de Bogotá, soit le 30 avril 1948, elle n’aurait pas la compétence requise pour se prononcer sur le fond de l’affaire. Elle relève que les dispositions pertinentes du traité de paix de 1904 ne traitent ni expressément ni implicitement de la question d’une obligation qui incomberait au Chili de négocier avec la Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique. En conséquence, elle considère que les questions en litige ne sont ni «réglées au moyen d’une entente entre les parties, ou d’une décision arbitrale ou d’une décision d’un tribunal international» ni «régies par des accords ou traités en vigueur à la date de la signature du [pacte de Bogotá]», au sens de l’article VI du pacte de Bogotá. L’article VI ne fait donc pas obstacle à la compétence que l’article XXXI du pacte de Bogotá confère à la Cour, et l’exception préliminaire d’incompétence soulevée par le Chili doit, partant, être écartée.
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(1) Article VI du pacte de Bogotá : «Les procédures [énoncées dans le
pacte] … ne pourront … s’appliquer ni aux questions déjà réglées au
moyen d’une entente entre les parties, ou d’une décision arbitrale ou
d’une décision d’un tribunal international, ni à celles régies par des
accords ou traités en vigueur à la date de la signature du présent
Pacte».
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Composition de la Cour
La Cour était composée comme suit : M. Abraham, président ; M. Yusuf, vice-président ; MM. Owada, Tomka, Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue, M. Gaja, Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Gevorgian, juges ; M. Daudet, Mme Arbour, juges ad hoc ; M. Couvreur, greffier.
M. le juge BENNOUNA joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge CANÇADO TRINDADE joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ; M. le juge GAJA joint une déclaration à l’arrêt ; Mme la juge ad hoc ARBOUR joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.
Source : CIJ
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