Le 24 mars 2017, le Conseil de sécurité a adopté une résolution demandant aux États membres de l'ONU de prendre des mesures pour empêcher et combattre le commerce illicite et le trafic des biens culturels ou «à valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuse» qui ont été enlevés en période de conflit armé, notamment par des groupes terroristes.
Présentée par la France et l'Italie, la Résolution 2347 (2017) encourage les États membres à proposer des listes de Daech, Al-Qaïda et des personnes, groupes, entreprises et entités impliqués dans ce type de trafic.
Avec ce texte adopté à l'unanimité de ses membres, le Conseil prie instamment les Etats membres d'élaborer «une large coopération policière et judiciaire» à cette fin, avec l'aide de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), de l'Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) et de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).
Devant le Conseil, la Directrice générale de l'UNESCO, Irina Bokova, a exprimé sa «vive émotion» après l'adoption de cette «résolution historique, qui marque une prise de conscience essentielle du rôle du patrimoine pour la paix et la sécurité».
«La destruction délibérée du patrimoine est un crime de guerre - c'est devenu une tactique de guerre, dans une stratégie globale de nettoyage culturel», a expliqué Mme Bokova, ajoutant que la protection du patrimoine est plus qu'un enjeu culturel : «c'est un impératif de sécurité, inséparable de la protection des vies humaines».
L'UNESCO travaille avec la Cour pénale internationale (CPI) pour mettre un terme à l'impunité des crimes de guerre contre la culture, a dit la Directrice générale, précisant que cette coopération avait notamment permis la condamnation du responsable de la destruction des Mausolées de Tombouctou.
La Résolution 2347 (2017) demande également aux États membres de dresser «des inventaires du patrimoine et des biens culturels, notamment sous forme numérique» et de se doter de normes régissant l'exportation et l'importation de ce type de biens, y compris la «certification d'origine». Il leur est également demandé d'établir des services spécialisés et de créer des bases de données destinées à recueillir des informations sur les activités criminelles liées aux biens culturels.
Le Directeur exécutif de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Yury Fedotov, a expliqué au Conseil que son organisation coopère étroitement avec l'UNESCO, INTERPOL et l'Organisation mondiale des douanes pour renforcer la réponse des pays à tous les niveaux.
Une des formes prises par cette coopération, est le cofinancement, avec l'UNESCO, d'une étude globale visant à identifier les principaux itinéraires de trafic et les modus operandi, et à déterminer les défis que les pays doivent relever s'agissant de la réponse pénale.
La Directrice générale de l'UNESCO a par ailleurs salué l'intégration par le Conseil de sécurité de la protection du patrimoine dans le mandat des forces de maintien de la paix, «car lorsque le patrimoine est en première ligne des conflits, il doit être en première ligne de la paix».
«La force des armes ne suffit pas à vaincre l'extrémisme violent», a souligné Mme Bokova. «La recherche de la paix passe aussi par la culture, par l'éducation, la prévention, la transmission du patrimoine : tel est le message de cette résolution historique, et son immense portée».
Prenant note de la
décision prise récemment par la Cour pénale internationale de condamner, pour
la première fois, pour crimes de guerre un prévenu qui a délibérément commis
des attaques directes contre des édifices religieux et des monuments et
bâtiments historiques,
1. Déplore et condamne la
destruction illégale du patrimoine culturel, notamment la destruction de sites
et d’objets religieux, ainsi que le pillage et le trafic de biens culturels
provenant de sites archéologiques, de musées, de bibliothèques, d’archives et
d’autres sites, en période de conflit armé, notamment par des groupes
terroristes;
2. Rappelle qu’il condamne
tout échange commercial direct ou indirect avec l’EIIL, le Front el-Nosra et
tous les autres individus, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaida,
et réaffirme que ce type de transaction pourrait être considéré comme un appui
financier à des entités désignées par le Comité du Conseil de sécurité faisant
suite aux résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant l’EIIL (Daech) et Al-Qaida
et pourrait conduire celui-ci à l’inscription de nouveaux noms sur la Liste;
3. Condamne également les
campagnes systématiques de fouilles illégales, le saccage et le pillage du
patrimoine culturel, commis en particulier par l’EIIL, AlQaida et les
personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés;
4. Affirme que le fait de
lancer une attaque contre des sites et des bâtiments consacrés à la religion, à
l’enseignement, à l’art, à la science ou à la bienfaisance, ou contre des
monuments historiques peut constituer, dans certaines circonstances et en vertu
du droit international, un crime de guerre et que les auteurs de ce genre
d’attaque doivent être traduits en justice;
5. Souligne que c’est aux
États Membres qu’il incombe au premier chef de protéger leur patrimoine
culturel et que les initiatives qu’ils prennent dans ce sens en période de conflit
armé doivent être mises en œuvre dans le respect de la Charte, notamment de ses
buts et principes, et du droit international, ainsi que de la souveraineté de
tous les États; 6. Invite, à cet égard, l’Organisation des Nations Unies et
toutes les autres organisations compétentes à continuer de fournir aux États
Membres, à leur demande et en fonction des besoins qu’ils auront identifiés,
toute l’assistance nécessaire;
7. Encourage tous les
États Membres qui ne l’ont pas encore fait à envisager de ratifier la
Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé du 14
mai 1954, et ses protocoles, ainsi que les autres conventions internationales
pertinentes,
8. Prie les États Membres
de prendre les mesures voulues pour empêcher et combattre le commerce illicite
et le trafic des biens culturels et des autres objets ayant une valeur
archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuse qui ont été
enlevés en période de conflit armé, notamment par des groupes terroristes, en
frappant par exemple d’interdiction le commerce transnational de ces objets
illicites lorsque les États ont de bonnes raisons de croire qu’ils ont été
enlevés en période de conflit armé, notamment par des groupes terroristes et
que leur origine n’est ni clairement identifiée ni certifiée, permettant ainsi
qu’ils soient restitués, en particulier les objets illégalement enlevés d’Iraq
depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, et rappelle à cet
égard que les États doivent veiller à ce que des fonds et autres avoirs
financiers ou ressources économiques ne soient mis, directement ou
indirectement, par leurs nationaux ou par des personnes se trouvant sur leur
territoire, à la disposition de l’EIIL et des personnes, groupes, entités ou
entreprises associés à l’EIIL ou à Al-Qaida, conformément aux résolutions
pertinentes;
9. Prie instamment les
États Membres de prendre au niveau national, autant que de besoin et
conformément aux obligations et aux engagements créés par le droit
international et les instruments nationaux, des mesures législatives et
opérationnelles efficaces pour empêcher et combattre le trafic de biens
culturels et les infractions connexes, notamment en envisageant d’ériger en
infraction grave, au sens de l’article 2 b) de la Convention des Nations Unies
contre la criminalité transnationale organisée, les activités dont pourraient
tirer profit les groupes criminels organisés, les terroristes ou les groupes
terroristes;
10. Encourage les États
Membres à proposer des listes de l’EIIL, Al-Qaida et des personnes, groupes,
entreprises et entités impliqués dans le commerce illicite des biens culturels
qui seront examinées par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux
résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant l’EIIL (Dae ch) et Al-Qaida, qui
répondent aux critères de désignation énoncés dans les résolutions 1267 (1999),
1989 (2011) et 2253 (2015);
11. Prie instamment les
États Membres d’élaborer, notamment, à la demande, avec l’aide de l’ONUDC, en
coopération avec l’UNESCO et INTERPOL, selon qu’il conviendra, une large
coopération policière et judiciaire pour emp êcher et combattre, sous toutes
leurs formes et tous leurs aspects, le trafic de biens culturels et les
infractions connexes dont tirent ou pourraient tirer profit les groupes criminels
organisés, les terroristes ou les groupes terroristes;
12. Invite les États
Membres à solliciter et à fournir une coopération concernant les enquêtes, les
poursuites, la saisie, la confiscation et les procédures judiciaires, ainsi que
le retour, la restitution ou le rapatriement des biens culturels qui font
l’objet d’un trafic, qui ont été exportés ou importés illicitement, qui ont été
volés ou pillés, qui proviennent de fouilles illicites ou qui font l’objet d’un
commerce illicite, par les voies appropriées et conformément à leurs cadres
juridiques internes, à la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée et aux Protocoles s’y rapportant, ainsi qu’aux accords
bilatéraux, sous-régionaux et régionaux pertinents;
13. Se félicite des
mesures prises par l’UNESCO dans le cadre de son mandat pour protéger et
préserver le patrimoine culturel en péril et des mesures visant à assurer la
protection de la culture et la promotion du pluralisme culturel en cas de
conflit armé, et engage les États Membres à appuyer de telles mesures;
14. Encourage les États
Membres à renforcer, le cas échéant, la coopération bilatérale, sous-régionale
et régionale par des initiatives conjointes dans le domaine d’application des
programmes pertinents de l’UNESCO;
15. Prend note de la
constitution du fonds d’urgence de l’UNESCO pour le patrimoine ainsi que de
celle, annoncée le 3 décembre 2016 à Abou Dhabi, du fonds international pour la
protection du patrimoine culturel en péril en période de conflit armé, et des
autres initiatives menées dans ce cadre, et engage les États Membres à verser
des contributions financières afin d’appuyer les opérations d’urgence et de
prévention, la lutte contre le trafic de biens culturels, ainsi que
d’entreprendre tous les efforts appropriés pour la récupération du patrimoine
culturel, dans l’esprit des principes consacrés par les conventions de
l’UNESCO;
16. Engage également les
États Membres à prendre des mesures préventives pour sauvegarder, en période de
conflit armé, les biens culturels propres à chaque pays et les autres éléments
de leur patrimoine culturel revêtant une importance nationale, y compris, s’il
y a lieu, par des activités de documentation et de regroupement de leurs biens
culturels dans un réseau de « refuges » sur leur territoire afin d’assurer leur
protection, tout en prenant en considération les spécificités culturelles,
historiques, et géographiques du patrimoine culturel devant être protégé, et
prend note du projet de plan d’action de l’UNESCO, qui contient plusieurs
propositions visant à faciliter ces activités;
17. Demande aux États
Membres d’envisager l’adoption des mesures ci-après, en vue de prévenir et
combattre le trafic de biens culturels illicitement pris et exportés, notamment
par des groupes terroristes, en période de conflit armé :
a) Établir aux
niveaux local et national des inventaires du patrimoine et des biens culturels,
notamment sous forme numérique lorsque c’est possible, ou améliorer ces
inventaires, et les rendre facilement accessibles aux autorités et organismes
pertinents, selon qu’il conviendra;
b) Adopter des dispositions réglementaires
appropriées et efficaces, conformes aux normes internationales, régissant
l’exportation et l’importation de biens culturels y compris, s’il y a lieu, la
certification d’origine;
c) Promouvoir la Nomenclature du Système harmonisé de
désignation et de codification des marchandises de l’Organisation mondiale des
douanes et contribuer à sa mise à jour;
d) Établir s’il y a lieu, conformément
à la législation et aux procédures nationales, des services spécialisés au sein
des administrations centrale et locales, engager du personnel spécialisé dans
l’administration des douanes et la police et doter ce personnel, ainsi que les
représentants du ministère public, de moyens efficaces et d’une formation
adéquate;
e) Établir des procédures et, le cas échéant, créer des bases de
données en vue de recueillir des informations sur les activités criminelles
liées aux biens culturels, ainsi que sur les biens culturels illicitement
exhumés de sites archéologiques, exportés, importés ou commercialisés, ou
encore volés, faisant l’objet d’un trafic ou disparus;
f) Utiliser la base de
données d’INTERPOL sur les œuvres d’art volées, la base de données de l’UNESCO
sur les législations nationales du patrimoine culturel et la plateforme ARCHEO
de l’OMD ainsi que d’autres bases de données pertinentes établies au niveau
national, y contribuer, et communiquer, le cas échéant, des données et
informations pertinentes au portail SHERLOC de l’ONUDC en ce qui concerne les
enquêtes et les poursuites relatives aux crimes considérés et leurs résultats,
et à l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions en ce qui
concerne les saisies de biens culturels;
g) Encourager les musées, les
associations professionnelles et les acteurs du marché des antiquités à
convenir de normes concernant la certification de la provenance et le devoir de
diligence différenciée et de toute disposition propre à prévenir le commerce de
biens culturels volés ou illicitement mis sur le marché;
h) Fournir aux parties
prenantes et associations du secteur qui relèvent de leur juridiction les
listes dont ils disposent au niveau national de sites archéologiques, musées et
entrepôts de lieux d’excavation se trouvant dans les territoires contrôlés par
l’EIIL ou tout autre groupe inscrit sur la liste établie par le Comité du
Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant
l’EIIL (Daech) et Al-Qaida;
i) Mettre sur pied des programmes d’enseignement, à
tous les niveaux, sur la protection du patrimoine culturel et sensibiliser le
public au problème du trafic illicite de biens culturels et à sa prévention;
j)
Prendre des dispositions appropriées en vue d’inventorier les biens culturels
et autres articles ayant une valeur archéologique, historique, culturelle,
scientifique ou religieuse qui ont été enlevés, déplacés ou transférés de zones
de conflit armé, et assurer la coordination avec les organismes des Nations
Unies et les acteurs internationaux compétents en vue d’assurer le retour en
toute sécurité de tous les articles inventoriés;
18. Engage les États
Membres ainsi que les organismes des Nations Unies compétents, conformément à
leur mandat respectif, et les acteurs internationaux qui peuvent le faire, à
fournir une assistance en matière de déminage des sites et objets culturels à
la demande des États touchés.
19. Affirme qu’il peut
expressément charger les opérations de maintien de la paix des Nations Unies,
agissant à la demande expresse du Conseil de sécurité et conformément à leurs
règles d’engagement, d’aider le cas échéant les autorités compétentes, à la
demande de celles-ci, à protéger en collaboration avec l’UNESCO le patrimoine
culturel contre la destruction, les fouilles illicites, le pillage et la
contrebande en période de conflit armé, et que lesdites opérations de maintien
de la paix doivent agir avec prudence lorsqu’elles interviennent à proximité de
sites culturels et historiques;
20. Demande à l’UNESCO, à
l’ONUDC, à INTERPOL, à l’OMD et aux autres organisations internationales
compétentes de s’employer selon qu’il conviendra et dans le cadre de leurs
mandats respectifs à aider les États Membres dans les efforts qu’ils déploient
pour prévenir et combattre la destruction et le pillage ainsi que le trafic de
biens culturels sous toutes ses formes;
21. Prie l’Équipe d’appui
analytique et de surveillance des sanctions du Comité du Conseil de sécurité
faisant suite au résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant l’EIIL (Daech) et
Al-Qaida de continuer, dans le cadre de son mandat, de fournir au Comité des
informations pertinentes concernant le commerce illicite de biens culturels;
22. Prie également le
Secrétaire général, agissant avec l’appui de l’ONUDC, de l’UNESCO et de
l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions du Comité du
Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267, 1989 et 2253 concernant
l’EIIL (Daech) et Al-Qaida, ainsi que d’autres organismes des Nations Unies
compétents, de lui présenter avant la fin de l’année un rapport sur
l’application de la présente résolution; 23. Décide de rester activement saisi
de la question.
Source : ONU
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire