17 juillet 2018

ACTU : L'Iran porte plainte devant la Cour internationale de Justice pour contester les nouvelles sanctions américaines

Catherine MAIA

Le 16 juillet 2018, la République islamique d’Iran a introduit  une instance contre les États-Unis d’Amérique devant la Cour internationale de Justice (CIJ), l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, au sujet d’un différend concernant des violations alléguées du Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires signé par les deux États à Téhéran le 15 août 1955 et entré en vigueur le 16 juin 1957 (ci-après le «Traité de 1955»).

L’Iran affirme que sa requête porte sur la décision prise le 8 mai 2018 par les États-Unis «de rétablir pleinement et de faire appliquer» un ensemble de sanctions et de mesures restrictives le visant, directement ou indirectement, ainsi que ses sociétés voire ses nationaux, des sanctions et mesures que les autorités américaines avaient auparavant décidé de lever dans le cadre du Plan d’action global commun - un accord sur le programme nucléaire iranien qui avait été conclu le 14 juillet 2015 par l’Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, l’Allemagne et l’Union européenne.

Le demandeur soutient que, du fait des «sanctions du 8 mai» et des autres sanctions qu’ils ont annoncées, les États-Unis «ont violé et continuent de violer de multiples dispositions» du Traité de 1955.

En conséquence, l’Iran

«prie respectueusement la Cour de dire et juger que :
a. les États-Unis d’Amérique, du fait des sanctions du 8 mai et des autres sanctions annoncées qui sont décrites dans la présente requête et qui ciblent l’Iran, les Iraniens et les sociétés iraniennes, ont manqué aux obligations leur incombant envers l’Iran en application des articles IV 1), VII 1), VIII 1), VIII 2), IX 2) et X 1) du Traité [de 1955] ;
b. les États-Unis d’Amérique doivent, par les moyens de leur choix, mettre fin sans délai aux sanctions du 8 mai ;
c. les États-Unis d’Amérique doivent immédiatement cesser de menacer d’imposer les autres sanctions annoncées qui sont décrites dans la présente requête ;
d. les États-Unis d’Amérique doivent veiller à ce que rien ne soit fait pour contourner la décision que la Cour rendra dans la présente affaire et donner une garantie de non-répétition de leurs violations du Traité [de 1955] ;
e. les États-Unis d’Amérique doivent verser à l’Iran, à raison de leur manquement à leurs obligations juridiques internationales, une indemnisation intégrale dont le montant sera déterminé par la Cour à un stade ultérieur de la procédure. L’Iran se réserve le droit de soumettre et de présenter à la Cour en temps utile une évaluation précise du montant de l’indemnité due par les États-Unis d’Amérique».
Pour fonder la compétence de la Cour, le demandeur invoque le paragraphe 2 de l’article XXI du Traité de 1955, qui est ainsi libellé :
«Tout différend qui pourrait s’élever entre les Hautes Parties contractantes quant à l’interprétation ou à l’application du présent Traité et qui ne pourrait pas être réglé d’une manière satisfaisante par la voie diplomatique sera porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que les Hautes Parties contractantes ne conviennent de le régler par d’autres moyens pacifiques».
Le même jour, l’Iran a également présenté une demande en indication de mesures conservatoires, afin que ses droits en vertu du traité de 1955 soient sauvegardés dans l’attente de l’arrêt de la Cour sur le fond de l’affaire.

Selon l’Iran, les États-Unis ont déjà commencé à faire appliquer certains éléments des «sanctions du 8 mai» et ont annoncé que d’autres seraient mis en œuvre dans un délai de 90 à 180 jours à compter du 8 mai 2018. Le demandeur soutient que, en pareilles circonstances, il existe «un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable» soit causé à ses droits faisant l’objet du différend avant que la Cour ne rende sa décision définitive.

En conséquence, l’Iran,
«en son nom propre et en qualité de parens patriae des Iraniens, prie respectueusement la Cour d’indiquer, en attendant l’arrêt définitif en la présente affaire, les mesures conservatoires suivantes :
a. les États-Unis d’Amérique doivent immédiatement, par toutes les mesures à leur disposition, faire en sorte de cesser d’appliquer et de faire appliquer l’ensemble des sanctions du 8 mai, y compris les sanctions extraterritoriales, et s’abstenir d’imposer ou de menacer d’imposer les autres sanctions et mesures annoncées, qui sont susceptibles d’aggraver ou d’étendre le différend porté devant la Cour ;
b. les États-Unis d’Amérique doivent permettre immédiatement la pleine exécution des opérations déjà conclues, de façon générale ou en particulier, notamment aux fins de la vente ou de la prise à bail d’aéronefs de transport de passagers ou de pièces détachées et d’autres équipements d’aéronefs ;
c. les États-Unis d’Amérique doivent, dans un délai de trois mois, rendre compte à la Cour des mesures qu’ils auront prises en application des alinéas a) et b) ;
d. les États-Unis d’Amérique doivent donner aux nationaux et sociétés iraniens, américains et étrangers l’assurance qu’ils se conformeront à l’ordonnance de la Cour, et s’abstenir de toute déclaration ou de tout acte de nature à dissuader des personnes et des entités américaines ou étrangères de se livrer ou de continuer de se livrer à des activités commerciales avec l’Iran, avec des Iraniens ou avec des sociétés iraniennes ;
e. les États-Unis d’Amérique doivent s’abstenir de prendre quelque autre mesure susceptible de porter atteinte aux droits conférés par le Traité [de 1955] à l’Iran, aux Iraniens et aux sociétés iraniennes relativement à toute décision que la Cour pourrait prendre sur le fond de l’affaire».
Le but de l’instance est donc clair : il s'agit de «faire rendre des comptes aux États-Unis pour leur réimposition illégale de sanctions unilatérales» contre l’Iran, a écrit le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, sur son compte Twitter. Le 8 mai dernier, le président américain Donald Trump a annoncé le retrait de son pays de l’accord international sur le nucléaire iranien de 2015 et un renforcement des sanctions américaines contre la République islamique.

«Face au mépris des États-Unis pour la diplomatie et leurs obligations légales, l’Iran est attaché à la primauté du droit», a ajouté M. Zarif, jugeant «impératif de contrer leur habitude de violer le droit international», en se fondant tout particulièrement sur le Traité d’amitié américano-iranien de 1955, un texte déjà invoqué à plusieurs reprises dans des différends entre l'Iran et les États-Unis d’Amérique jugés par la CIJ. Les deux pays n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis 1980.


Source : CIJ

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