Le 14 juillet 2020, la Cour internationale de justice (CIJ) s'est prononcée en faveur du Qatar dans une querelle opposant depuis 2017 Doha à quatre pays ayant institué un blocus aérien à son encontre.
Par une requête introductive d’instance conjointe déposée au Greffe de la CIJ le 4 juillet 2018, le Bahreïn, l’Égypte et les Émirats arabes unis ont fait appel d’une décision rendue le 29 juin 2018 par le Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) dans une instance introduite contre eux par le Qatar, le 30 octobre 2017, en vertu de la section 2 de l’article II de l’Accord relatif au transit des services aériens internationaux du 7 décembre 1944. Dans cette décision, le Conseil de l’OACI rejetait les exceptions préliminaires soulevées par le Bahreïn, l’Égypte et les Émirats arabes unis au motif qu’il n’était pas compétent «pour statuer sur les plaintes» formulées par le Qatar dans sa requête.
Le même jour, l’Arabie saoudite, le Bahreïn, l’Égypte et les Émirats arabes unis ont déposé une autre requête conjointe concernant une autre décision du Conseil de l’OACI, également rendue le 29 juin 2018, dans une instance distincte introduite contre eux par le Qatar, le 30 octobre 2017, en vertu cette fois de l’article 84 de la Convention relative à l’aviation civile internationale le 7 décembre 1944 (Convention de Chicago), à laquelle le Royaume d’Arabie saoudite est également partie.
Dans les deux espèces, l’OACI avaient tranché dans le sens qu’elle était compétente pour régler le litige opposant le Qatar à ses voisins du Golfe et à l'Égypte, accusés de violer la liberté de circulation des avions commerciaux dans un espace aérien étranger.
L’Arabie saoudite n’étant pas partie à l’Accord de transit, la CIJ a décidé de ne pas ordonner la jonction des instances dans les deux affaires. Cependant, conformément au souhait des États en litige, elle a jugé approprié d’ordonner une action commune relativement auxdites affaires. En ce sens, elle a décidé de rejeter les requêtes contre les décisions du Conseil de l’OACI en date du 29 juin 2018 et de confirmer que le Conseil de l’OACI a bien compétence pour connaître des recours intentés par le Qatar.
Cette affaire a pour contexte une rupture des relations diplomatiques décidée le 5 juin 2017 par les Gouvernements de Bahreïn, d’Égypte, des Émirats arabes unis et d'Arabie saoudite à l’encontre du Qatar. Cette rupture des relations diplomatiques s’est accompagnée d’un ensemble de restrictions visant les voies de communication terrestres, maritimes et aériennes. Par ces mesures, les appelants ont notamment coupé leurs liens commerciaux avec l’Émirat voisin, fermé leurs frontières terrestres et maritimes et ont interdit à tout aéronef immatriculé au Qatar de voler à destination ou en provenance de leurs aéroports ou de survoler leurs territoires respectifs. Appliquées à titre de contre-mesures, ces restrictions ont pour objectif, selon les États demandeurs reprochant au Qatar sa trop grande proximité avec l’Iran et les mouvements islamistes, de réagir à ses manquements graves et persistants à ses obligations internationales en matière de lutte contre le terrorisme, impliquant un danger pour la sûreté nationale de ses voisins.
Pour Qatar Airways – aujourd’hui durement frappée par les effets de la pandémie mondiale de Covid-19 –, cette fermeture des espaces aériens avaient impliqué des déviations importantes sur les routes habituelles, avec pour conséquences un allongement des temps de vol et une augmentation des dépenses en carburant.
Après la décision de la CIJ, Qatar Airways a indiqué dans un communiqué : «Conformément à l'arrêt de la CIJ et au précédent juridique permettant à l'État du Qatar de poursuivre sa procédure devant l'OACI contre les États responsables du blocus, Qatar Airways poursuivra son action en vue d'obtenir une indemnisation appropriée pour les préjudices financiers subis du fait du blocus illégal de l'espace aérien».
Le ministre qatari des Transports et communications, Jassim Saif Ahmed al-Soulaiti, a aussitôt réagi positivement : «Nous nous félicitons de la décision prise aujourd’hui par la CIJ, qui verra les États imposant un blocus enfin traduits en justice pour avoir violé les règles de l’aviation internationale». Il a ajouté être « convaincu que l’OACI finira par admettre que ces actions sont illégales. Il s’agit de la dernière d’une série de décisions qui illustrent le mépris continu des pays du blocus pour le droit international et l’application de la loi». Au contraire, selon le gouvernement des Émirats arabes unis, la décision de la CIJ est «technique et se limite aux questions de procédure et à la compétence pour régler le différend. Elle n’a pas tenu compte du bien-fondé de l’affaire».
La tension dans la région risque de se poursuivre, d'autant qu'une autre affaire actuellement pendante concerne également le Qatar, qui a saisi la CIJ en 2018 d'un litige l'opposant aux Émirats arabes unis, accusés de discrimination raciale et de violations des droits de l'Homme après l'expulsion massive de citoyens qataris.
Le transporteur long-courrier Qatar Airways a annoncé, le 22 juillet, avoir lancé un arbitrage international visant à obtenir de la part de l'Arabie saoudite, des Emirats arabes unis, de Bahreïn et de l'Egypte au moins 4,3 milliards d'euros. La compagnie reproche à ces nations de lui avoir interdit leur espace aérien depuis 2017.
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