Alexis COSKUN
Les régimes politiques et les édifices architecturaux ont cela de commun que la plus éclatante des façades peut éclipser des fondations dangereusement lézardées. Recep Tayyip Erdoğan dirige la Turquie depuis près de vingt-cinq ans, près du quart de toute la période républicaine. Fort de sa réélection en mai 2023, il présente son action à la tête du pays comme ayant permis l’éclosion d’une nouvelle ère de puissance, de modernité et de prospérité. L’affirmation d’une influence retrouvée sur la scène internationale est au coeur de son narratif tout comme l’est la mise en scène de sa posture d’homme fort1. Elles concourent à sa réussite électorale au sein de ses frontières et dans la diaspora, et entravent la compréhension réelle de la Turquie contemporaine. Les plus fervents critiques de Recep Tayyip Erdogăan, particulièrement dans les pays occidentaux, endossant l’idée du retour de la puissance turque, renvoyant à un « néo-ottomanisme » souvent trop rapidement brandi, et qui serait par essence menaçant, contribuent parfois à nourrir son récit. D’aucuns s’accommodent du gouvernement du Parti de la Justice et du Développement (AKP), pariant sur les opportunités intérieur conséquent, appareil de production modernisé – ou géopolitiques – position géographique stratégique, affiliation à l’OTAN, effectifs militaires importants – que le pays offrirait. D’autres, enfin, croient percevoir dans les prises de position du gouvernement d’Ankara l’émergence de la contestation d’un ordre international dominé par les puissances occidentales, faisant, d’une manière erronée, de Recep Tayyip Erdoğan un leader non-aligné voire anti-impérialiste.
Pour comprendre le moment turc, il est pourtant impératif de dépasser les lectures trop souvent orientalistes, ethnicistes, schématiques, religieuses et culturelles héritées de plusieurs siècles de relations entre l’Europe et l’Empire ottoman puis avec la Turquie républicaine.
Le centenaire de la République de Turquie est au cœur de l’attention mondiale du fait du rôle complexe joué par la diplomatie turque dans les conflits contemporains. Mais l’intérêt porté à cet évènement découle tout autant du caractère unique de la construction politique initiée, à la sortie de la Première Guerre mondiale, dans le sillage de Mustafa Kemal, c’est-à-dire l’édification d’un État nation sur les ruines d’un Empire multinational pluriséculaire, et la fondation progressive d’un État laïc en lieu et place du régime du Sultan combinant pouvoir temporel et spirituel.
Quelle est la réalité de la Turquie ? Où va-t-elle cent ans après l’édification de la République sur les cendres d’un Empire ottoman à bout de souffle ? Comment évaluer et comprendre ce récit d’une puissance retrouvée et réaffirmée ? C’est le défi auquel s’attelle le présent dossier de Recherches Internationales, au travers de sept contributions historiques, politiques, géopolitiques, économiques et artistiques.
Les régimes politiques et les édifices architecturaux ont cela de commun que la plus éclatante des façades peut éclipser des fondations dangereusement lézardées. Recep Tayyip Erdoğan dirige la Turquie depuis près de vingt-cinq ans, près du quart de toute la période républicaine. Fort de sa réélection en mai 2023, il présente son action à la tête du pays comme ayant permis l’éclosion d’une nouvelle ère de puissance, de modernité et de prospérité. L’affirmation d’une influence retrouvée sur la scène internationale est au coeur de son narratif tout comme l’est la mise en scène de sa posture d’homme fort1. Elles concourent à sa réussite électorale au sein de ses frontières et dans la diaspora, et entravent la compréhension réelle de la Turquie contemporaine. Les plus fervents critiques de Recep Tayyip Erdogăan, particulièrement dans les pays occidentaux, endossant l’idée du retour de la puissance turque, renvoyant à un « néo-ottomanisme » souvent trop rapidement brandi, et qui serait par essence menaçant, contribuent parfois à nourrir son récit. D’aucuns s’accommodent du gouvernement du Parti de la Justice et du Développement (AKP), pariant sur les opportunités intérieur conséquent, appareil de production modernisé – ou géopolitiques – position géographique stratégique, affiliation à l’OTAN, effectifs militaires importants – que le pays offrirait. D’autres, enfin, croient percevoir dans les prises de position du gouvernement d’Ankara l’émergence de la contestation d’un ordre international dominé par les puissances occidentales, faisant, d’une manière erronée, de Recep Tayyip Erdoğan un leader non-aligné voire anti-impérialiste.
Pour comprendre le moment turc, il est pourtant impératif de dépasser les lectures trop souvent orientalistes, ethnicistes, schématiques, religieuses et culturelles héritées de plusieurs siècles de relations entre l’Europe et l’Empire ottoman puis avec la Turquie républicaine.
Le centenaire de la République de Turquie est au cœur de l’attention mondiale du fait du rôle complexe joué par la diplomatie turque dans les conflits contemporains. Mais l’intérêt porté à cet évènement découle tout autant du caractère unique de la construction politique initiée, à la sortie de la Première Guerre mondiale, dans le sillage de Mustafa Kemal, c’est-à-dire l’édification d’un État nation sur les ruines d’un Empire multinational pluriséculaire, et la fondation progressive d’un État laïc en lieu et place du régime du Sultan combinant pouvoir temporel et spirituel.
Quelle est la réalité de la Turquie ? Où va-t-elle cent ans après l’édification de la République sur les cendres d’un Empire ottoman à bout de souffle ? Comment évaluer et comprendre ce récit d’une puissance retrouvée et réaffirmée ? C’est le défi auquel s’attelle le présent dossier de Recherches Internationales, au travers de sept contributions historiques, politiques, géopolitiques, économiques et artistiques.
Alexis Coskun, « Turquie : une puissance contradictoire »
(extrait de la Présentation)
(extrait de la Présentation)
Nul ne doute que le armes finiront par se taire en Ukraine territoire où se déroule aujourd’hui l’affrontement le plus aigu entre la Russie et l’OTAN.
La situation y pousse. La contre-offensive ukrainienne piétine au point d’instiller le doute sur la perspective d’atteindre les objectifs de la reconquête territoriale. C’est une guerre qui stagne et qui génère une déception chez les alliés de l’Ukraine qui ont beaucoup contribué par leur assistance financière et militaire et qui commencent à demander des comptes sur l’usage qui en a été fait. Les futures présidentielles américaines qui se rapprochent, les changements politiques et de posture en Europe – Pologne, Slovaquie – ne garantissent même plus que les promesses d’aide seront tenues. Les opinions publiques occidentales se fissurent et les efforts diplomatiques déployés pour rallier les pays du Sud n’ont finalement pas abouti. Au contraire même, les dernières réunions internationales – Brics à Johannesburg, sommet du G20 à New Delhi ; Assemblée générale de l’ONU - témoignent certes d’un Occident resserré mais isolé et également d’un recul de l’enthousiasme pour la cause ukrainienne. Cette cause pourrait passer bien vite d’un facteur d’union nationale à un sujet politique clivant. Le piétinement sur le terrain pèse sur les opinions publiques et les postures diplomatiques, et vient à interroger sur les buts de guerre qui, au-delà de leur dimension territoriale, deviennent indicibles. Il ne faut donc pas s’étonner que des voix s’élèvent – ballons d’essais autour du thème paix contre territoires – et préparent les esprits à l’idée que le tabou des négociations doit être levé et que pour aboutir elles doivent sortir de ce qui jusqu’à présent ne relevait que d’une logique de capitulation impropre à toute avancée vers une paix car supposant la défaite totale de l’un des belligérants. Or tout porte à croire que celle-ci n’est pas à portée de mains dans un délai raisonnable.
Les buts de guerre n’ont jamais été affichés clairement par la Russie qui s’est probablement repliée sur un plan B – une guerre longue de défense des territoires conquis – faute de prendre Kiev et d’y installer un régime à sa convenance. De son côté lorsque l’Ukraine affirme qu’elle ne négociera jamais avec Poutine ne laisse-t-elle pas entrevoir qu’elle fixe la barre au-delà des territoires et qu’elle vise également le changement de régime à Moscou.
Les pertes subies, les actes commis et les propos tenus ont pris de telles proportions que les conditions d’un retour à la paix nécessiteront le préalable de la redéfinition des buts de guerre à condition d’écarter toute idée de vouloir la gagner. Aujourd’hui la situation semble totalement figée. Sur le terrain, rien de significatif ne s’impose. L’Ukraine a reçu suffisamment d’armes de ses alliés pour ne pas être battue mais pas assez pour gagner et repousser les soldats russes. Elle ne veut pas s’arrêter au milieu du gué et fait croire qu’elle pourrait atteindre ses objectifs en demandant toujours plus. Elle se heurte aux limites de l’engagement américain prêt à affaiblir la Russie mais pas à imaginer une gestion post-poutinienne de la Russie. En règle générale une guerre s’achève lorsque le verdict tombe sur son issue et qu’il est reconnu par les deux parties. Mais aujourd’hui, si la Russie n’a pas gagné la guerre, rien ne permet d’affirmer qu’elle va la perdre. Et symétriquement l’Ukraine ne l’a pas perdue mais rien ne permet de dire qu’elle va la gagner.
Bien sûr, une telle situation finit par lasser les acteurs, leurs soutiens, les opinions publiques, le Sud sommé de prendre parti à son corps défendant et souvent victime collatérale d’un conflit qui s’est mondialisé par ses effets. Cette absence d’issue militaire ramène à une nécessaire négociation qu’il est vain de vouloir reporter dans l’attente d’un terrain qui pourrait brusquement se modifier. La configuration mondiale pousse à une recherche de compromis quand bien même les protagonistes semblent s’accommoder d’une poursuite de la guerre.
Y parvenir suppose de surmonter nombre d’obstacles à franchir un à un. Ils sont communs à beaucoup de négociations. D’abord les préalables : qui mettre autour de la table de négociations ? ; Quand négocier ? Puis l’essentiel : quoi négocier ? ; Comment éviter une fausse paix laissant chacun espérer reprendre des forces pour un nouvel affrontement ? ; Qui sera garant de l’accord trouvé ?
Si la négociation ne peut pas s’engager directement entre l’Ukraine et la Russie de « bons offices » devront surgir. Les parties prenantes au conflit ou les alliés trop marqués ne peuvent jouer ce rôle, ce qui écarte beaucoup de postulants. C’est probablement du côté du Sud que la diplomatie va devoir s’activer. On murmure que beaucoup s’y sont déjà essayés. La Turquie, la Chine, l’Indonésie, l’Union africaine, l’Arabie saoudite sont souvent citées. Sans succès semble-t-il. Ces médiations ont échoué parce que les prétentions maximalistes des belligérants sont inconciliables tant que le terrain n’aura pas tranché ou montré qu’il ne peut pas trancher. Mais admettons que les protagonistes – l’Otan, l’Ukraine, la Russie – finissent par se mettre autour d’une table. L’ordre du jour sera lourd tant les sujets sont multiples.
Faudra-t-il procéder au « linkage », technique fréquemment utilisée en matière de négociations internationales, qui veut que tant qu’on n’est pas d’accord sur tout, on n’est d’accord sur rien, du moins c’est ce qu’on prétend ? Ou, au contraire, acceptera-t-on de saucissonner et d’avancer sur des points partiels ? On a en mémoire la première rencontre entre Reagan et Gorbatchev – le Sommet de Reykjavik, tenu en Islande en 1986 – qu’on ne sut jamais interpréter parce que l’accord réalisé sur certains points mais non-conclu sur d’autres, ne permit aucune annonce officielle. En réalité, il mit fin à la course aux armements de la guerre froide et permit deux ans plus tard – l’inertie des dépenses militaires – d’engager les dix années qui suivront dans ce qu’on appela les « dividendes de la paix ».
Depuis que la guerre a débuté en février 2022 – mais qui remonte en réalité à 2014 avec l’appropriation de la Crimée par la Russie – les événements se sont enchaînés et nécessitent aujourd’hui des règlements négociés. La liste est donc longue des points à mettre en discussion. Chacun n’y attache pas la même importance, mais ils viendront fatalement en discussion. Essayons d’en lister la plupart.
Quelles suites à donner aux sanctions dont les effets se sont mondialisés et qui concernent indirectement d’autres pays. Au cœur de ce sujet que deviendront les avoirs en devises de la Banque de Russie gelés dans les banques occidentales ou bien l’avenir des relations énergétiques entre l’Union européenne et la Russie ?
Comment et par qui sera prise en charge la réparation des dommages de guerre subis par l’Ukraine ?
La situation y pousse. La contre-offensive ukrainienne piétine au point d’instiller le doute sur la perspective d’atteindre les objectifs de la reconquête territoriale. C’est une guerre qui stagne et qui génère une déception chez les alliés de l’Ukraine qui ont beaucoup contribué par leur assistance financière et militaire et qui commencent à demander des comptes sur l’usage qui en a été fait. Les futures présidentielles américaines qui se rapprochent, les changements politiques et de posture en Europe – Pologne, Slovaquie – ne garantissent même plus que les promesses d’aide seront tenues. Les opinions publiques occidentales se fissurent et les efforts diplomatiques déployés pour rallier les pays du Sud n’ont finalement pas abouti. Au contraire même, les dernières réunions internationales – Brics à Johannesburg, sommet du G20 à New Delhi ; Assemblée générale de l’ONU - témoignent certes d’un Occident resserré mais isolé et également d’un recul de l’enthousiasme pour la cause ukrainienne. Cette cause pourrait passer bien vite d’un facteur d’union nationale à un sujet politique clivant. Le piétinement sur le terrain pèse sur les opinions publiques et les postures diplomatiques, et vient à interroger sur les buts de guerre qui, au-delà de leur dimension territoriale, deviennent indicibles. Il ne faut donc pas s’étonner que des voix s’élèvent – ballons d’essais autour du thème paix contre territoires – et préparent les esprits à l’idée que le tabou des négociations doit être levé et que pour aboutir elles doivent sortir de ce qui jusqu’à présent ne relevait que d’une logique de capitulation impropre à toute avancée vers une paix car supposant la défaite totale de l’un des belligérants. Or tout porte à croire que celle-ci n’est pas à portée de mains dans un délai raisonnable.
Les buts de guerre n’ont jamais été affichés clairement par la Russie qui s’est probablement repliée sur un plan B – une guerre longue de défense des territoires conquis – faute de prendre Kiev et d’y installer un régime à sa convenance. De son côté lorsque l’Ukraine affirme qu’elle ne négociera jamais avec Poutine ne laisse-t-elle pas entrevoir qu’elle fixe la barre au-delà des territoires et qu’elle vise également le changement de régime à Moscou.
Les pertes subies, les actes commis et les propos tenus ont pris de telles proportions que les conditions d’un retour à la paix nécessiteront le préalable de la redéfinition des buts de guerre à condition d’écarter toute idée de vouloir la gagner. Aujourd’hui la situation semble totalement figée. Sur le terrain, rien de significatif ne s’impose. L’Ukraine a reçu suffisamment d’armes de ses alliés pour ne pas être battue mais pas assez pour gagner et repousser les soldats russes. Elle ne veut pas s’arrêter au milieu du gué et fait croire qu’elle pourrait atteindre ses objectifs en demandant toujours plus. Elle se heurte aux limites de l’engagement américain prêt à affaiblir la Russie mais pas à imaginer une gestion post-poutinienne de la Russie. En règle générale une guerre s’achève lorsque le verdict tombe sur son issue et qu’il est reconnu par les deux parties. Mais aujourd’hui, si la Russie n’a pas gagné la guerre, rien ne permet d’affirmer qu’elle va la perdre. Et symétriquement l’Ukraine ne l’a pas perdue mais rien ne permet de dire qu’elle va la gagner.
Bien sûr, une telle situation finit par lasser les acteurs, leurs soutiens, les opinions publiques, le Sud sommé de prendre parti à son corps défendant et souvent victime collatérale d’un conflit qui s’est mondialisé par ses effets. Cette absence d’issue militaire ramène à une nécessaire négociation qu’il est vain de vouloir reporter dans l’attente d’un terrain qui pourrait brusquement se modifier. La configuration mondiale pousse à une recherche de compromis quand bien même les protagonistes semblent s’accommoder d’une poursuite de la guerre.
Y parvenir suppose de surmonter nombre d’obstacles à franchir un à un. Ils sont communs à beaucoup de négociations. D’abord les préalables : qui mettre autour de la table de négociations ? ; Quand négocier ? Puis l’essentiel : quoi négocier ? ; Comment éviter une fausse paix laissant chacun espérer reprendre des forces pour un nouvel affrontement ? ; Qui sera garant de l’accord trouvé ?
Si la négociation ne peut pas s’engager directement entre l’Ukraine et la Russie de « bons offices » devront surgir. Les parties prenantes au conflit ou les alliés trop marqués ne peuvent jouer ce rôle, ce qui écarte beaucoup de postulants. C’est probablement du côté du Sud que la diplomatie va devoir s’activer. On murmure que beaucoup s’y sont déjà essayés. La Turquie, la Chine, l’Indonésie, l’Union africaine, l’Arabie saoudite sont souvent citées. Sans succès semble-t-il. Ces médiations ont échoué parce que les prétentions maximalistes des belligérants sont inconciliables tant que le terrain n’aura pas tranché ou montré qu’il ne peut pas trancher. Mais admettons que les protagonistes – l’Otan, l’Ukraine, la Russie – finissent par se mettre autour d’une table. L’ordre du jour sera lourd tant les sujets sont multiples.
Faudra-t-il procéder au « linkage », technique fréquemment utilisée en matière de négociations internationales, qui veut que tant qu’on n’est pas d’accord sur tout, on n’est d’accord sur rien, du moins c’est ce qu’on prétend ? Ou, au contraire, acceptera-t-on de saucissonner et d’avancer sur des points partiels ? On a en mémoire la première rencontre entre Reagan et Gorbatchev – le Sommet de Reykjavik, tenu en Islande en 1986 – qu’on ne sut jamais interpréter parce que l’accord réalisé sur certains points mais non-conclu sur d’autres, ne permit aucune annonce officielle. En réalité, il mit fin à la course aux armements de la guerre froide et permit deux ans plus tard – l’inertie des dépenses militaires – d’engager les dix années qui suivront dans ce qu’on appela les « dividendes de la paix ».
Depuis que la guerre a débuté en février 2022 – mais qui remonte en réalité à 2014 avec l’appropriation de la Crimée par la Russie – les événements se sont enchaînés et nécessitent aujourd’hui des règlements négociés. La liste est donc longue des points à mettre en discussion. Chacun n’y attache pas la même importance, mais ils viendront fatalement en discussion. Essayons d’en lister la plupart.
Quelles suites à donner aux sanctions dont les effets se sont mondialisés et qui concernent indirectement d’autres pays. Au cœur de ce sujet que deviendront les avoirs en devises de la Banque de Russie gelés dans les banques occidentales ou bien l’avenir des relations énergétiques entre l’Union européenne et la Russie ?
Comment et par qui sera prise en charge la réparation des dommages de guerre subis par l’Ukraine ?
Que deviendront les incriminations devant les institutions pénales internationales ? Levée des plaintes ou poursuite des procédures ?
Dans quelles proportions l’Ukraine pourra-t-elle recouvrer ses territoires ? Où le curseur sera-t-il placé ? En échange de quoi ? Si l’Ukraine récupère toute sa côte de la mer Noire, mais sans la Crimée, devra-t-elle garantir un corridor d’accès sécurisé aux Russes, comme c’est le cas pour l’enclave de Kaliningrad ou le fut pour Berlin-Ouest ? Fondamentalement, quel équilibre trouver pour qu’aucune perte de face aux yeux des opinions publiques respectives n’apparaisse rendant l’accord inapplicable ?
Finalement, et c’est probablement l’essentiel, comment assurer aux protagonistes ce à quoi ils peuvent légitimement prétendre, à savoir les conditions de leur sécurité respective ?
Ce dernier point est le plus important car c’est ce qui depuis des décennies a fait monter les tensions dans cette région du monde. La lente et inexorable avancée de l’Otan et de ses dispositifs militaires vers les frontières de la Russie a provoqué chez celle-ci un sentiment d’encerclement dénoncé par Poutine dans son discours à la Conférence de Munich en 2008 dont il ne fut pas tenu compte. Evgueni Primakov, le prédécesseur de Sergueï Lavrov, rend compte dans un ouvrage paru en français en 2009 – Le Monde sans la Russie ? À quoi conduit la myopie politique, Ed. Économica – de cette longue évolution et laisse entendre que les interventions russes dans l’Est européen (Moldavie, Géorgie…) avaient pour but de freiner cette avancée en créant dans ces pays une situation de conflictualité rendant leur adhésion à l’Otan impossible en raison de son article 5 qui aurait immédiatement mis ses membres en situation de cobelligérance. Car pour rentrer dans l’Otan, il faut être un pays en paix. Pour l’instant le voeu d’adhésion de l’Ukraine s’oppose à de fortes réticences américaines et allemandes. La question de l’adhésion à l’Union européenne est plus ouverte mais sera lente car la liste des impétrants est déjà longue et suppose probablement au préalable une véritable refondation du projet européen et de sa gouvernance.
Les négociations de paix deviennent nécessaires mais les obstacles seront longs à lever.
Dans quelles proportions l’Ukraine pourra-t-elle recouvrer ses territoires ? Où le curseur sera-t-il placé ? En échange de quoi ? Si l’Ukraine récupère toute sa côte de la mer Noire, mais sans la Crimée, devra-t-elle garantir un corridor d’accès sécurisé aux Russes, comme c’est le cas pour l’enclave de Kaliningrad ou le fut pour Berlin-Ouest ? Fondamentalement, quel équilibre trouver pour qu’aucune perte de face aux yeux des opinions publiques respectives n’apparaisse rendant l’accord inapplicable ?
Finalement, et c’est probablement l’essentiel, comment assurer aux protagonistes ce à quoi ils peuvent légitimement prétendre, à savoir les conditions de leur sécurité respective ?
Ce dernier point est le plus important car c’est ce qui depuis des décennies a fait monter les tensions dans cette région du monde. La lente et inexorable avancée de l’Otan et de ses dispositifs militaires vers les frontières de la Russie a provoqué chez celle-ci un sentiment d’encerclement dénoncé par Poutine dans son discours à la Conférence de Munich en 2008 dont il ne fut pas tenu compte. Evgueni Primakov, le prédécesseur de Sergueï Lavrov, rend compte dans un ouvrage paru en français en 2009 – Le Monde sans la Russie ? À quoi conduit la myopie politique, Ed. Économica – de cette longue évolution et laisse entendre que les interventions russes dans l’Est européen (Moldavie, Géorgie…) avaient pour but de freiner cette avancée en créant dans ces pays une situation de conflictualité rendant leur adhésion à l’Otan impossible en raison de son article 5 qui aurait immédiatement mis ses membres en situation de cobelligérance. Car pour rentrer dans l’Otan, il faut être un pays en paix. Pour l’instant le voeu d’adhésion de l’Ukraine s’oppose à de fortes réticences américaines et allemandes. La question de l’adhésion à l’Union européenne est plus ouverte mais sera lente car la liste des impétrants est déjà longue et suppose probablement au préalable une véritable refondation du projet européen et de sa gouvernance.
Les négociations de paix deviennent nécessaires mais les obstacles seront longs à lever.
Michel Rogalsky, « Ukraine, la négociation sera longue »
(Éditorial)
(Éditorial)
TABLE DES MATIÈRES
Michel Rogalski, Ukraine : la négociation sera longue [Éditorial]
Xavier Dupret, Dollar, une hégémonie en péril
Pierre Laurent, La dangereuse loi de programmation militaire 2024-2030
DOSSIER
TURQUIE, LE BILAN D’UN CENTENAIRE
TURQUIE, LE BILAN D’UN CENTENAIRE
Alexis Coskun, Turquie : une puissance contradictoire [Présentation]
Frédéric Hitzel, La Turquie, une histoire mouvementée
Enis Coşkun, Le régime d’Erdoğan et l’histoire constitutionnelle de la Turquie
Samim Akgönül, L’évolution des forces politiques en Turquie
Jean Marcou, La politique étrangère de la Turquie, un équilibrisme de longue date
Didier Billion, La dynamique des relations entre la Turquie et l’Union européenne
Tolga Bilener, La Turquie et ses options eurasiennes : substitut ou complément ?
Engin Sustam, La question kurde et le centenaire de la République turque
TRACES
Franck Gaudichaud : Chili 1970-1973
[Bonnes feuilles]
NOTES DE LECTURE
Coordination du dossier : Alexis Coskun
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