Kadidiatou HAMA
Une enquête préliminaire pour crimes contre l’humanité a été
ouverte en France le 15 septembre, visant le régime du président Bachar
Al-Assad, pour des exactions commises en Syrie entre 2011 et 2013. Le parquet
de Paris a ouvert cette enquête après un signalement du Quai d’Orsay. Le
ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a expliqué cette
démarche : « Face à ces crimes qui heurtent la conscience humaine, à cette
bureaucratie de l’horreur, face à cette négation des valeurs d’humanité, il est
de notre responsabilité d’agir contre l’impunité de ces assassins ».
Ces clichés ont nourri le rapport, dévoilé le 20 janvier 2014 par
la chaîne américaine CNN et le
quotidien britannique The Guardian,
qui accuse le régime syrien d’avoir torturé et tué « à l’échelle industrielle
».
© Reuters/Lukas Jackson
Jusqu’à
cinquante corps par jour
Longtemps chargé de prendre en photo des scènes de crimes ou
d’accident, « César » s’est vu affecter à une tout autre tâche après le début
de la révolte syrienne, en mars 2011 : tirer le portrait des opposants, réels
ou supposés, qui ont été torturés à mort ou froidement exécutés dans les geôles
du régime.
Un travail de recensement photographique aussi méticuleux que
mortifère, une bureaucratie de la barbarie menée dans un double but : d’une
part, permettre aux autorités de délivrer un certificat de décès aux familles à
la recherche d’un frère ou d’un père disparu, en mettant son trépas sur le
compte d’un « problème respiratoire » ou d’une « attaque cardiaque » ; d’autre
part, permettre aux tortionnaires de confirmer à leur hiérarchie que la sale
besogne a bien été accomplie.
A l’hôpital militaire où il est assigné, « César » reçoit jusqu’à
cinquante corps par jour. Chacun d’eux nécessite quinze à trente minutes de
travail, car quatre à cinq clichés sont requis pour constituer le dossier de
décès. Le spectacle de la sauvagerie des services de sécurité syrien éprouve
durement le photographe légiste. Il est mûr pour passer à la rébellion.
L’exposé morbide effectué par le photographe militaire fait
d’autant plus froid dans le dos que les 55 000 photos sont censées avoir été
prises sur seulement deux sites : l’hôpital de Mezzeh et celui de Teshrin,
toujours à Damas.
Yeux
arrachés, cadavres torturés
Ecrit en anglais en lettres couleur sang, et intitulé Assad's secret massacres (Les massacres secrets d'Assad), ce photoreportage était destiné
aux instances internationales, dont l'ONU, pour instruire un dossier sur la
responsabilité du régime dans des « tortures de masse ». Damas avait
alors qualifié ce rapport de « politique ». Pour le ministre français des
Affaires étrangères, Laurent Fabius, le « rapport César » témoigne de la « cruauté systématique du régime de Bachar Al-Assad ».
Les milliers de photos d'une cruauté insoutenable ont été
authentifiées par de nombreux experts et projetées à Paris, en 2014, à l'Institut
du monde arabe lors d'une conférence de presse. Elles montrent des cadavres
torturés et morts de faim dans les prisons du régime. On y voit des personnes
avec des lésions sur le dos ou le ventre, des yeux arrachés, des corps
décharnés et aussi une centaine de cadavres gisant dans un hangar, au milieu de
sacs plastique destinés à les enterrer.
Travail
sur la base de photographies
Pour savoir si la justice française est compétente pour juger les
responsables présumés de ces crimes, il faut qu’un Français ou un Franco-Syrien
figure parmi les victimes, ce que s’attachent à savoir les gendarmes de
l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et
les crimes de guerre (OCLCHGCG).
Ils travailleront notamment à partir des photos accumulées pendant
deux ans par cet homme se faisant appeler « César », qui fut photographe aux
ordres du régime syrien avant d’être exfiltré de Syrie en juillet 2013. Il dit
avoir travaillé dans une unité de documentation de la police militaire
syrienne.
L’annonce
de cette enquête est faite alors que la crise syrienne est au centre de la 70e session de l’Assemblée générale des Nations Unies qui se tient actuellement. Le
président français, François Hollande, a affirmé à l’ONU qu’« on ne peut pas
faire travailler ensemble les victimes et le bourreau », excluant ainsi Bachar
Al-Assad d’une solution politique au conflit. Le président américain, Barack
Obama, a insisté sur le départ du président syrien pour vaincre les djihadistes
de l’Etat islamique (EI), alors que le président russe, Vladimir Poutine,
insiste pour le maintenir au pouvoir.
Sources : AFP/Reuters/Le Monde
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