David ROY
La Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères
et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini, a affirmé, le 11 mai,
devant le Conseil de sécurité, que l’année 2015 serait pire que 2014 en ce qui
concerne la situation des migrants, appelant ainsi la communauté internationale
à réagir de manières urgente, durable et globale à cette « crise
tragique ».
Mme Mogherini s’exprimait, lors de cette séance du Conseil tenue sur le
thème « Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les
organisations régionales et sous-régionales aux fins du maintien de la paix et
de la sécurité internationales », aux côtés du représentant de l’Union
africaine, M. Tete Antonio, et du Représentant spécial du Secrétaire
général pour les migrations internationales et le développement, M. Peter D.
Sutherland.
Mme Mogherini a indiqué que cette crise sera durable si on ne s’attaque
pas à ses causes premières. Il n’y a pas de solution magique, et il faut
une réponse globale à une crise globale, a-t-elle lancé. « S’attaquer à cette situation est avant tout un devoir moral et est dans
l’intérêt partagé de tous les pays de la Méditerranée et des pays de
transit », a-t-elle souligné.
La Haute Représentante a assuré que l’Union européenne était prête à
prendre ses responsabilités pour sauver des vies, accueillir des réfugiés et
lutter contre les organisateurs des trafics. Elle a souligné l’importance
d’établir des partenariats étroits avec des pays de la région de la
Méditerranée, l’Union africaine, et la communauté internationale, y compris le
Conseil de sécurité des Nations Unies. Il faut, a-t-elle déclaré,
« adopter une approche globale en s’attaquant à tous les problèmes
connexes ».
Mme Mogherini a redit la nécessité de traiter les causes premières de
cette situation, à savoir la pauvreté, l’accès inégal aux ressources, les
conflits et les violations des droits de l’homme. « L’Union
européenne jouera son rôle », a-t-elle assuré.
La Haute Représentante a indiqué que le 13 mai, la Commission
européenne présenterait un nouveau programme européen sur la migration, sur les
moyens à mettre en œuvre pour y répondre d’une manière immédiate et durable.
Elle a appelé une nouvelle fois à œuvrer de concert avec les communautés
régionale et mondiale, précisant que le 23 avril dernier l’Union européenne
avait renforcé les efforts engagés pour démanteler les réseaux de trafiquants.
« Ma présence ici est importante pour nous », a déclaré Mme
Mogherini, précisant que, ces dernières semaines, l’Union européenne s’était
préparée à des opérations maritimes. Le Conseil des ministres des
affaires étrangères de l’Union européenne, qui va se réunir le 18 mai
prochain, devra prendre des décisions à cet égard, a-t-elle annoncé.
Mme Mogherini a également exprimé la volonté de l’Union européenne de
coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR). L’Union européenne respectera toujours le droit international, le
droit international humanitaire et les droits de l’homme, a-t-elle
insisté.
La Haute Représentante s’est en outre penchée sur la situation en Libye,
où, a-t-elle dit, « la majorité des trafics humains se
produisent ». Tant qu’il n’y aura pas de gouvernement légitime qui
exercera son autorité sur le territoire et les frontières maritimes du pays, la
crise perdurera, a-t-elle observé, assurant que l’Union européenne appuierait
le processus visant à faciliter l’établissement d’un gouvernement d’unité
nationale en Libye.
Le message de l’Union européenne aux Libyens est clair, a-t-elle dit,
ajoutant à leur adresse: « l’Union européenne est prête à vous appuyer de
toutes les façons possibles. L’Union européenne sera à vos côtés de la
façon que vous déterminerez. »
« Nous n’agirons pas contre quiconque, mais en partenariat avec
tous », a-t-elle également observé. L’Union européenne est prête à
relever les défis d’un point de vue sécuritaire et humanitaire. « L’Union européenne fera beaucoup, mais ne pourra le faire seule »,
a poursuivi la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires
étrangères et la politique de sécurité, appelant à lutter contre les
organisations criminelles « qui alimentent le désespoir ».
M. Tete Antonio, qui a pris la parole au nom de l’Union africaine, a
déclaré que les événements épouvantables qui ont lieu en mer Méditerranée
devraient interpeller la communauté internationale et l’inciter à accorder de
l’intérêt aux causes profondes des migrations. L’Observateur permanent de
l’Union africaine auprès des Nations Unies a estimé que l’augmentation du
nombre de personnes qui tentent de traverser la Méditerranée est liée aux
conflits qui affectent le continent africain, y compris la crise
libyenne.
Il a souligné que toute solution sur la question des migrations qui ne
tiendrait pas compte de cette réalité serait de fait inefficace. Toute
solution, a-t-il ajouté, doit tenir compte du droit international et du droit
international humanitaire, une collaboration franche devant être forgée entre les
acteurs internationaux, l’Union africaine, l’Union européenne, ainsi que les
pays d’origine, de transit et de destination des migrants.
D’autres facteurs conduisent aux migrations, notamment les tensions
sociales, le chômage des jeunes, les conséquences des changements climatiques
comme la sécheresse et la rareté de l’eau et le manque de progrès dans la
gestion de la mobilité au sein du continent africain, a-t-il expliqué.
M. Tete Antonio a promis que l’Union africaine était prête à jouer son
rôle en collaboration avec ses partenaires. L’Union africaine et l’Union
européenne ont adopté, au cours de leur quatrième sommet conjoint, en avril
2014, une déclaration commune dans laquelle elles ont notamment souligné leur
engagement en matière de migration et de mobilité, celles-ci, en tant que
moteur de la croissance inclusive et du développement durable, devant être
dûment prises en considération dans le programme de développement pour
l’après-2015.
M. Tete Antonio a également souligné l’incidence politique qu’ont les
migrations sur les communautés d’accueil, déplorant dans ce contexte la montée
de la xénophobie en Afrique et ailleurs. Il a aussi appelé au
renforcement de la coopération régionale sur la question des migrations en
Afrique, notant que les déplacements à l’intérieur du continent étaient plus
importants que ceux entre l’Afrique et le reste du monde.
M. Sutherland a, lui aussi dans son intervention, appelé la communauté
internationale à prendre des mesures de répression contre les trafiquants et passeurs. Il a également plaidé pour un dialogue nourri entre les Nations Unies, les
organisations régionales, et les gouvernements, notamment ceux des pays
d’origine, de transit et de destination des migrants.
Enfin, le Représentant spécial du Secrétaire général pour les migrations
internationales et le développement a expliqué qu’au cours des
130 premiers jours de l’année 2015, 1 800 personnes se sont
noyées en Méditerranée, un chiffre 20 fois supérieur aux statistiques
portant sur la même période l’an dernier.
Il a averti qu’à ce rythme, entre 10 000 et 20 000 migrants
pourraient périr d’ici à l’automne prochain, ajoutant qu’il était de notre
responsabilité collective d’agir.
Le Représentant spécial a aussi déclaré que les migrants payaient parfois
5 000, 10 000 ou même jusqu’à 15 000 dollars aux passeurs pour
avoir le droit de traverser la Méditerranée. Ces migrants, a-t-il dit,
sont conscients du fait qu’ils risquent de perdre la vie en s’engageant dans ce
voyage. Mais il est évident, a-t-il précisé, que la situation qui les a
poussés à fuir leurs pays est plus dangereuse encore.
C’est notamment le cas des réfugiés syriens, qui représentent le tiers de
tous ceux qui tentent de traverser la Méditerranée illégalement, a-t-il ajouté.
M. Sutherland a estimé que toute stratégie de réponse à cette crise,
y compris de la part du Conseil de sécurité, passait par la nécessité de sauver
des vies. « Ne pas agir en ce sens constituerait un échec
moral », a-t-il estimé.
M. Sutherland a aussi invité l’Europe et l’Afrique à adopter une stratégie
commune contre les trafiquants et passeurs, expliquant que faire traverser les
migrants d’un continent à l’autre est un commerce qui est devenu plus lucratif
que celui des armes ou des drogues. Il a mis en garde contre la
complexité de cette crise, notant que même si on venait à bout des passeurs et
autres trafiquants, les migrants se retrouveraient de fait bloqués dans un pays
de transit, sans protection, sans droit à l’éducation ou encore, à la santé.
M. Sutherland a estimé que l’ensemble de la communauté internationale
devait partager équitablement le fardeau des réfugiés, déplorant la situation
qui prévaut dans des petits pays comme la Jordanie ou le Liban qui accueillent
à eux deux près de 1,8 million de réfugiés syriens. Il a invité la
communauté internationale à renforcer son assistance aux pays proches des zones
de conflit, afin que ces derniers puissent assurer la protection des migrants
et faciliter l’accès à l’éducation à leurs enfants.
Il a souligné en outre que la réinstallation des réfugiés et d’autres
formes de prises en charge humanitaires constituaient des méthodes parmi les
plus sûres et les plus organisées de protection des migrants. « Nous
avons besoin de plus de pays d’accueil et de quotas de réinstallation plus
larges », a-t-il lancé, en rappelant que seulement la moitié des 28 pays
de l’Union européenne étaient des pays d’accueil.
M. Sutherland a par ailleurs proposé que d’autres options légales soient
offertes aux réfugiés, par exemple des visas humanitaires, des statuts de
protection temporaire ou encore des visas de court terme. Pour ce qui est
des médecins, des enseignants, des ingénieurs, des infirmières ou des
professionnels de la construction, a-t-il encore déclaré, ils pourraient bénéficier
de visas de travail, de visas saisonniers ou de visas de migration circulaire.
Le Représentant spécial a aussi mis l’accent sur la responsabilité des
pays d’origine des migrants, notamment ceux où les inégalités, les
dysfonctionnements de la gouvernance et la pauvreté poussent les gens à
fuir. Il a estimé que les dirigeants de ces pays doivent être davantage
redevables.
Il a par ailleurs souhaité que tout plan international intègre des accords
de retour pour les réfugiés qui n’ont pas forcément besoin de la protection
internationale. Il a salué l’annonce d’un plan européen sur les
migrations qui devrait être adopté prochainement par la Commission de l’Union
européenne. M. Sutherland a aussi souhaité que la question des
migrations et des réfugiés figure dans le programme de développement pour
l’après-2015.
Source : ONU
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