27 juillet 2015

REVUE : "Special issue on Migration", Africa Development (vol. 40, n°1, 2015)

Catherine MAIA

Marginales il y a trente ans, les études sur les migrations africaines sont devenues pléthoriques ces dix dernières années alors que les organisations internationales les inscrivaient dans leur agenda respectif et s’employaient à financer certaines recherches, parfois même à soutenir la création de centres spécialisés dans la gestion des migrations (CIGEM1 au Mali). Or l’innovation dans la recherche est en grande partie sous-tendue par une connaissance fine et renouvelée des réalités, d’une part, et par la nécessité de conserver une distance par rapport aux prêts-à-penser diffusés par les acteurs politiques et institutions internationales, d’autre part.

En Europe, en l’absence d’une tradition académique, la sociologie de la migration est restée pendant très longtemps le parent pauvre de la discipline ; l’idée sous-jacente étant que les nouveaux arrivants devaient se fondre dans ces vieilles nations rendues plus homogènes par une longue histoire commune. Les premiers travaux ont été profondément marqués par la migration de travail en lien avec l’appel de la main-d’oeuvre coloniale. Les problématiques ont porté pendant plusieurs décennies sur l’exploitation de la force de travail et sur les modalités d’intégration des immigrés dans les pays d’accueil, comme si, le faisait remarquer Abdelmalek Sayad, l’existence des migrants commençait seulement lorsqu’ils arrivaient en Europe (Sayad 1981), alors qu’aux États-Unis, pays façonné par l’arrivée d’immigrants, dès les années 1920, cette même sociologie de la migration s’est positionnée au centre de la sociologie empirique naissante. Par la suite, les travaux de l’École de Chicago ont accordé une place importante aux migrants : les itinéraires du paysan polonais (Thomas & Znaniecki 1927), du Hobo ce travailleur saisonnier (Anderson 1923) ou encore des corners boys d’origine italienne (William Foote Whyte 1943) à Boston ont été largement documentés. Plus tard dans les années 1970, les recherches sur l’ethnic business, sur les minorités intermédiaires, sur ces immigrés devenus commerçants ou entrepreneurs ont, encore une fois, été développées dans un premier temps, à l’initiative de l’école américaine (Light 1972 ; Granovetter 1985 ; Waldinger and al. 1990 ; Portes and Sensenbrenner 1993).

En Afrique, les travaux en sociologie et en histoire de la migration ont ciblé pendant longtemps les migrants saisonniers qui gagnaient les pays frontaliers pour aller travailler dans les plantations d’arachide, de café et de cacao (David 1980 ; Condé 1978 ; Cordell, Gregory, Piché 1996 ; Coulibaly, Gregory, Piché 1980 ; Mande 2007), dans les champs pétroliers, et dans les mines d’or, de diamants (Bredeloup 2008) avant que les migrants installés en ville dans des activités de commerce ou de services ne retiennent l’attention des chercheurs (Dougnon 2007). Quelques études pionnières ont établi des connexions étroites et heuristiques entre migration commerciale saisonnière, emplois dans la marine marchande et travail salarié dans les usines européennes (Manchuelle 1987).

Sylvie Bredeloup
(Extrait de l'Introduction)

TABLE DES MATIERES

Sylvie Bredeloup, Introduction : terrains revisités en migrations africaines

Régis MinvielleL’Amérique du Sud ou l’émergence d’un nouveau théâtre des migrations africaines

Yienou-Yaba Dimitri Lompo, Les Burkinabè du Gabon : une migration à l’aune des aléas politiques ?

Florence Boyer et Sihé NéyaRetours, circulations, installations ? Les reconfigurations du système migratoire ivoiro-burkinabè

Mamadou Dimé, « Flamber moins et investir utile » : la promotion de l’entrepreneuriat chez des migrants de retour au Sénégal

Harouna MounkaïlaLa gestion des rapatriés de Libye dans la commune de Tchintabaraden (Niger) : les défis de l’urgence et du durable

Stéphanie LimaMigrants volontaires et migrants citoyens : les recompositions des associations de migrants originaires de la région de Kayes (Mali)

Jamilla HamiduAre Ghanaian Diaspora Middle Class? Linking Middle Class to Political Participation and Stability in Ghana

Abdourahmane SeckSénégal-Maroc : usages et mésusages de la circulation des ressources symboliques et religieuses entre deux pays « frères »



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