Olivier CLERC
À l’heure de l’anthropocène et de l’effondrement de la biodiversité, l’humanité peut-elle encore préserver la nature sauvage ? Est-elle capable, pour la sauvegarder, de s’émanciper d’une tradition philosophique dualiste qui, en séparant l’humanité de la nature, érige la première en entité la plus significative de l’univers et, au contraire, enferme la seconde dans une condition d’objet inerte ? Une telle vision du monde légitime en effet la domination et la maîtrise par l’humanité des éléments naturels et explique que les objectifs du droit de l’environnement se contentent, le plus souvent, de promouvoir une gestion soutenable des ressources naturelles.
À rebours de cet héritage dualiste, cet ouvrage propose d’étudier les fondements éthiques permettant, en redéfinissant la relation humanité/nature, de concevoir une politique de préservation de la nature sauvage dans l’Union européenne.
La première partie de l’ouvrage décrit comment une tradition de pensée naturaliste – fondée sur les croyances païennes puis sur les systèmes épicurien et spinoziste – s’est toujours maintenue en Occident. Elle démontre la rémanence d’un naturalisme éthique selon lequel la nature est naturante et l’humanité se doit de vivre en harmonie avec elle. Aux États-Unis, l’éthique de la wilderness – qui reprend ces thèses – a conduit à l’adoption d’une véritable politique de préservation. Sur ce modèle, au début du XXe siècle, les États européens ont pareillement créé de nombreux parcs nationaux qui ont – ponctuellement – permis de sauvegarder des espaces de nature sauvage.
La deuxième partie de l’ouvrage retrace l’émergence, dans les années 1970, des écosophies contemporaines.
Ces éthiques naturalistes prônent un nouveau rapport humanité/nature en affirmant, d’une part, la valeur intrinsèque de la nature sauvage et en se focalisant, d’autre part, sur l’interconnexion des formes de vie au sein d’un tout complexe et harmonieux. Jusqu’à présent et malgré quelques initiatives récentes, cette résurgence de la nature sauvage n’a eu qu’un impact modéré sur le fonctionnement du réseau Natura 2000 qui – obéissant à une logique de développement durable – ne protège qu’indirectement la naturalité des sites qu’il abrite.
La troisième partie de l’ouvrage met en évidence la nécessité pour les pouvoirs publics, face aux dangers de l’érosion de la biodiversité, d’oeuvrer à une réhabilitation de la nature sauvage. Elle implique de redéfinir les objectifs du réseau Natura 2000 pour qu’ils visent la mise en place d’une politique de préservation ambitieuse axée sur le ré-ensauvagement de vastes milieux naturels. Au-delà, la proposition de consacrer des droits au profit de la nature sauvage apparaît comme une étape décisive de ce processus de réhabilitation. Elle validerait juridiquement la thèse éthique de la valeur intrinsèque de la nature sauvage et conduirait à ce que ses intérêts soient mieux pris en considération.
TABLE DES MATIÈRES
Remerciements
Préface, Marie-Angèle Hermitte
Sommaire
Introduction générale
PARTIE 1. RÉMANENCE DE LA NATURE SAUVAGE
Chapitre 1. Persistance historique d’un naturalisme philosophique
Section 1. – (Méta)physique naturaliste : une nature-sujetChapitre 2. Vicissitudes du droit de la préservation de la nature sauvage
Section 2. – Éthique naturaliste : exigence d’une vie « conforme à la nature
Section 1. Prémices préservationnistes des politiques nationales de protection de la nature sauvage
Section 2. Évolution conservationniste du droit international de l’environnement
PARTIE 2. RÉSURGENCE DE LA NATURE SAUVAGE
Chapitre 1. Emergence des écosophies
Section 1. Révolution éthiqueChapitre 2. Inclination du droit de l’environnement vers la préservation de la nature sauvage
Section 2. Politique du sauvage
Section 1. Apport du droit international de l’environnement à la préservation de la nature sauvage dans l’Union européenne
Section 2. Préservation de la nature sauvage dans le cadre du réseau Natura 2000
PARTIE 3. RÉHABILITATION DE LA NATURE SAUVAGE
Chapitre 1. Renforcement du réseau natura 2000
Section 1. – Nécessaire réforme des objectifs du réseau Natura 2000Chapitre 2. Consécration des droits de la nature sauvage
Section 2. – Élaboration d’un cadre juridique européen pour la préservation de la nature sauvage
Section 1. De la nature objet de droit à la nature sujet de droit
Section 2. Nature sauvage – sujet de droit
Conclusion générale : réensauvagement de l’Europe
Bibliographie
Olivier CLERC, Éthique et droit de la préservation de la nature sauvage dans l'Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2021 (436 pp.)
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